Les enfants sauvages  de Lucien Malson

Le film de François Truffaut: "L'enfant sauvage" (1969) raconte l'histoire de Victor de L'Aveyron rapporté par le docteur Jean Itard (interprété par François Truffaut).

Lucien Malson  recense et étudie les différents cas d’enfants qui ont survécu en situation d’extrême isolement et conclut que : 

Le rapport à l’autre n’est pas le même chez l’homme et chez les autres animaux

Même si les éthologues notent des phénomènes d’apprentissage chez les animaux qui ont les  systèmes nerveux les plus développés et des  phénomènes de suggestion de groupe chez les animaux inférieurs, il n’empêche que lors qu’un individu d’une espèce animale est séparé précocement de ses congénères, il  manifeste malgré tout des caractéristiques assez précises de son espèce. Il y a chez les animaux des schémas comportementaux endogènes. On peut en ce cas parler d’instinct.  Il y a chez les animaux un  « a priori » de l’espèce, dont chaque animal exprime la force directrice de manière significative même quand il grandit et survit seul.

 Chez les animaux, et même chez les espèces vivant en groupe, le contact des autres n’est pas essentiel au point que leur absence entraverait le développement normal de l’individu isolé.

 C’est du moins la thèse de Malson en 1964. La tendance contemporaine (S. J. Gould  ,L’éventail du vivant) est d’éviter de parler univoquement de l’animal : il y a des animaux aux structures rudimentaires qui sont dès leur naissance tout ce qu’ils seront. Plus le système nerveux et cérébral  se complexifie, plus il y a de possibilités  d’imitation et d’apprentissage. Toutefois il  demeure que l’homme est une espèce singulière  : l’homme naît véritablement inachevé , les connexions cérébrales continuent à se former pendant les premières années de la vie de l’enfant. Elles dépendent donc des sollicitations de l’entourage, donc des autres ; c’est ainsi que l’enfant apprend à parler, développe des capacités de représentation et d’abstraction.

Donc, dans le cas de l’homme, la présence ou l ‘absence des autres a toujours un impact déterminant comme le prouve le cas des  « enfants sauvages ».

Il faut donc conclure que chaque homme est constitué par la présence des autres puisque aucun homme ne développe les facultés caractéristiques de son espèce sans le contact de ses semblables.

  Ni le langage, ni la libido, ni la technique, ni la station droite ne sont naturels en l’homme. L’homme est cet animal étrange qui a besoin  du contact de ses semblables pour réaliser sa nature

Lucien Malson conclut ainsi que l’homme n’a pas de nature au sens propre ; il est une histoire, il est ce qu’il devient au contact des autres.

Il n’y a pas d’hérédité comportementale chez l’homme. Il y a une part d’inachèvement compensée par une capacité d’imitation : une génération  éduque l’autre.

   Cela  soulève toute une série de remarques : 1)  Le paradoxe de l’origine. Il fallait qu’il y ait déjà des hommes pour qu’il y ait des hommes… « On peut penser qu’une société de mutants a bénéficié d’une situation protohumaine… » 2) La dépendance vis -à -vis de la culture originaire et le risque évident de préjugés ethnocentriques 3) la dépendance vis -à -vis du milieu  familial et  social. Ce n’est pas à cause d’une hérédité psychologique qu’il y a des familles de gens « doués » et des familles de  « tarés » mais à cause du comportement reçu en modèle par l’enfant. Si la mère est idiote, elle offre un tel  modèle  à l’enfant qui la côtoie. Une famille est un milieu éducatif qui a des effets déterminants sur la stimulation ou non  des capacités de l’enfant .

Lucien Malson cite la descendance d’un certain Max Jukes, New Yorkais du XVIII ème siècle ivrogne et vagabond.

 En 1915, on recense descendants,

  Toutefois,  si on fait le total des descendants auquel on soustrait le total des marginaux : on obtient tout de même 1337 braves gens !

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Les enfants sauvages de Lucien MALSON

Les enfants sauvages : plan.

En ce qui concerne la construction de l’ouvrage, voici le découpage adopté par l’auteur :

  • une rapide introduction de quelques pages qui annonce l’idée essentielle : il n’y a pas de nature humaine
  • chapitre 1 (« l’hérédité de l’individu et l’hérédité de l’espèce ») : il n’y a qu’une hérédité biologique, et non psychologique ; le développement psychologique de l’homme dépend de son inscription en société (acquis)
  • chapitre 2 (« Les compositions légendaires et les relations historiques ») : les cas historiques d’isolement et les débats concernant leur sens
  • chapitre 3 (« Les trois espèces d’homines feri et leurs plus célèbres exemples ») : présentation et analyse des trois cas d’isolement que Lucien MALSON interroge

Les enfants sauvages de Lucien Malson

Introduction

«  C’est une idée désormais conquise que l’homme n’a point de nature mais qu’il a – ou plutôt qu’il est – une histoire « . MALSON part donc d’un constat. Cette thèse existentialiste est-elle une évidence pour tout un chacun ? Rien n’est moins sûr. Combien pensent encore que l’homme naît avec une grande part de facultés déjà constituées ? S’il défend l’évidence de cette thèse, MALSON va néanmoins assoir cette thèse sur l’analyse des « enfants sauvages », c’est-à-dire d’enfants qui se sont retrouvés à l’état sauvage très jeunes, avant même d’avoir appris au sein de la société des hommes.

L’humanité est conçue par MALSON comme une «  structure de possibilités, voire de probabilités qui ne peut passer à l’être sans contexte social, quel qu’il soit « . Autrement dit, l’homme est un animal politique (Aristote). En dehors de la cité, l’homme n’est plus vraiment homme, en dehors de la cité, l’homme reste un animal. L’hérédité n’est pas d’ordre psychologique : les caractéristiques et compétences psychologiques se transmettent grâce à l’éducation. MALSON distingue d’ailleurs ici l’hérédité (physique, biologique) et l’héritage (psychologique) : «  La nature, en l’homme, c’est ce qui tient à l’hérédité, le culturel c’est ce qui tient à l’héritage « . Bref, pas d’hérédité psychologique, ni au niveau de l’individu, ni au niveau de l’espèce : on ne nait pas homme, on le devient.

Chapitre 1 : l’hérédité de l’individu et l’hérédité de l’espèce

MALSON commence dans ce premier chapitre par examiner la notion d’hérédité au niveau de l’individu. Sa thèse, encore une fois, est qu’il n’existe pas d’hérédité psychologique en l’homme pris comme individu. Les idées, la morale, les croyances ne se transmettent pas spontanément entre parents et enfants. On ne nait pas intelligent ou idiot, ni croyant ou athée, ni bon ou mauvais : ces qualités relèvent de la culture, de l’éducation. La seule transmission spontanée est d’ordre biologique : je nais blond ou brun, petit ou grand, etc.

La sociologie des familles (étude des familles de génies ou d’arriérés) pourrait laisser penser qu’il y a pourtant une transmission à l’enfant des dispositions spirituelles, du « génie » ou, à l’inverse, des déficiences (hors maladies). La famille de Bach, par exemple, est composée de près de 50 musiciens sur 8 générations. N’est-ce pas là la preuve d’une transmission héréditaire du génie musical et donc de compétences intellectuelles ? A l’inverse, on retrouve des familles composées historiquement d’un très grand nombre de clochards et d’alcooliques. Ne peut-on pas en déduire la même chose que dans le cas de la famille Bach ? MALSON défend que dans les deux cas, cette « hérédité » est en fait un « héritage », c’est-à-dire que cette transmission dépend du milieu et de l’éducation. On pourra à ce sujet se tourner vers des auteurs tels que DURKHEIM ou BOURDIEU pour en apprendre davantage sur la dimension sociologique de l’éducation et du développement des qualités intellectuelles. Si on place un enfant de mère « débile » dans une famille au milieu culturel élevé, l’enfant aura un QI dans la moyenne. Les affects et les connaissances sont donc bel et bien fonction du milieu et de l’éducation, et non d’une base biologique (encore une fois : hors maladies).

D’autre part, l’étude de la gémélité (les cas de jumeaux) pourrait faire penser que la ressemblance au niveau psychique des jumeaux proviendrait d’une hérédité commune. Mais la ressemblance, encore une fois, est liée au milieu familiale et à l’éducation reçue : «  L’entourage a tendance à traiter de la même manière ceux qui s’offrent au regard dans une indifférenciation objective « . Surtout, chaque enfant, même dans le cas des jumeaux, a foncièrement une personnalité unique et originale. Dans le cas des familles de génies comme dans le cas des jumeaux, nous n’avons pas à faire à une hérédité mais bien à une transmission culturelle. A la limité, l’hérédité s’arrête à l’air de famille (physique) que peuvent partager les enfants.

MALSON a donc défendu dans ces deux cas qu’il n’y a pas d’hérédité psychologique au niveau de l’individu humain. Il reste à voir si au niveau de l’espèce humaine, on ne peut pas retrouver néanmoins une hérédité des principales caractéristiques intellectuelles et affectives de l’être humain. Sans cela, il faudrait renoncer à la notion de nature humaine au sens où on l’entend habituellement.

Pour MALSON, c’est de son milieu social que l’homme reçoit le sens moral et une certaine manière de concevoir le monde, de penser et de ressentir des affects. «  Les peuples ont développé un « style de vie » que chaque individu, en eux, tient – non sans réagir, du reste – pour un prototype « . Mais cette conception est purement subjective, et non objective. On s’aperçoit d’ailleurs, argument avancé par MALSON, que les peuples qui migrent changent de comportements.

En outre, les phases de développement de l’enfant (conceptualisées par exemple par Freud : Oedipe, stade anal, etc.) ne sont pas universelles. On se rend compte en étudiant les peuples « primitifs » (terme abominable s’il en est !) que certaines phases de développements que l’on croyait inscrites profondément en l’homme ne sont que des caractéristiques relatives à telle ou telle culture, à tel ou tel mode de vie. Par exemple, MALSON rapporte que l’Oedipe n’existe pas dans les îles d’Alor.

En conclusion, il n’y a pas de « nature humaine » au sens de l’innéité. L’homme ne doit rien à l’inné et doit intégralement se construire, grâce à son milieu et son éducation, bref : c’est la société humaine qui crée l’être humain. Sans appartenance sociale initiale, l’homme n’est qu’un animal.

N’y-a-t-il alors aucune différence en l’homme et le reste du règne animal ? MALSON nuance son propos en précisant qu’ «  il demeure que l’homme, en société, actualise des possibilités qui le différencient sans conteste de l’animal supérieur « . Par exemple, en dehors de la société, l’homme est incapable de parler. Pourtant, seul l’homme pourra parler au sein du règne animal, après une phase d’éducation. L’homme présente donc un certain nombre de possibilités, de puissances (au sens aristotélicien) que la société permettra d' »actualiser » (idem).

La « nature humaine » est donc construite, socialement déterminée. MALSON indique ce qu’il considère comme les caractéristiques de la nature humaine.

Sur le plan de l’intelligence, il suit KÖHLER en définissant l’homme par :

  • la liberté dans l’espace (l’homme, pour manger, peut par exemple enlever un obstacle) et dans le temps (l’homme peut partir à la chasse avec un bambou sur l’épaule)
  • la pensée de la pure chose : l’homme peut donner plusieurs sens à une même chose, et donc séparer la chose de ses sens possible
  • la capacité combinatoire (ex : construction d’un pont avec planches et caisses)

Ces caractéristiques que MALSON tient pour proprement humaines peuvent néanmoins ici être largement critiquées, notamment en s’appuyant sur les plus récentes études des grands mammifères…

Sur le plan de l’affectivité, MALSON s’appuie sur LEVI-STRAUSS :

  • l’exigences de règles (coutumes et rites)
  • le voeu de réciprocité (égalité)
  • le mouvement oblatif (le don)

De la même manière, la spécificité humaine de ces trois caractéristiques est critiquable.

Quoi qu’il en soit, MALSON a défendu que la nature humaine est une construction, le fruit d’un processus d’apprentissage et d’une inscription dans un milieu socio-culturel et qu’aucune caractéristique psychologique est héréditairement transmise, que ce soit au niveau de l’individu ou au niveau de l’espèce. A la question « qu’est-ce que l’homme ? », MALSON répond donc : un être déterminé et constitué au travers de sa relation à autrui au sein de la société. C’est l’autre qui me fait advenir, exister, sortir de mon animalité : d’abord ma famille, puis mes amis, puis la société dans son ensemble me conduisent à m’humaniser.

Chapitre 2 : Les compositions légendaires et les relations historiques

MALSON rappelle alors les grands cas historiques d’isolement. Rappelons que Lucien MALSON va analyser par la suite trois grands cas d’isolement et qu’il va s’appuyer sur cette étude pour défendre l’idée que l’homme, par nature, est bien peu de chose, la « nature humaine » devant tout à l’éducation et aux stimulations de son milieu social.

Romulus et Rémus, enfants recueillis par une louve, et qui fonderont Rome sont l’exemple (fictif) le plus connu des enfants sauvages, élevés par un animal, en dehors de la société humaine. L’enfant-loup de la Hesse (cité par ROUSSEAU dans Le Discours sur l’origine… ), surnommé ainsi car recueilli par un loup, est également fameux (enfant découvert en 1344). De nombreux cas en Inde ont été rapportés. MALSON analysera d’ailleurs un exemple localisé en Inde (Amala et Kamala, découvert à Midnapore en 1920).

Quels sont les caractéristiques de l’homo ferus, nom latin donné aux « enfants sauvages » ? LINNE, que critique en partie MALSON, les définissait comme étant :

  • quadripèdes : MALSON rappelle que certains deviennent cependant bipèdes
  • muet : certains, nuance MALSON, réussissent à parler par la suite
  • velu : ce point relève de la légende (MALSON rappelle que l’on présente des hommes velus dans les fêtes foraines comme soit-disant sauvages, ce qui n’est pas le cas)

Quels sont alors, pour MALSON, les caractéristiques essentielles de l’homo ferus ? Voici la définition minimaliste de l’homme à l’état de nature, sans éducation humaine :

  • indifférence sexuelle
  • certains (habitués à vivre la nuit) voient mal le jour
  • ne deviennent pudiques qu’avec l’éducation
  • sensations auditives et olfactives exacerbées
  • insensibilité thermique
  • ni rire, ni sourire (alors qu’on définit souvent le rire comme étant le propre de l’homme !)
  • préfère souvent la compagnie des animaux

Tel est le portrait de l’homo ferus dressé par MALSON et que l’analyse de trois cas d’enfants sauvages lui a permis de développer. Et ce dernier de citer JASPERS : « c e sont nos acquisitions, nos imitations, notre éducation qui font de nous des hommes au point de vue psychologique « .

Avant d’étudier dans le détail les cas d’enfants sauvages, MALSON étudient les critiques qui sont faites à ces cas d’isolement et qui cherchent à nier les cas « d’enfants sauvages ». Certains disent que soit les enfants ont moins de 3-4 ans et ne puvent pas survivre, soit ils ont davantage, mais portent alors la trace de culture. Par conséquent, au sens strict, les enfants « sauvages » seraient une illusion. Cette objection est fausse puisque les enfants ont été recueillis par des animaux, d’où leur survie malgré leur très jeune âge. Les enfants plus âgés ont vu leur développement psychologiques stoppé, voire régressé. Autant de faits qui atteste de la réalité de l’enfant sauvage.

On retrouvent également, au travers des récits de tels cas, de nombreuses similitudes alors que les auteurs ne se connaissent pas : quadrupèdes, mutilité initiale, pas d’instinct sexuel, et souvent l’incapacité de se reconnaître dans un miroir.

Les cas d’isolement sont donc une base de travail fiable pour questionner la nature humaine. Ce sont d’ailleurs des cas inespérés d’expérience sur l’humain, expériences qui seraient au passage atroces si elles avaient été volontairement menées.

Quel est alors la signification de ces cas d’isolement ? Pour LEVI-STRAUSS, ces enfants ont été abandonnés car ils étaient demeurés. MERLEAU-PONTY rétorque qu’on ne peut pas déduire de l’absence de langage le fait qu’ils étaient initialement demeuré. C’est la frustration affective et l’absence de contacts sociaux qui est la véritable cause de l’homo ferus, et non l’inverse. D’ailleurs, leur survie n’est-elle pas une preuve de leur « normalité » ? MALSON invite ici à faire la distinction entre la débilité mentale d’origine organique (maladie) et celle liée à l’absence de milieu social humain. Les enfants sauvages retrouvés feront tous des progrès sur le plan intellectuel et sur celui des affects. En résumé, la thèse de MALSON est que les enfants sauvages sont déficients parce qu’ils sont été sauvages et non sauvages parce qu’ils étaient déficients au départ.

chapitre 3 : Les trois espèces d’homines feri et leurs plus célèbres exemples

Après avoir défendu sa thèse de la construction de la nature humaine et de son absence à l’état naturel, en dehors de la société humaine, MALSON termine son ouvrage par l’analyse de trois cas différents d’homo ferus :

  • Gaspard Hauser (enfant reclus)
  • Kamala (enfant animalisé)
  • Victor de l’Aveyron (enfant solitaire)

Gaspard a été retrouvé habillé, portant une lettre de sa mère. Enfermé, il a appris la lecture et l’écriture. Sa mère l’envoie chercher du travail. Son corps est celui d’un homme, mail il a 3 ans d’âge mental. Il se lève et se couche en même temps que le soleil, marche difficilement, aime le pain et l’eau (pas le vin ni la viande : cela s’apprend !), pleure et crie souvent, il a peur de tout. Il connaît 6 mots et une expression en patois. Reclus, cet enfant a donc reçu une éducation minimaliste et n’a développé que très peu de caractéristiques humaines qui nous semblaient pourtant innées…

Recueilli par le professeur DAUMER, il va faire de nombreux progrès sur le plan de l’émotion et des sentiments. Il va même se marier, mais sans éprouver de sentiments amoureux. Il ne se reconnait pas dans le mirorir et a du mal à appréhender la perspective et les distances. Il apprend relativement rapidement, mais conserve une conscience très faible du passé.

Amala et Kamala, quant à elles, ont été capturées par le Révérend SINGH en 1920. Ces enfants-loups imitent l’halètement et laissent pendre leur langue : comportement peu humain… mais étrangement proche de celui d’un loup (qui les a recueilli et donc « éduqué » !). Elles sont photophobes et nyctalopes, hurlent à la mort et gémissent. Elles cherchent à s’évader et dorment peu (4 heures). Elles marchent sur les coudes et les rotules et courent très vite sur les mains et les pieds. Autant de comportement « hérités » du loup, autant de faits contre la notion de « nature humaine » au sens inné.

Si Amala meurt en 1921, Kamala sera plus longuement éduquée et étudiée. La motricité s’humanise lentement (marcher à 4 pattes relève de l’absence d’éducation et de contacts humains durant les premières années) : marcher sur 2 pieds s’apprend et n’est pas une caractéristique innée en l’homme. Chaque homme doit réapprendre grâce à sa famille à être bipède. Elle se socialise peu à peu. 3 ans après sa capture, Kamala a même peur la nuit ! Sa sensibilité gustative augmente peu à peu. Surtout, le langage se développe (une cinquantaine de mots à sa mort). Elle n’était donc pas demeurée (argument de fait contra la thèse de LEVI-STRAUSS précédemment énoncée).

La vie affective est donc déterminée par la relation émotionnelle entre l’enfant et sa mère (ou son père !) et la vie intellectuelle par le moment de l’apprentissage du langage. Ce n’est pas parce qu’ils étaient demeurés que ces enfants ont été abandonnés et sont donc sauvages. C’est au contraire parce qu’ils sont sauvages qu’ils n’ont pas pu s’épanouir sur le plan émotionnel et intellectuel.

Victor, dans le film inspiré de cas d'enfant sauvage

Victor, enfin, se lève et se couche également en fonction du soleil, cherche aussi à s’évader et regarde derrière le miroir (car il ne s’y reconnait pas). Il n’a pas d’instinct sexuel à la puberté, présente une analgésie cutané (insensible au chaud et au froid), n’aime pas dormir dans un lit et a l’habitude de tout sentir.

Egalement éduqué après avoir été trouvé, il va petit à petit s’humaniser : il va s’habiller lui-même, tendre son assiette pour être servi. Sa sensibilité affective et sa sensibilité se développent petit à petit, ainsi que son attention. Il apprend peu à peu à parler. Il s’évade de temps en temps, mais éprouve alors de la honte (sentiment lié à l’éducation, et non inné). Il rit quand il est félicité, mais geint quand il est réprimandé. «  Au bout de quelques mois Victor perd le statut de l’idiot : il sait saisir le sens des mots, les reproduire sans exemple et indiquer par l’écriture l’essentiel de ses désirs et de ses voeux « . On lui a donc appris à devenir humain, grâce aux contacts sociaux et à l’éducation.

Un extrait du film de TRUFFAUT que je vous recommande pour mieux comprendre ces cas d’isolement, présentés ici de manière théorique :

«  L’homme en tant qu’homme, avant l’éducation, n’est qu’une simple éventualité, c’est-à-dire moins, même, qu’une espérance « . Les caractéristiques psychologiques de l’homme (au sens affectif et intellectuel) sont le fruit de l’éducation et non innées. En ce sens, la nature (psychologique) humaine est une illusion si on comprend cette expression au sens strict de « nature », c’est-à-dire de spontané, de naturel, indépendant de la culture. Si l’on souhaite conserver la notion de nature humaine, sans l’abaisser par exemple au tableau dressé par LINNE plus haut, il convient de préciser que la « nature humaine » au sens où on l’entend habituellement, c’est-à-dire au sens psychologique, est purement culturel. Pas d’homme sans éducation, pas d’homme sans appartenance et ancrage social. L’homme naturellement bon de Rousseau, par exemple, est donc une pure fiction.

On perçoit mieux, dès lors, le poids d’autrui et de la société dans l’élaboration de notre « nature ».

Classé dans textes

lectrice de passage

23 avril 2011 à 16:36

merci pour cet extrait, intéressant et utile…!

27 juin 2011 à 19:09

L’enfant in utéro est déjà un personne, donc on peut admettre l’idée d’une nature humaine

27 juin 2011 à 19:39

Les enfants sauvages ont eu comme référence que animale. S’ils en ont les apparences ou les comportements et n’ont pas pu développer les potentialités humaines, ils ne sont pas des animaux pour autant. Les animaux qui n’ont comme référence que humaine sont désocialisés, mais ne sont pas pour autant des humains. La comparaison n’est pas très valable, je reconnais, mais je n’entre pas dans l’éventualité qu’il n’existe pas de nature humaine.

11 juillet 2011 à 16:01

un peu désert ce forum

un humain peut être déshumanisé, mais un animal ne peut être désanimalisé

TPE | Pearltrees

23 mars 2012 à 0:35

[…] Les enfants sauvages de Lucien MALSON | Djaphil une rapide introduction de quelques pages qui annonce l’idée essentielle : il n’y a pas de nature humaine chapitre 1 (« l’hérédité de l’individu et l’hérédité de l’espèce ») : il n’y a qu’une hérédité biologique, et non psychologique ; le développement psychologique de l’homme dépend de son inscription en société (acquis) En ce qui concerne la construction de l’ouvrage, voici le découpage adopté par l’auteur : chapitre 2 (« Les compositions légendaires et les relations historiques ») : les cas historiques d’isolement et les débats concernant leur sens Les enfants sauvages : plan chapitre 3 (« Les trois espèces d’homines feri et leurs plus célèbres exemples ») : présentation et analyse des trois cas d’isolement que Lucien MALSON interroge […]

Benjamin Mam

18 août 2013 à 1:10

D’abord je vous félicite pour ce très beau site qui m’a appris des choses, notamment sur James Rachels : sa théorie de l’équivalence morale est passionnante.

Par contre cet article fait un peu grincer : on sait aujourd’hui que Victor de l’Aveyron était autiste. Il se balançait de manière compulsive, crispait ses poings sur ses yeux, remarquait difficilement les émotions d’autrui… Les médecins et psychologues contemporains ne croient plus à la thèse de l’enfant sauvage, d’ailleurs assez farfelue psycho-biologiquement. Attention aussi à Amala et Kamala dont on sait depuis longtemps qu’elles sont le fruit d’un canular. Les photos les qui les représentent en posture féline sont assez ridicules. Le prêtre a reconnu le coup monté. Mais je ne veux pas être chiant : continuez votre beau travail ! C’est super ! Benjamin, prof de philo en prépa.

18 août 2013 à 11:01

Bonjour Benjamin,

Merci pour cette intéressante intervention. Je confirme effectivement que le cas « Amala et Kamala » semble bien être une arnaque. Auriez-vous des sources concernant Victor de l’Aveyron ?

Bonne journée.

23 août 2013 à 1:51

En ce qui concerne Victor, le cas a toujours été le prétexte à une opposition béhaviorisme et innéisme. Le débat est caricaturalement binaire, mais on lit aujourd’hui dans les revues de médecine, dans des dossiers du magazine Sciences humaines également (numéro spécial « nature/culture », encore en vente sur internet je crois) ou encore dans le livre de Hochmann sur l’histoire de l’autisme, que Victor avait les symptômes d’une maladie alors mal cernée cliniquement et qui serait une modalité de l’autisme.

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Philochar élèves

"je bachote donc je suis".

Philochar élèves

Exemple : L’enfant sauvage

L ‘ u t i l i s a t i o n d e s e x e m p l e s d a n s u n e c o p i e d e B a c

Exemple  : L’enfant sauvage ( François Truffaut ) 1970

Un exemple peut être cité :

Si il illustre et suit l’argument

Si il est exact (auteur, réalisateur, artiste)

Si c’est une citation on met les guillemets

Si c’est une œuvre complète on souligne

Un exemple ne prouve rien, il faut l’argumenter. Pas d’exemple dans la conclusion

«  Les enfants sauvages  » vient du livre de Lucien Malson qui recueille des faits divers et des travaux de recherches sur plusieurs enfants retrouvé dans la nature surtout au 19eme siècle.

Premièrement , dans le film, le débat de culture et nature consiste à se demander si l’enfant est sauvage parce qu’il a été abandonné ou si il est idiot de naissance. C’est bien un débat de nature humaine.

Deuxièmement , l’enfant sauvage est celui qui est privé de conscience sociale parce qu’il a vécu dans la solitude ce qui explique son comportement agressif.

La question est de savoir s’il possède les notions de juste/injuste, bien/mal c’est à dire la conscience morale.

Troisièmement l’enfant sauvage est comme nostalgique de sa vie dans la forêt . Est-ce que il s’agit d’un retour instinctif à la nature ou d’une aspiration de liberté. C’est l’habitude qui apparaît comme une seconde nature mais avec le déterminisme de la nature qui empêche le choix, la volonté, la liberté.

TRANSITION : Qu’est ce qui permet de sortir des contraintes naturel ? C’est l’éducation .

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Les enfants sauvages. Un mythe fondateur

Jean-françois dortier.

Grands Dossiers N° 54 - Mars-avril-mai 2019

Consultez le sommaire du magazine Les grands psychologues de l'enfant

Quels effets peuvent avoir les privations sensorielles et l’absence de contacts humains sur le cerveau d’un enfant ?

La plus célèbre histoire d’« enfant sauvage » est sans conteste celle de Victor de l’Aveyron. Le 8 janvier 1800, on apprend qu’un enfant nu, d’une douzaine d’années et vivant seul dans la nature, a été capturé en Aveyron. Sale, hirsute, farouche, l’enfant a tout du sauvage. Il est muet et ne s’exprime que par des cris et grognements. Il est en proie à des colères subites. De nombreuses grimaces déforment son visage.

La presse en parle et suscite l’intérêt du public. La nouvelle attire particulièrement une société de savants qui vient de se constituer à Paris : la Société des observateurs de l’homme. Elle est composée de savants illustres comme les naturalistes Jussieu ou Cuvier, le médecin Cabanis ou encore l’aliéniste Pinel. Leur projet est de constituer une « science de l’homme » qui devra se consacrer à l’étude des êtres humains « sous ses différents rapports physiques, intellectuels et moraux ». Les sciences humaines sont en train de naître.

Pour les membres de la Société, l’enfant de l’Aveyron est une occasion unique d’observer un être humain à « l’état de nature ». Si l’on parvient à éduquer le jeune garçon, on pourrait aussi voir apparaître progressivement les effets de l’éducation sur la nature sauvage.

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L’Enfant sauvage

L’Enfant sauvage

de François Truffaut

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Questions sur le film L'enfant sauvage, de François Truffaut

Résumé du document.

$L'intérêt philosophique de ce film est de montrer progressivement comment la sensibilité, l'attention puis enfin la conscience se mettent en place chez cet enfant, qui, initialement, était un enfant "sauvage" dénué de toute aptitude intellectuelle. Ici, le cinéma montre tout son intérêt philosophique : en effet, par le biais de ce film, le contact de l'enfant au monde est mieux mis en évidence, les relations entre l'enfant et les autres personnages sont explicites. Ainsi, progressivement, la conscience apparaît chez cet enfant. Au début du film, nous voyons un enfant évoluant au sein de la nature, tel un animal sauvage ( sa démarche nous fait penser à celle de l'ours ), puis sa prise en charge par Itard est l'élément déclencheur qui va lui permettre de se développer dans un environnement plus sain où il va peu à peu trouver ses marques pour enfin acquérir une conscience digne de ce nom : ce film montre la formation progressive de la conscience chez cet enfant par le biais du contact qu'il entretient avec le monde. De ce fait, l'intérêt philosophique du film est de prouver l'importance de la conscience chez l'être humain. Elle est essentielle pour notre quotidien, car l'enfant en arrivant au village était dépourvu de toute sensibilité, il n'avait pas ancré en lui la notion de langage, d'amour, d'amitié, ce qui lui interdit toute relation avec autrui, cependant il va peu à peu grâce à l'aide d'Itard entretenir un rapport réel avec ce qui l'entoure. La preuve réelle de sa progression intellectuelle est l'identité qu'on lui donne : il est appelé " enfant sauvage " au début du film, pour ensuite se faire attribuer un prénom : Victor.

  • Quel est l'intérêt philosophique du film ?
  • Pourquoi Itard décide-t-il de s'occuper de l'enfant ?
  • Lisez le texte d'Aristote, extrait de Politique, I, 2 : en quoi l'hypothèse d'Itard rejoint-elle la thèse d'Aristote ?
  • La première rencontre avec les savants : peut-on parler de la "naturalité des sens" ?
  • La scène du miroir

[...] Selon Aristote, " l'homme a un langage" contrairement aux animaux, ce qui confirme l'hypothèèse d'Itard puisque l'enfant n'a aucune notion de langage proprement dite : il n'éémet aucun son. De plus Aristote indique que " celui qui n'est pas capable d'appartenir àà une communautéé [ . ] est soit une bêête soit un dieu ce qui signifie que pour êêtre Homme, il ne faut pas êêtre seul, ce qui rejoint l'hypothèèse d'Itard selon laquelle cet enfant sauvage ne peut pas se déévelopper sans rapport au monde, sans contact avec ce qui l'entoure. [...]

[...] En effet, c'est l'expéérience et le véécu qui permettent les sens. Prenons exemple sur la scèène du miroir oùù un morceau de nourriture lui est montréé dans le miroir, le toucher intervient, c'est une situation claire et préécise qui lui permet le dééveloppement de ses sens, ils ne sont pas naturels. Il y a seulement un sens qui est dééveloppéé chez lui depuis sa naissance ou du moins sa petite enfance, c'est l'ouïïe, car il perççoit certains sons qu'il est capable d'identifier. [...]

[...] Itard déécide de s'occuper de l'enfant car il pense qu'il est devenu idiot parce qu'il n'a pas éétéé au contact du monde. Il veut se prouver àà lui-mêême qu'il est capable de faire de cet enfant sauvage un enfant digne de ce nom, c'est-àà-dire un petit êêtre qui déécouvre la vie et acquiert des capacitéés de jour en jour. Itard pense que le côôtéé "sauvage" de l'enfant peut disparaîître pour laisser place àà une rééelle conscience grââce àà la rééalisation d'expéériences, de petits exercices qui lui permettent de comprendre ce qui l'entoure. [...]

[...] Questions sur le film L'enfant sauvage, de Franççois Truffaut Quel est l'intéérêêt philosophique du film ? L'intéérêêt philosophique de ce film est de montrer progressivement comment la sensibilitéé, l'attention puis enfin la conscience se mettent en place chez cet enfant, qui, initialement, éétait un enfant "sauvage" déénuéé de toute aptitude intellectuelle. Ici, le cinééma montre tout son intéérêêt philosophique : en effet, par le biais de ce film, le contact de l'enfant au monde est mieux mis en éévidence, les relations entre l'enfant et les autres personnages sont explicites. [...]

[...] Ici, dans la scèène du miroir, c'est un peu le mêême procéédéé : si Itard ne s'éétait pas approchéé pour lui tendre un morceau de nourriture, Victor ne se serait sans doute jamais aperççu que l'image qu'il voyait dans le miroir éétait lui-mêême. En revanche, je pense que les éémotions sont innéées, car elles sont le signe explicite de nos penséées depuis notre enfance, mais sont éégalement acquises car elles éévoluent au fil du temps selon nos expéériences et notre luciditéé face aux éévéénements. [...]

  • Nombre de pages 3 pages
  • Langue français
  • Format .rtf
  • Date de publication 17/02/2009
  • Consulté 10 fois
  • Date de mise à jour 17/02/2009

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Sauvagerie et Civilisation

En quelques années, les Lumières se sont éteintes. La France de Napoléon ne croit plus guère aux progrès de la civilisation, à la perfectibilité de l’homme, à l’éducation qui régénère le peuple. Elle croit à une science qui classifie des identités fixées, à la frontière naturelle, et étanche, entre le sauvage et le civilisé. Dans Sauvagerie et Civilisation (Fayard), Jean-Luc Chappey relit l’histoire des liens ambigus de la République avec ses idéaux à travers le cas de Victor de l’Aveyron . Capturé fin 1799 dans le causse de Lacaune, alors que le coup d’État de Brumaire met fin au Directoire, cet enfant sauvage fut le témoin silencieux d’un « moment de basculement politique, intellectuel et culturel majeur » entre la Révolution et l’Empire, à l’orée du XIX e  siècle. Considéré d’abord comme un enfant abandonné et sourd-muet, Victor est pris en charge par le docteur Itard. Pour celui-ci se joue autour du « sauvage » le projet civilisateur des Lumières , par les vertus de la socialisation et de la pédagogie – c’est d’ailleurs ce que la France des années 1970 reconnaîtra dans le film que François Truffaut consacra à l’enfant sauvage. Mais les progrès de Victor stagnant, le docteur Itard lui-même perd ses illusions. Le goût du jour n’est plus à vouloir faire de l’Autre un semblable mais à renvoyer le sauvage à son obscure nature . L’esclavage est rétabli en 1802, Victor de l’Aveyron est diagnostiqué idiot congénital en 1811 et meurt en 1828 dans l’indifférence générale. Si toute société politique « fabrique » son sauvage, toutes les prétentions civilisatrices ne se valent pas, affirme en d’autres termes Jean-Luc Chappey. Un excellent livre pour faire un salutaire pas de côté en fin de campagne présidentielle !

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Category : 2010 Moscow Metro bombings

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Revue d’histoire des sciences humaines

Home Numéros 38 Dossier Questions sur les usages de l’enf...

Questions sur les usages de l’enfant sauvage dans l’écriture des sciences humaines ( xviii e - xxi e  siècles)

1 Signalons Granger, 2020 et Mazurel, 2020.

  • 2 Par exemple : Juvenis Lupinus hessensis, l’enfant-loup de Hesse ; Juvenis Ursinus lithuanus, l’enf (...)

1 L’actualité éditoriale de la fin de l’année 2020 est marquée par un retour du/des sauvages 1 , parmi lesquels les enfants sauvages (Marie-Angélique, Victor, Kaspar Hauser…) occupent une place privilégiée, illustrant la mobilisation de ces « cas » et « phénomènes extraordinaires » autant dans l’écriture des sciences humaines que dans l’imaginaire collectif. Le thème s’ancre, à travers mythes et légendes, dans l’Antiquité, mais c’est à partir du xvii e  siècle que la notion « d’enfants sauvages » émerge progressivement, dans les travaux des naturalistes et des anthropologues. Carl von Linné en constitue le modèle interprétatif, intégrant la liste de ces enfants dans le groupe des hommes inclassables, les Homines feri (hommes « ensauvagés » ou « animalisés ») dans la 10 e  édition de 1758, puis la 12 e  en 1766. Il désigne les enfants sur lesquels il appuie sa classification par un nom latin assorti d’une indication géographique parfois complétée par le nom de l’animal adoptant 2 . Si certains cas, mieux documentés, peuvent susciter plus d’intérêt que d’autres, ces « enfants sauvages » dont la liste, établie progressivement depuis le xvii e  siècle, n’a cessé de s’allonger, se sont progressivement imposés dans l’histoire des sciences humaines, en dépit de la grande diversité à laquelle renvoient la notion et la nature, de plus en plus fantasmagorique, de leur récit : de l’enfant élevé par des animaux à l’enfant séquestré pendant de longues années en passant par l’enfant abandonné, difficile d’établir un portrait de groupe cohérent. En dépit de cette grande hétérogénéité, il s’agit pour ses promoteurs de présenter ces cas comme des objets relevant des mêmes phénomènes, permettant d’étudier et d’analyser les origines du langage, des facultés ou des mœurs.

3 Strivay, 2004, 46.

4 Reynaud, 2018.

  • 5 Voir le colloque « Les enfants sauvages » organisé par Déborah Lévy-Bertherat et Mathilde Lévêque (...)

2 Découvert dans les forêts de l’Aveyron en 1799 et confié au jeune médecin Jean-Marc Gaspard Itard, l’enfant sauvage, dénommé Victor à son arrivée à Paris, suscite ainsi l’intérêt des savants et des autorités publiques qui voient en lui l’homme « naturel », dénué de toutes les influences, sinon des stigmates, de la « civilisation ». Après quelques années, force est de constater que leurs attentes ne seront pas remplies. Comme le souligne Lucienne Strivay, « suivre les enfants sauvages revient à éventer dans la longue durée toutes les situations où l’on a voulu tester sur l’homme à l’état de nature les hypothèses issues de théories de la connaissance, d’observations physiologiques venues de la médecine ou de l’histoire naturelle, de recherches théologiques ou à caractère matérialiste, d’interrogations politiques, morales ou éducationnelles 3  ». Ces usages des enfants sauvages, et particulièrement de Victor de l’Aveyron, s’imposent depuis la seconde moitié du xix e  siècle comme un des supports incontournables des débats, voire des controverses, et des mouvements de recherche des « origines » qui scandent et alimentent, aujourd’hui encore, l’histoire des sciences humaines. Dès les années 1950, la figure de l’enfant sauvage traverse le domaine des sciences du langage à travers les thèses de Noam Chomsky qui remet l’innéisme sur le devant de la scène en défendant l’idée d’une faculté innée du langage. Il s’inscrit d’ailleurs opportunément dans l’héritage cartésien comme l’indique sans équivoque le titre de l’ouvrage publié en 1966, La linguistique cartésienne 4 . Dans le contexte des années 1970, parallèlement au film de François Truffaut (1970), la figure de l’enfant semble omniprésente dans les travaux de ceux qui cherchent à retrouver les « origines » de leur propre discipline : psychiatres, linguistes, anthropologues, pédagogues, etc. construisent ainsi leur propre histoire de l’enfant sauvage et interprètent différemment l’expérience menée par Itard. Ainsi la découverte de la jeune Genie (qui a vécu enfermée dans un placard) en 1970, mobilise les linguistes nativistes chomskyens comme des environnementalistes et justifie le recours à l’histoire Victor de l’Aveyron. Dans les années 2000, l’enfant sauvage est de nouveau d’actualité, alimentant en particulier les débats autour de l’affirmation des neurosciences et les discours sur les banlieues. Dans leur grande diversité (Strivay estime à 120 cas répertoriés, des enfants cloîtrés du xx e  siècle aux enfants animalisés), ces enfants sauvages sont l’objet de nombreuses œuvres de fictions (films, romans) et suscitent encore l’intérêt des chercheurs 5 . S’ils ont pu, à certaines périodes, être marginalisés, voire exclus, de l’intérêt des savants, les enfants sauvages demeurent néanmoins des objets de curiosité et d’émotion pour le grand public à travers les médias, la littérature et le cinéma qui continuent d’en faire des objets d’inspiration. En témoignent encore récemment la Trilogie new yorkaise de Paul Auster (1985) ou Le Garçon de Marcus Malte (2016).

3 Autant l’historiographie est revenue à plusieurs reprises depuis une vingtaine d’années sur le destin de Victor de l’Aveyron, autant les appropriations et usages de sa figure dans les sciences humaines et sociales n’a encore jamais fait l’objet d’enquêtes historiques. La proposition de ce dossier pour la Revue d’histoire des sciences humaines est de pallier cette lacune. À travers des contributions rédigées par des spécialistes d’horizons divers (historiens de l’anthropologie, de l’histoire des langues, de la médecine et du cinéma), l’objectif est d’étudier les enjeux de la présence de l’enfant sauvage dans les différentes sciences de l’homme. De l’éducation spécialisée à l’anthropologie en passant par la psychiatrie et la linguistique, les usages des enfants sauvages semblent être récurrents dans les différentes histoires consacrées à ces domaines de savoirs : comment expliquer la présence et la rémanence de ces cas dans l’histoire des sciences humaines ? Quels sont les différents enjeux de ces usages ? En quoi ces usages ont-ils pu, dans des contextes particuliers (fin du xix e  siècle, années 1960), jouer un rôle dans la construction des contours des sciences humaines ? Il ne s’agit pas ici de revenir sur l’histoire de ce cas mais de prendre pour support cet objet pour interroger l’histoire des sciences humaines. Objets de curiosités et de sciences, les enfants sauvages ont occupé dans l’imaginaire collectif et la construction des savoirs une place qui, sans forcément être centrale, reste importante. Dans la continuité d’un Linné, les naturalistes du xviii e  siècle inscrivent l’homme naturel au sein de leur taxinomie des populations, en faisant un témoin privilégié d’un supposé état primitif. Dès lors, les récits d’expériences, plus ou moins fictifs, servent de matière pour interroger la spécificité de l’homme dans l’ordre naturel et pour comprendre les conditions, les modalités, parfois les limites, du développement de la pensée, du langage et des mœurs. Dans tous les cas, il s’agit de questionner une possible « nature » humaine et de mettre au jour les processus de socialisation. Si la « découverte » de Victor de l’Aveyron est considérée comme une étape expérimentale majeure (l’étude peut être menée à travers des observations directes), Claude Blanckaert n’en rappelle pas moins que les enfants sauvages sont progressivement écartés du « corpus » des anthropologues du xix e  siècle, ces derniers focalisant leur attention sur les populations lointaines en délaissant la question de l’origine de l’homme « primitif ». Il n’en reste pas moins que, très rapidement, l’enfant est intégré à un autre corpus de textes, suscitant l’intérêt d’autres spécialistes, médecins, pédagogues ou spécialistes de l’histoire des langues. Le médecin Itard choisissait de considérer l’enfant comme un être victime de l’isolement et donc susceptible d’être éduqué, faisant écho à certains contemporains qui continuent de vouloir voir en Victor un « véritable sauvage » selon Julien-Joseph Virey, et donc un être éducable. Au moment où Itard entame l’éducation de Victor, ce dernier, qui s’imposera plus tard comme l’un des théoriciens du polygénisme, publie, sous l’anonymat, un article sur le jeune sauvage de l’Aveyron. Son parcours rappelle celui d’Itard. Âgé de vingt ans, il rejoint le service de santé des armées républicaines, devenant pharmacien sous-aide à l’hôpital militaire de Strasbourg. Il intègre ensuite l’hôpital militaire du Val-de-Grâce où il travaille aux côtés du fameux Antoine Augustin Parmentier. Avant même la publication de son Histoire naturelle du genre humain (1801), ouvrage dans lequel il insérera une longue notice sur le sauvage, Virey livre ainsi ses premières observations dans la Décade philosophique . Il fait part des nombreuses interrogations que soulève cet enfant, proposant une longue réflexion sur la notion de « nature » et d’homme de la nature.

6 Gineste, 1993, 224.

7 Ibid. , 241.

8 Ibid. , 244.

4 Loin de faire de Victor l’incarnation d’une idée ou d’un concept susceptible soit de rabaisser soit au contraire de valoriser l’espèce humaine (il rompt ainsi avec l’idée du « bon » sauvage des Lumières), Virey propose de le regarder comme la victime d’un isolement. La prise en charge de l’enfant doit conduire à sa réintégration dans la société 6 . Virey s’oppose à ceux qui voudraient idéaliser l’homme de la nature : selon lui, l’enfant sauvage doit justement montrer que, placé hors de la société, un homme ne saurait se développer normalement, son caractère naturel étant désormais considéré comme la cause de ses imperfections. Le statut d’homme ne peut être acquis qu’en quittant un état naturel ou sauvage pour intégrer des liens sociaux : seuls la société et les échanges qu’elle induit permettent à l’homme de se développer. Cette thèse conduit Virey à poser le garçon comme un enfant abandonné qui aurait oublié tout ce qui le distingue de l’animal, en particulier le langage. Ayant plusieurs fois rendu visite à l’enfant, il revient sur un certain nombre d’erreurs : il n’est pas quadrupède, mais marche droit comme peut le prouver l’observation de ses genoux ; il n’est pas « bon » ni « mauvais », étant indifférent à des critères moraux qui ne dépendent, selon l’auteur, que des « rapports sociaux », l’enfant est seulement « doux ». Il n’est pas sourd, mais semble resté étranger à tous les sons et les bruits qui ne se rapportent pas directement à ses besoins : « Tous ses mouvements, toutes ses affections n’ont absolument point d’autre but que de manger, boire, se conserver et dormir 7 . » L’enfant sauvage représente ainsi la figure de l’« égoïsme pur ». Virey est sans doute « fâché », voire attristé, de « voir l’homme naturel si égoïste », mais l’intérêt, selon lui, est justement d’assister aux changements qui l’affecteraient dès qu’il serait entré dans la société : « Il faut lui donner de nouveaux besoins ; il n’y a que ce moyen pour l’apprivoiser. Mais alors il oubliera l’histoire de son état sauvage 8 . » Mais si l’enfant mérite l’attention des savants et des philanthropes, c’est qu’il permet, à l’inverse, de questionner non seulement les modalités de formation du langage et de l’entendement, mais encore de mesurer les effets de la civilisation et d’en prévenir les conséquences négatives. Parce que l’enfant a tout oublié et qu’il est retombé à l’état de nature, l’étude du programme pédagogique doit en effet mesurer l’impact de telle ou telle méthode et donc questionner le cœur de ce que doit être une bonne éducation. Ce cas rejoint une fois de plus les débats qui traversent la société française autour des modalités théoriques et institutionnelles de l’éducation et de l’instruction des jeunes enfants et adolescents. Virey encourage Itard à être particulièrement attentif aux conditions de son entreprise pédagogique, l’enfant devant en quelque sorte servir de terrain d’expérience pour tester des méthodes pédagogiques susceptibles de servir à d’autres. On retrouve là certains projets d’expérimentation, plus ou moins réalisables, proposés par les philosophes des Lumières. Pensons à celle proposée par Diderot pour interroger la genèse des idées chez les aveugles ( Lettre sur les aveugles , 1749, et Lettre sur les sourds et muets , 1751) ou la mention faite par Leibniz, dans le livre III de ses Nouveaux Essais (1765), de l’expérience réalisée par un roi de l’Antiquité qui aurait fait isoler depuis leur naissance, dans une île, deux enfants et aurait donné pour consigne aux serviteurs qui leur apportaient soins et nourriture d’observer un silence complet. Il espérait par-là découvrir la langue première, instinctive et universelle de l’espèce humaine. En 1800, les leçons de l’expérience pédagogique réalisée sur l’enfant devraient finalement servir à réformer la civilisation. Ce texte est en même temps parcouru de nombreux paradoxes. Virey ne cesse en effet de montrer combien l’enfant, isolé, a pu justement être placé à l’abri de certains maux de la « civilisation ». Ainsi s’achève-t-il sur une sorte d’ode à une liberté à laquelle le jeune enfant, désormais soumis à un programme pédagogique, devrait renoncer :

9 Ibid. , 247-248. Va, jeune infortuné, sur cette terre malheureuse, va perdre dans les liens civils ta primitive et simple rudesse […] Maintenant tu n’as plus rien que par la bienfaisance de l’homme ; tu es à sa merci, sans propriété, sans puissance, et tu passes de la liberté à la dépendance. Ainsi naissent pauvres les trois quarts du genre humain ; que d’amertumes te sont préparées, en t’arrachant d’auprès de ces bienfaisantes dryades qui veillaient à ta conservation ! […] Comment perdras-tu ton absolue dépendance dans les entraves politiques, dans nos institutions civiles ! Que de larmes tu dois verser 9  !

10 Bénichou et Blanckaert, 1988.

11 Gineste, 1993, 246.

5 Comme d’autres jeunes médecins de sa génération, il s’écarte de l’idéologie scientiste et la confiance dans les progrès techniques 10 . Il dénonce en particulier certains effets de la médecine qui tendraient à mésestimer la « puissance vitale » à la faveur de l’usage, pas toujours justifié, de médicaments (« Avec nos drogues, nous n’aurions pas manqué de tourmenter notre pauvre jeune homme, et peut-être de le faire périr 11  »). Encouragé par Sicard (rétabli dans ses fonctions de directeur de l’Institut des sourds-muets), conforté par l’article dans la Décade , Itard a désormais les mains libres pour mettre en œuvre son programme d’éducation. Le 20 octobre 1801, devant la Société des observateurs de l’homme, Joseph-Marie de Gérando prend ainsi parti en faveur de la position d’Itard, arguant de la bonne décision d’« un petit nombre de philosophes » de discuter les conclusions de Pinel et de soutenir la démarche qui consiste à tout reprendre à zéro :

12 Ibid. , 325-329. Le citoyen Pinel, médecin qui s’est acquis, par ses traitements sur les aliénés, une si juste réputation, aussi distingué d’ailleurs par sa philanthropie que par l’étendue de ses connaissances, ayant analysé en détail toutes les circonstances dont se composait l’état moral et physique de cet enfant, et les ayant méthodiquement rapprochées de celles qu’il avait remarquées dans un grand nombre de jeunes sujets idiots renfermés à l’hospice de la Salpêtrière, ayant reconnu des caractères à peu près semblables, se crut fondé à conclure de l’analogie des effets à l’analogie des causes, et dans un rapport, il annonça qu’il le regardait comme condamné par la nature même à un idiotisme qui laissait peu d’espérance. […] Les amis de l’humanité se récrièrent aussi contre un arrêt qui pouvait fixer à jamais de la manière la plus fâcheuse le sort de cet infortuné. Ils demandèrent qu’avant de reléguer cet enfant au nombre des idiots on eût acquis une certitude plus complète de l’impuissance de ses organes. Ils firent sentir qu’un an de délai et d’expérience était bien peu de chose, en comparaison de l’affreuse possibilité de condamner un être sensible à l’existence des animaux. […] Un petit nombre de philosophes s’élevèrent contre une décision si sévère. Ils opposèrent du moins le doute aux assertions qui leur parurent trop précipitées. Ils firent observer qu’avant de conclure de la ressemblance aperçue entre l’état de l’enfant de l’Aveyron et celui des idiots pour cause de lésion dans les organes, il fallait démontrer auparavant qu’il n’y avait pas une sorte d’idiotisme moral, semblable dans ses effets à l’idiotisme physique et que certaines circonstances extraordinaires, comme un long isolement, une existence brutale, ne pouvaient pas, dans un sujet qui n’avait reçu aucune instruction, produire ces habitudes d’inattention, cette paralysie des facultés intellectuelles qu’on remarquait dans le jeune sauvage 12 .

6 « Amis de l’humanité », « philosophes »… Gérando présente ici les réseaux à la croisée desquels Itard puise ses soutiens pour se lancer dans l’aventure. Dans le contexte des recompositions politiques et intellectuelles qui caractérisent ce « moment 1800 », la position théorique d’Itard est complexe et ne saurait être réduite à la seule position (sensualiste) des Idéologues, dont Pierre-Jean-Georges Cabanis et Antoine Destutt de Tracy ont posé, sous le Directoire, les fondements au sein de la Classe des sciences morales et politiques. Comme le montrent Delphine Antoine-Mahut, Samuel Lézé et Matthias Winter, la possibilité donnée à l’expérience pédagogique d’Itard d’être réinvestie à travers des époques et des corpus différents tient au fait que les rapports s’inscrivent eux-mêmes dans la longue durée d’une histoire épistémologique qui s’ancre dans le xvii e  siècle et se rattache à un débat sur l’innéisme qui, depuis Descartes, ne cesse d’être réactualisé à travers les débats sur la distinction entre l’âme et la sensibilité, l’inné et acquis ou la nature et la culture. L’échec d’Itard à éduquer Victor renvoie cet enfant à un statut, celui l’idiot, auquel la phrénologie de J. Gall confère désormais une justification physique : l’expertise réalisée par Gall et Spurzheim en 1808 du crâne de l’enfant vient en effet justifier davantage que les efforts entrepris pour l’éduquer sont inutiles :

13 Gall et Spurzheim, 1810, vol. 1, 35. Il est imbécile au plus haut degré. Son front est très peu élargi par les côtés, et très comprimé par le haut ; ses yeux sont petits et très enfoncés, son cervelet est très peu développé. […] Il connaît quelques caractères d’écriture et même il indique les objets que ces caractères désignent. Au reste, son occupation favorite est de remettre exactement à leur place les objets qui ont été dérangés. Voilà où ont abouti les espérances que l’on s’était formées, les nombreux efforts que l’on a faits, la patience et la douceur que met dans sa conduite envers une femme bienfaisante. Nous pouvons prononcer que jamais on ne pourra en obtenir davantage 13 .

14 Sur ce contexte : Luc, 1999 ; Markovits, 1990.

7 Il y a bien là un « moment 1800 » où l’enfant sauvage cristallise, à travers l’ambiguïté de son statut et l’intensité des débats qu’il suscite, une hésitation quant à ce qu’il peut être : l’objet d’une science générale de l’homme ou un objet de savoirs dispersés ? D’enfant sauvage, Victor n’est plus, comme le souligne Sabine Arnaud, un enfant ordinaire en devenir, mais passe progressivement dans le corpus des aliénistes et des pédagogues spécialisés qui s’en saisissent pour tenter de légitimer leurs recherches dans un domaine en construction dans les premières décennies du xix e  siècle. S’appuyant sur les recherches qu’elle mène sur l’histoire des sourds-muets au xix e  siècle, S. Arnaud rappelle combien le destin de Victor s’intègre dans le contexte de redéfinition des normes familiales et de formalisation de pratiques pédagogiques destinées aux enfants normaux et ordinaires 14 . Elle rappelle comment les débats qu’il a suscités autour de 1800 ont permis de tracer des frontières entre des modèles pédagogiques différents, l’un destiné aux enfants sourds (tel Massieu, élève de Sicard, le directeur de l’Institut national des sourds et muets de Paris au sein duquel Victor est placé en 1800 et confié à Itard), l’autre aux enfants « normaux », l’idiot étant, en dernier ressort, celui que l’on ne peut pas éduquer. C’est donc un moment particulier d’invention de catégories d’interprétation qui vont perdurer sur la longue durée.

  • 15 Rappelons, par exemple, que les membres de la Société des observateurs proposent comme question de (...)

8 Alors qu’ils sont régulièrement l’objet de « découvertes » et de récits et romans (Kaspar Hauser), les enfants sauvages continuent d’être mobilisés par les spécialistes de la formation des langues. Dans cette perspective, Guillaume Roux rappelle combien l’histoire des enfants sauvages, a été mobilisée pour étudier les conditions du développement du langage, quitte à faire l’objet d’expériences (réalisées ou non 15 ) censées mettre au jour les modalités et les difficultés du développement de l’homme. Il s’agissait alors de comprendre les origines du langage, le rôle des interactions et de la communication, dans le développement des idées, questionnant ainsi la part de l’inné (nature) et de l’acquis (culture). Néanmoins, la question de l’origine des langues (comme des utopies linguistiques) est progressivement marginalisée des débats (exclue par exemple des travaux de la Société de linguistique de Paris créée en 1866). Dès lors, l’enfant sauvage est surtout mobilisé par les spécialistes de l’éducation spécialisée (sourds-muets). Après avoir été considérés comme des objets privilégiés de la construction d’une science de l’homme soucieuse de connaître les modalités et les étapes de l’histoire des développements des facultés, du langage et de la morale, l’homme « naturel » cesse de susciter l’intérêt des savants et des philosophes.

16 Chappey, 2016.

17 Par exemple Blanckaert et al. , 1999.

  • 18 Je tiens à remercier les auteurs et les évaluateurs des contributions qui ont accepté de répondre (...)

9 Les débats qu’il suscite lors de sa découverte (est-il sourd ? idiot ? ou imposteur ?) témoignent autant de l’ambiguïté du statut de Victor (ou de Kaspar Hauser) 16 que des possibilités d’interprétations et d’appropriations différentes, sinon contradictoires, de cet objet dont l’histoire des usages, depuis le xix e  siècle ne cesse de montrer la flexibilité et la capacité à changer de corpus. Loin de tenter de rechercher une « unité » ou vouloir seulement dresser un inventaire des usages des enfants sauvages, il s’agit de tenter de questionner ce que ces usages révèlent des sciences humaines et des contextes dans lesquels ils sont mobilisés. S’il n’est pas toujours présent dans des synthèses consacrées à l’histoire des sciences humaines 17 , l’enfant sauvage de l’Aveyron, puisqu’il en sera surtout question dans ce volume, apparaît comme particulièrement bien représentatif de cette « oscillation » entre le singulier et le pluriel, entre l’idéal d’une science de l’homme « unifiée » et la réalité « des » sciences de l’homme. D’un objet pour construire une « science générale de l’homme » au début du xix e  siècle à un support pour questionner les relations spécifiques de la « nature/culture » (D. Haraway), l’enfant sauvage ne cesse d’être réinventé pour promouvoir de nouvelles perspectives de recherches et, au risque du présentisme, répondre à des questions actuelles. C’est donc moins l’histoire de Victor ou des autres enfants – maintes fois racontées et bien connues – qui importe que les manières dont elle est agencée et située dans des problématiques et des discours différents qu’interrogent les auteurs des différentes contributions proposées dans ce volume 18 .

Victor et la question de l’éducation des idiots

10 C’est en 1811 que le ministre de l’Intérieur Montalivet décide de retirer le jeune enfant de l’Institut impérial des sourds-muets de Paris pour le confier à M me  Guérin. Après cette date, le médecin Jean-Marc Gaspard Itard poursuit une carrière au sein de cet Institut, se taillant une reconnaissance par ses travaux sur les traitements des sourds-muets et, plus généralement, les mécanismes physiologiques de l’audition et du langage. Alors que Victor meurt dans l’indifférence générale en 1828, Itard, qui entre à l’Académie de médecine en 1821, s’impose comme une personnalité incontournable au sein du monde des pédagogues et des bienfaiteurs de l’humanité, même si son expérience menée sur Victor en 1800 apparaît, dans les années 1820-1830, surtout comme une expérimentation hasardeuse, sinon une erreur de jeunesse. Alors que les naturalistes focalisent alors leur attention sur l’étude des populations lointaines, la possibilité d’étudier l’homme « primitif » à travers les récits des enfants sauvages est écartée (Blanckaert) tandis qu’Itard est accusé d’avoir cherché à s’emparer de l’enfant pour construire sa réputation. À bien des égards, cet épisode apparaît, aux yeux des naturalistes et des savants du xix e  siècle, comme une expérience dépassée, anachronique, issue des illusions et des rêves métaphysiques qui caractériseraient, à leurs yeux, l’héritage du xviii e  siècle.

11 Plus âgé de deux ans qu’Itard, Jean-Étienne Esquirol (1772-1840) apparaît alors comme celui qui aurait définitivement clos le dossier en formalisant la définition de l’idiotie à laquelle est désormais réduit le sauvage :

19 Esquirol, 1818, 507-508. L’idiotie est cet état dans lequel les facultés intellectuelles ne se sont jamais manifestées, ou n’ont pu se développer assez pour que l’idiot ait acquis les connaissances relatives à l’éducation que reçoivent les individus de son âge, et placé dans les mêmes conditions que lui […]. Les idiots sont ce qu’ils doivent être tout le cours de leur vie : tout décèle en eux une organisation imparfaite, des forces mal employées. Ils sont incurables […]. L’idiotie n’est pas une maladie, c’est un état 19 .

20 Arrieta, 2007.

21 Bousquet, 1839.

22 Sulivay, 2004.

12 Pour n’avoir pas su déceler l’idiotie et avoir voulu s’opposer à son maître, Philippe Pinel, Itard semble avoir été le jouet des erreurs du passé. Néanmoins, l’intérêt suscité par son expérience grandit à mesure que l’idée d’une éducation offerte aux enfants idiots ou « arriérés » commence à faire son chemin. En 1822, lors de sa nomination à la tête de la section des « idiots » à La Salpêtrière, Jean-Pierre Falret (1794-1870), élève de Pinel et d’Esquirol, fonde à Vanves, en collaboration avec Félix Voisin (1794-1872), une école pour tenter d’éduquer les enfants « qui sortent de l’ordinaire » (Arnaud), ces médecins cherchant ainsi à démontrer qu’il existe des degrés différents de l’idiotisme (parlant ainsi de bêtise, niaiserie, imbécillité, crétinisme, démence… ) 20 . De son côté, Guillaume Ferrus (1784-1861), également élève de Pinel, emprunte, à l’hôpital Bicêtre où il est nommé médecin chef (division des aliénés) en 1823, la même démarche éducative : promouvant la nécessité de mettre en œuvre une pédagogie adaptée fondée sur le « traitement moral », il espère « réveiller l’esprit » de ses jeunes pensionnaires parmi lesquels il distingue ceux qui sont victimes de malformations ou de séquelles traumatiques de ceux qui sont victimes d’une absence d’éducation et d’éveil qui pourront bénéficier de son école. Aux yeux de ces médecins philanthropes, l’expérience menée par Itard auprès du jeune enfant doit servir, une fois dépouillée de toutes ses illusions métaphysiques, de modèle à l’enseignement spécialisé destiné aux enfants déficients et arriérés, les « anormaux » qu’il s’agit de distinguer des enfants « ordinaires » (Arnaud). En 1838, des asiles ouvrent pour les enfants « idiots », jusque-là confinés et cachés dans leur famille : c’est le début d’une prise en charge spécifique. Dans l’éloge funèbre d’Itard qu’il prononce en 1839 devant les membres de l’Académie de médecine, Jean-Baptiste-Édouard Bousquet (1794-1872) rappelle ainsi les « illusions » de son collègue, « formé à l’école de Locke et de Condillac », victime d’une « imagination » que n’avait pas su vaincre sa persévérance 21 . C’est d’ailleurs pour railler les prétentions philosophiques des philosophes des Lumières que Gustave Flaubert évoque l’épisode de l’enfant sauvage dans le chapitre X de son roman posthume Bouvard et Pécuchet 22 .

23 Seguin, 1838, 374-375. Sur ce médecin, voir Pélicier et Thuillier, 1980.

13 Pour ces auteurs, l’erreur principale d’Itard a été de croire qu’un véritable « sauvage », ayant vécu ses premières années dans l’isolement le plus complet, aurait pu être éduqué. Pour eux, Itard a bien perdu son temps… ou peut-être aurait-il cherché à utiliser l’enfant pour construire sa propre réputation ? Dans les années 1830, l’hypothèse d’un homme « naturel » apparaît bien comme totalement saugrenue. C’est encore dans cette perspective qu’Édouard Séguin (1812-1880), collaborateur d’Itard quelques mois avant sa mort, évoque l’épisode de l’enfant sauvage au début des années 1840, au moment où il crée une première institution destinée à recevoir des enfants déficients. Dans son ouvrage Des maladies mentales , Seguin revient sur l’échec d’Itard : « de toutes ces prétentions, de tous ces efforts, de toutes ces promesses, de toutes ces espérances, qu’est-il résulté ? Que le médecin observateur [Pinel] avait bien jugé ; le prétendu sauvage n’était autre qu’un idiot. Tel avait été le jugement de Pinel sur le Sauvage de l’Aveyron. Concluons de ceci que les hommes dépourvus d’intelligence, isolés, trouvés dans les montagnes, dans les forêts, sont des imbéciles, des idiots égarés ou abandonnés » 23 . Pour l’auteur, la « sublime tentative » d’Itard n’aboutit qu’à mettre en valeur l’échec de la pédagogie fondée sur la démarche sensualiste et, dans une large mesure, des théories de la perfectibilité héritées des Lumières :

24 Seguin, 1838, 5-6. À l’époque où le sauvage de l’Aveyron fut amené à Paris, on crut avoir trouvé la statue de Condillac, machine animée, dont il devait suffire de toucher les ressorts pour produire des opérations de l’intellect. L’école philosophique de ce temps fut ravie, et alla voir le prodige ; tous les beaux esprits à leur tour visitèrent notre sauvage ; mais la merveille se dissipa bientôt devant la réalité, le dégoût remplaça l’enthousiasme, et le malheureux sauvage de l’Aveyron était abandonné dans les combles de l’École des sourds-muets, quand le docteur Itard le réclama. Lié avec les philosophes du moment, philosophe lui-même autant que personne, et, de plus, beau théoricien, mais vivant sur le commun psychologique de son époque, Itard mit son originalité, comme son dévouement, au service du sauvage de l’Aveyron, ou, peut-être, pour parler plus juste, au service de la métaphysique courante. Du reste, cet adolescent était-il sauvage, comme le pensait Itard ; idiot ainsi que le prétend Pinel, dans son rapport ? Que nous importe, et qu’importe à la mémoire de mon illustre maître ? […] Et moi, qu’ai-je besoin de relever ce cadavre qui n’a jamais été réellement vécu ? Mort, le sauvage de l’Aveyron n’est plus que l’instrument à l’aide duquel Itard a cherché… cherché quoi ?... Nous verrons 24 .

25 Seguin, 1846, 10.

14 Selon Seguin, proche des idées saint-simoniennes, même idiot, l’enfant pouvait être éduqué, mais faute d’avoir su porter un bon diagnostic, Itard, présenté comme « le premier qui ait traité méthodiquement un idiot », a été incapable d’appliquer les bonnes pratiques pédagogiques. De ce fait, il convient de rompre avec la méthode appliquée par Itard en s’écartant de ce que Séguin définit comme les « ressources de la métaphysique » : « Ma méthode n’est pas la méthode d’Itard, il s’en faut du tout au tout car il s’en faut du principe qui de la sienne à la mienne est diamétralement opposé » 25 . Après le coup d’État de 1851, Seguin, virulent opposant à Napoléon III, choisit de s’exiler aux États-Unis où il poursuit ses travaux sur l’enfance déficiente et crée des plusieurs écoles pour les accueillir. En France, la référence à la tentative menée par Itard est discutée au sein du monde des médecins spécialisés dans le traitement des déficients mentaux. En 1865, Louis Delasiauve (1804-1893), directeur de l’hôpital de la Salpêtrière, lui-même spécialisé dans le traitement des handicapés mentaux, publie un long article sur le sauvage de l’Aveyron dans la rubrique « Éducation » du Journal de médecine mentale  :

26 Delasiauve, 1865, 197. nous avons dit que ce pauvre enfant, comme un certain nombre d’autres recueillis dans des circonstances analogues, n’était qu’un paria de la nature, en majeure partie déshérité des facultés mentales. Son histoire, sous ce rapport, n’offrirait qu’un médiocre intérêt si, pédagogiquement, les efforts qu’on a tentés et continués avec tant de persévérance ne méritaient de fixer l’attention, au point de vue des indications ressortant de l’examen du sujet, des procédés mis en usage et des résultats obtenus 26 .
  • 27 Bourneville, 1894, vi-vii. L’ouvrage publie une des seules représentations iconographiques de l’en (...)

28 Ibid. , vi.

29 Ibid. , x.

15 Critique sur les méthodes appliquées par Itard (en particulier, le caractère individuel de l’apprentissage car « l’isolement n’est pas propice à l’émulation ») qu’il présente comme « imbu des idées de Condillac », il n’en rappelle pas moins leur caractère fondateur dans l’histoire du traitement et de l’éducation des enfants arriérés. Si les méthodes d’Itard sont ainsi discutées, une impulsion nouvelle et importante est donnée dans les années 1890 par le biais de la publication des différents rapports rédigés par Itard et destinés aux autorités entre 1801 et 1807, première étape de la construction d’un corpus sur l’enfant sauvage. C’est en effet en 1894 que ces mémoires sont publiés dans la « Bibliothèque d’éducation spéciale. Recueil des mémoires sur l’idiotie » dirigée par le médecin de l’hôpital de Bicêtre, spécialiste consacré de l’éducation des idiots et fervent républicain, Désiré-Magloire Bourneville (1840-1909) qui signe la préface et rappelle que ces mémoires sont « peu ou pas du tout connus de la génération médicale actuelle et à part peut-être quelques très rares exceptions tout-à-fait ignorés du monde universitaire. […] Une étude attentive de ces rapports, pleins d’aperçus originaux, d’indications ingénieuses, de procédés pédagogiques spéciaux, nous a décidé à les faire réimprimer 27  ». S’il rappelle les critiques dont il a été l’objet tout au long du siècle, Bourneville érige Itard en « promoteur de l’éducation des idiots » et en « créateur de l’enseignement de la parole aux sourds-muets ». Il « mérite d’être mis au rang des bienfaiteurs de l’humanité et des hommes dont s’honore le plus notre pays ». À travers Itard, il s’agit de promouvoir une spécialité médicale et de susciter des vocations auprès des jeunes médecins : « Si nous insistons sur ces points, c’est pour exciter le zèle et le dévouement de ceux qui se consacrent à l’éducation et au traitement des enfants idiots et arriérés ». Si la définition de l’idiotie reste celle d’Esquirol, Bourneville cherche à la nuancer : il insiste par exemple sur la multiplicité de ses manifestations et sur la variabilité de son intensité. Il nuance les conditions de son apparition, mettant en évidence qu’elle peut survenir jusqu’à la puberté, il prend en compte l’environnement sanitaire et social de son développement. Il fait ainsi la démonstration que l’idiotie n’est pas « une », qu’elle recouvre en réalité un grand nombre d’affections dont les étiologies sont diverses, et qu’elle englobe en définitive toutes les « maladies congénitales et chroniques du système nerveux ». Dès lors, ayant substitué à l’« idiot » le sujet singulier et malade, concevoir de soigner devient possible et, pour Bourneville, l’éducation sera le vecteur principal de la thérapeutique. Les mémoires, imprimés sur les presses de l’hôpital Bicêtre où travaillent des enfants, sont ainsi intégrés au corpus des travaux sur l’idiotie : « Les médecins chargés de ces services et leurs auxiliaires, internes, instituteurs et institutrices, infirmiers et infirmières, auront besoin d’avoir en main tous les documents épars dans les Recueils spéciaux, capables de les renseigner, les uns à tous les points de vue (anatomique, clinique, thérapeutique et pédagogique), les autres plus spécialement au point de vue éducateur 28  ». Les rapports d’Itard destinés aux ministres de l’Intérieur successifs du Consulat et de l’Empire acquièrent ainsi le statut de textes fondateurs de l’éducation spécialisée, destinée aux enfants idiots. Savant républicain, Bourneville trouve dans l’expérience menée par Itard (qualifié dans la préface de « bienfaiteur de l’humanité 29  ») un moyen de promouvoir le pouvoir de l’éducation, un discours qui trouve alors des échos auprès des élites politiques de la III e  République.

30 Picavet, 1891.

  • 31 Membre de la Société d’anthropologie de Paris, Georges Hervé appartient à la nébuleuse du matérial (...)

32 Hervé, 1911.

33 Gardou, 2006 ; Jeanne, 2007.

34 Saint-Yves, 1914.

  • 35 Titre original : Il Metodo della pedagogia scientifica: applicato all’eduzione infantile nelle cas (...)
  • 36 Dans les années 1930, Henri Ey (1900-1977) revient sur l’expérience d’Itard pour critiquer Bournev (...)

16 Le contexte politique des années 1890, marqué par le Centenaire de la Révolution française, favorise la redécouverte des travaux scientifiques et philosophiques de nombreux « savants » de la Révolution et, plus particulièrement, de la République directoriale, les fameux « Idéologues » auxquels François Picavet, agrégé de philosophie et proche d’Ernest Lavisse, consacre une thèse publiée en 1891 30 . Les mémoires d’Itard viennent ainsi enrichir le corpus des textes des Idéologues auxquels s’ajoutent les mémoires, publiés à l’époque par Georges Hervé (1855-1933) 31 , des membres de la Société des observateurs de l’homme (1799-1804), une société savante redécouverte à l’époque qui avait participé à la préparation de l’expédition maritime du capitaine Baudin et devant laquelle Pinel avait présenté son mémoire sur l’enfant sauvage. C’est en 1911 qu’Hervé publie le mémoire de Pinel 32 auquel répondent les deux mémoires d’Itard. La redécouverte des mémoires d’Itard et des débats suscités autour de 1800 sur les possibilités d’éduquer l’enfant sauvage font écho, dans le contexte des années 1900, au conflit qui oppose l’approche médico-pédagogique de Bourneville et celle défendue par Alfred Binet (1857-1911) qui fait une distinction entre les « débiles perfectibles » et les « arriérés inéducables » 33 . En 1914, une thèse de médecine présentée par Isabelle Saint-Yves propose une première synthèse de ces débats parmi lesquels l’épisode de l’enfant sauvage de l’Aveyron est canonisé comme événement fondateur 34 . Au cours de ces années 1890-1910, le cas « Victor » est mobilisé hors de France et l’expérience pédagogique d’Itard suscite des débats. C’est au cours d’un séjour à Paris, dans le service de Bourneville, que Maria Montessori (1870-1952) prend connaissance, via les productions de Séguin, des mémoires d’Itard auquel elle rend hommage dans La méthode de la pédagogie scientifique appliquée à l’éducation des enfants (1909) 35 . Dans ce volume, Laurens Schlicht met au jour la place centrale qu’occupe la question de l’éducation des idiots dans l’Allemagne de la fin du xix e  siècle. Comme en France, ces derniers font l’objet de luttes d’appropriation qui opposent les membres des églises, les médecins et les psychiatres qui utilisent les tests d’intelligence pour revendiquer leur autorité sur le domaine. Alors que le nouvel État unifié sous l’égide de la Prusse, vainqueur de la guerre de 1870, connaît d’importantes transformations politiques, sociales et économiques, la question de la place et de l’utilité des enfants déficients s’impose au cœur des préoccupations de l’État. En 1883 sont ainsi lancées plusieurs enquêtes pour dresser un inventaire et tenter de faire émerger des méthodes d’éducation commune aux différents Ländern afin de faire face à une possibilité de pandémie de l’idiotie et de dégénération de la race. S’il est encore difficile de connaître les canaux qui ont favorisé les échanges entre la France et les États allemands, il apparaît que, au moment où se multiplient les institutions spécialisées dans le traitement des idiots, l’expérience pédagogique d’Itard, réinterprétée par Séguin, est considérée comme un modèle de l’impulsion politique menée pour tenter de mettre au travail une partie des « idiots ». Schlicht analyse comment ce modèle est acclimaté et sert de fondement à des projets novateurs d’éducation – comme l’illustre la création du Kalmenhof en 1888 – des populations déficientes par l’État. Alors que les médecins continuent de s’opposer sur les modalités et les possibilités d’éduquer les « idiots » 36 , les enfants sauvages vont progressivement être appropriés dans un autre corpus de savoirs.

Le sauvage sous les feux de la rampe

37 Zingg, 1940 ; 1942.

38 Le texte de Zingg est traduit en français dans Singh et Zingg, 1980, 158.

17 C’est par l’intermédiaire de nouvelles « découvertes » d’enfants et surtout de photographies que les enfants sauvages refont surface dans l’entre-deux-guerres. Dans les années 1920, des journaux européens consacrent plusieurs reportages à la découverte de deux enfants-loups, Amala et Kamala, recueillis dans l’orphelinat de Midnapore (Bengale occidental) auprès du révérend Joseph Amrito Lal Singh. Alors que plusieurs enquêtes sont menées sur cette nouvelle découverte, l’anthropologue états-unien, spécialiste des sociétés mexicaines, Robert Zingg (1900-1957) se saisit du dossier pour intervenir dans le débat sur le partage entre la nature et la culture dans la compréhension de l’homme et des sociétés humaines. Les décennies de l’entre-deux-guerres voient en effet s’opposer les tenants d’un déterminisme naturel fondé sur l’interprétation des travaux menés dans le domaine de la génétique et de l’hérédité aux partisans de la culture et de l’éducation. En 1942, il publie une synthèse sur les enfants sauvages dans laquelle il conteste l’idée selon laquelle l’homme est « par nature » un animal social, mais le devient par l’éducation et la socialisation 37 . Zingg présente un dossier des 35 cas antérieurs répertoriés (dont un long rapport du juriste Anselm von Feurebach de 1832, consacré à Kaspar Hauser) pour les comparer aux deux enfants loups découverts en Inde : « Le terme d’homme sauvage s’applique aux cas d’extrême isolement, soit, comme dans le présent cas, de petits enfants abandonnés, adoptés et allaités par des animaux, soit des enfants plus âgés qui se sont égarés dans les forêts pour survivre au prix d’efforts personnels et sans l’aide de contacts humains 38  ». Dans cette présentation, Victor fait encore figure d’événement fondateur :

L’enfant sauvage de l’Aveyron, qui fait son apparition en 1799, offre le meilleur témoignage ancien pour un cas de ce genre. […] Ceci montre que grâce aux meilleures méthodes d’éducation des sourds-muets et des enfants retardés (déjà perfectionnés en France grâce aux théories éducatives de Rousseau promues par la Révolution française alors à son apogée), cet enfant sauvage perdit son allure et ses manières bestiales pour devenir une personne sympathique, bien que retardée.

18 Contrairement aux médecins français du xix e  siècle, Zingg offre une vision plutôt optimiste de l’entreprise menée par Itard. Il n’en reste pas moins que, pour lui, l’essentiel est ailleurs. Au-delà des cas présentés, l’objectif de Zingg en 1942 est aussi de tracer les contours d’un savoir, la psychologie sociale qui se développe aux États-Unis au cours de la Seconde Guerre mondiale :

39 Singh et Zingg, 1980, 159. la Psychologie sociale étudie l’homme comme la « personnalité » dans un sens technique relevant de la personae , c’est-à-dire les masques et les rôles que « l’individu » est conditionné à endosser devant ses partenaires de jeu en société. La structuration à laquelle locomotion, expression sexuelle et habitudes alimentaires sont soumises, et dont langage et culture sont les produits, trouve son illustration dans les données sur les hommes sauvages qui révèlent clairement la réalité et l’importance de ces schèmes ou rôles de la personae que « l’individu » partage avec ses compagnons dès le moment de sa naissance 39 .

40 Ibid. , 189.

41 Voir Le Texier, 2018.

19 Alors que les enfants sauvages semblent écartés du corpus des anthropologues, ils doivent, selon lui, retrouver pleinement leur place au sein de ce domaine de savoir qui connaît à partir des années 1950 des développements importants 40 qui font aujourd’hui encore l’objet d’étude et de polémiques 41 .

42 Malson, 1974.

43 Ibid. , 100.

44 Critique de l’ouvrage de Malson par Jean Domenach, Esprit , mai/juin 1964, p. 1213-1215.

  • 45 C’est à la rentrée universitaire de 1967 que trois universités françaises (Bordeaux, Caen et Paris (...)
  • 46 Malson collabore à partir de 1947 à Jazz Hot et est à l’origine de la création des Cahiers du jazz (...)

47 Michel Foucault publie en 1954 son premier ouvrage, Maladie mentale et personnalité .

48 Coffin, 2015.

49 Baillaud-Citeau, 1971.

50 Brauner, 1969.

20 C’est également par le biais de la psychologie sociale que l’enfant sauvage refait sa réapparition en France au début des années 1960. La publication en 1964 par Lucien Malson (1926-2017) de son ouvrage, Les enfants sauvages , constitue une étape majeure dans la réapparition de l’enfant sauvage dans le paysage intellectuel français 42 . Professeur de psychologie sociale au Centre national de pédagogie de Beaumont-sur-Oise, c’est comme praticien et éducateur spécialisé que Malson s’intéresse à l’expérience pédagogique menée par Itard (novateur, selon lui, pour ses méthodes dans le soin des enfants sourds) dont il rappelle l’influence sur les médecins (Seguin, Delasiauve et Bourneville) et sur les éducateurs spécialisés des xix e et xx e  siècles (Montessori). Dans son ouvrage, Malson publie les deux mémoires d’Itard, « textes illustres […] introuvables en France depuis 1894 ». L’introduction est le produit d’un important travail de documentation bibliographique, Malson synthétisant les principaux travaux publiés sur les enfants sauvages au cours de la première moitié du xx e  siècle. S’il rappelle le caractère parfois douteux et « fantaisiste » des différents cas (signalant que de nombreux témoignages proviennent de récits et non d’observations savantes et que ces histoires restent toujours lacunaires, en particulier sur les origines familiales des enfants et les raisons de leur abandon), Malson, comme le souligne Yann Craus, considère que ces « histoires » s’ancrent dans le passé lointain, depuis l’enfant-loup de Hesse (1344) et se poursuivent jusqu’au xx e  siècle (sa liste se termine avec l’enfant-singe découvert à Téhéran en 1961). Cette liste, qui se veut exhaustive, se présente comme un répertoire avéré des différents cas dont la diversité donne accès aux variétés de la sauvagerie (celui de l’enfant reclus, de l’enfant animalisé et de l’enfant solitaire). L’argument principal de l’auteur est alors d’affirmer qu’il n’existe pas de « nature humaine » mais que l’homme est tout entier une « histoire », offrant ainsi une lecture existentialiste de l’enfant sauvage (« La vérité que proclame en définitive tout ceci, c’est que l’homme en tant qu’homme, avant l’éducation, n’est qu’une simple éventualité, c’est-à-dire moins, même, qu’une espérance 43  »). Dans le débat qui oppose les partisans du primat de la nature à ceux de celui de la culture, Malson affirme qu’il ne saurait y avoir d’hérédité psychologique. S’il existe bien une hérédité biologique et si l’homme se distingue clairement des animaux, l’auteur (qui affirme s’appuyer sur les derniers travaux menés par les généticiens – sur les différences entre jumeaux ou entre races aux Etats-Unis – et prendre en compte les nombreux travaux fondés sur les « tests d’intelligence ») entend insister sur le rôle du milieu dans la construction des individus et des populations. Ainsi, selon Malson, l’individu dépend entièrement des influences de son milieu pour se développer : l’acquis prévaut ainsi sur l’inné. Pour Jean Domenach dans Esprit , cet essai s’oppose autant aux intellectuels marxistes que catholiques 44 . Plus généralement, dès sa publication, l’ouvrage suscite débats et controverses dans le domaine pédagogique au moment où les sciences de l’éducation font leur entrée dans les universités 45 . Au début des années 1960, l’ouvrage de Jean Malson rend ainsi disponible un corpus de textes qui va rapidement être approprié par divers spécialistes. Ceux-ci mobiliseront la question de l’enfant sauvage dans le cadre de débats au sein de leurs disciplines respectives. De la nature humaine à l’histoire de la folie, l’enfant sauvage envahit le champ des sciences humaines tout en participant à en redessiner les contours. Dans sa contribution, Yann Craus met au jour des rapports plus complexes entre l’ouvrage de Malson et son intérêt pour l’histoire du jazz à laquelle il consacre une thèse d’État es lettres, soutenue à Paris en 1961. Preuve en est que l’histoire des usages de l’enfant sauvage ne saurait être dissociée de l’effervescence culturelle de la France des années 1960. Yann Craus, de manière très originale, montre ainsi que, critique et « passeur » central du jazz dans l’espace public, Malson, mêlant étroitement intérêt pédagogique, musical et historique, a tenté de construire une interprétation de l’histoire du mouvement musical (considérée comme nouveau langage) à partir de l’expérience pédagogique d’Itard et du développement de l’enfant, le jazz passant, en quelque sorte, de l’état sauvage à la civilisation à travers plusieurs séquences chronologiques 46 . La publication de l’ouvrage de Malson s’inscrit encore dans le contexte construit autour des débats suscités par l’histoire de la folie de Michel Foucault (1963) 47 , mouvement illustré, par exemple, par le nombre important de thèses de médecine consacrées à cette question au tournant des années 1960-1970. Depuis le début des années 1960, de nombreux débats portent sur les enjeux de la loi dite « des aliénés » de 1838 qui impose l’institution d’un établissement psychiatrique par département. Alors que des formes alternatives de traitements s’imposent progressivement face à « l’hospitalocentrisme », ces débats au sein du monde des psychiatres français mènent à la publication d’un Livre blanc de la psychiatrie en trois volumes (1965-1968) 48 . Pour une large part des psychiatres, il s’agit alors de défendre l’idée d’une psychiatrie considérée comme une science des maladies mentales qui ne saurait être confondue avec des maladies nerveuses et des maladies du cerveau strico sensu . Parmi ces thèses, celle d’Hélène Baillaud-Citeau propose de nouveaux documents sur Victor (en particulier une partie de la correspondance des administrateurs locaux) 49 . L’enfant, appréhendé à travers les mémoires d’Itard, devient alors l’objet de nouvelles recherches 50 .

51 Barreau, 1968, 328.

52 Vatin, 2011.

53 Mannoni, 1969. Sur Mannoni, voir l’ouvrage récent de Boni et Mendelsohn, 2021.

54 Voir Mannoni, 1970.

  • 55 Mannoni, 1973. Cette thèse est reprise encore récemment par Lajonquière, 2011 : « Itard incarne su (...)

56 Lajonquière, 2014, 82.

21 La publication en 1968 de l’ouvrage du philosophe Franck Tinland, avec une préface de Georges Gusdorf, marque ainsi un retour des enfants sauvages dans le corpus des anthropologues. L’ouvrage cherche en effet à démontrer l’apport de l’étude de ces cas dans la compréhension des fondements de la « nature » humaine, soulignant en particulier l’intérêt pour l’ homo ferus , l’homme « ensauvagé », « retourné à la sauvagerie primordiale parce que déchu de l’humanité à la bestialité, comme naguère encore les enfants loups », auquel il consacre le chapitre II : la découverte et la description de Victor de l’Aveyron suivent celle de Jean de Liège, de Peter et de Marie-Angélique, chacun présentant un « cas limite » ou un « cas sublime » que doit étudier l’anthropologue afin de répondre aux questions essentielles sur sa nature « La naissance de l’anthropologie coïncide non seulement avec de nouvelles découvertes, mais avec de nouvelles inquiétudes sur l’origine de l’homme. Tel nous semble, sinon la thèse, du moins le thème qui court à travers l’ouvrage. […] ces enfants ont-ils été abandonnés parce qu’ils étaient anormaux, ou sont-ils anormaux parce qu’ils ont été abandonnés ? » 51 . Dans un contexte de remise en cause des frontières disciplinaires, d’autres se saisissent encore de l’enfant sauvage. En 1969, le professeur de lettres, psychanalyste et militant anti-colonial, Octave Mannoni (1899-1989) 52 , publie dans Les Temps modernes un article dénonçant l’entreprise pédagogique d’Itard dans laquelle il voit une volonté d’oppression 53 . Proposant une approche de psychanalyste, Mannoni considère qu’Itard ignore complètement la relation entre le langage et le désir de l’enfant, réduisant ainsi le langage à un simple moyen de communication. Pour la première fois, Mannoni propose de faire de la relation entre Itard et Victor un objet d’étude, ouvrant un nouveau champ d’investigation et un nouveau corpus. Dans le contexte des agitations estudiantines de 1968 et des débats sur l’école et les méthodes pédagogiques, la psychanalyste, épouse d’Octave rencontré par l’intermédiaire de Françoise Dolto, Maud Mannoni (1923-1998), engagée dans le mouvement antipsychiatrique 54 , s’empare à son tour du dossier « Victor » pour dénoncer, sous un angle différent de celui de son mari, la « fureur pédagogique » qui serait au fondement du « rêve » d’Itard 55 . Accordant une place trop grande à la parole aux dépens du sujet qui parle, c’est bien la volonté de ce dernier de vouloir entièrement maîtriser l’enfant qui l’a empêché de réussir son entreprise 56 .

57 Il cosigne le scénario avec Jean Gruault (1924-2015).

  • 58 En 1969, Deligny collabore avec Maud Mannoni et Robert Lefort à la création d’une école spécialisé (...)

59 Bernard, 1974.

  • 60 Voir Curtiss, 1977 ; voir aussi le témoignage de Rymer, 1994. La mère de Genie a intenté un procès (...)

61 Hyman, 1988.

  • 62 Notons que l’histoire de Genie a inspiré également plusieurs réalisateurs de film : Nell (1994) de (...)

63 Prost, 2013.

64 Robert, 2008.

22 Au-delà même des débats qui divisent une communauté scientifique en pleine transformation, l’histoire de l’enfant sauvage connaît en France un tournant majeur lié à la sortie du film, désormais culte, de François Truffaut en 1970. Cet épisode acquiert alors une place essentielle dans l’imaginaire collectif. C’est par le biais de l’ouvrage de Malson que Truffaut, qui, comme le rappelle Antoine de Baecque en achète dix exemplaires dès 1964, découvre les mémoires d’Itard qu’il adapte au cinéma 57 , focalisant l’attention sur l’expérience pédagogique et sur la relation privilégiée entre l’enfant et le jeune médecin dont il joue le propre rôle. Sans chercher à s’inscrire dans les débats qui traversent les sciences humaines de l’époque, Truffaut, qui entend faire de son nouveau film un outil dans le combat qu’il mène en faveur des enfants maltraités et martyrs, se rapproche alors d’un des spécialistes du traitement des enfants autistes, Fernand Deligny 58 . Après avoir exercé à la clinique de la Borde, ce dernier expérimente alors de nouvelles pratiques thérapeutiques et éducatives auprès des jeunes autistes dans les Cévennes, expériences sur lesquelles Truffaut pourra s’appuyer pour donner plus de réalisme à son film où, pour la première fois, il décide de passer devant la caméra. Bénéficiant d’un succès international immédiat, le film de Truffaut constitue un événement dans l’histoire des usages de l’enfant sauvage puisqu’il le fait entrer, jusqu’à aujourd’hui encore, dans l’imaginaire collectif, l’enfant prenant les traits de Jean-Pierre Cargol, enfant gitan, choisi pour incarner Victor. Avec près d’un million de spectateurs en France, le film est un véritable succès public. Dès lors, dans les années 1970, l’enfant sauvage s’impose comme la figure de « l’enfant déficient » et de l’infirme, sourd-muet 59 . Il n’est pas fortuit de constater que le cinéma s’empare de ces cas qui, dans leur grande diversité, suscitent, depuis l’origine, une réelle curiosité (De Baecque) : en 1962, Arthur Penn tourne The Miracle Worker consacré à la rencontre entre la petite Helen (sourde et muette) et la jeune institutrice Ann Sullivan à Tuscumbia dans l’État de l’Alabama. La découverte en Californie, en 1970, d’une jeune fille de 13 ans, Genie, maltraitée et enfermée pendant de nombreuses années dans un placard, ne fait que renforcer encore l’actualité de Victor 60 . L’équipe de scientifiques étasuniens, et particulièrement Victoria Fromkin 61 à qui elle est confiée, cherche dans la relation nouée, près de deux siècles auparavant, entre Victor et Itard des ressources théoriques et pratiques permettant la socialisation de la jeune fille 62 . Guillaume Roux souligne le rôle qu’a eu cet épisode dans l’émergence d’une nouvelle problématique (en particulier autour de la notion de « seuil critique ») dans le domaine des sciences du langage et des neurosciences cognitives. Au moment où se développe un fort courant d’antipsychiatrie, symbolisé par le film de Milos Forman, Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975), les méthodes pédagogiques d’Itard semblent susceptibles d’offrir des perspectives thérapeutiques alternatives qui rompent avec les formes classiques des traitements mobilisés pour soigner les aliénés ou les enfants inadaptés. Les années 1960-1970 sont marquées par de nombreuses propositions « expérimentales » en matière pédagogique, culminant dans la création d’un cursus de science de l’éducation (1966), suivi du colloque d’Amiens (mars 1968) et des mouvements de contestation (contre le « bourrage des crânes » des lycées-casernes) 63 . Au moment de la sortie du film de Truffaut, se multiplient les revendications en faveur de réformes, comme la « pédagogie de l’éveil », promouvant la mise en œuvre de nouveaux rapports entre le maître et l’élève, réformes qui s’opposent à l’idéologie du capital humain qui influence les plans d’éducation des années 1950 64 . La figure du maître telle qu’elle apparaît dans le film de Truffaut tend à proposer un nouveau modèle. Les questions concernant les méthodes d’apprentissage de la langue sont au cœur des recherches menées dans le champ (renouveau de la didactique). Les innovateurs cherchant à affirmer la scientificité de recherche en pédagogique expérimentale se tournent vers Itard (souvent via Montessori).

L’enfant sauvage et la quête des origines des disciplines

65 Lane, 1979, 15.

66 Ibid ., 282-283.

67 Karacostas, 1981.

68 Cantin, 2019.

  • 69 Lane poursuit encore son enquête en publiant en 1978 une nouvelle étude de cas portant sur un enfa (...)

70 Voir Shattuck, 1980.

23 C’est dans ce contexte qu’Harlan Lane, professeur de psychologie spécialisé dans l’étude des sourds et muets, publie en 1976 un ouvrage majeur sur le traitement thérapeutique d’Itard. Relatant avec minutie l’histoire de la découverte de l’enfant, les étapes et les modalités de l’enseignement d’Itard, Lane met au jour les éléments de cette expérience pédagogique qu’il considère comme « novateurs », valorisant particulièrement le rôle assigné à l’apprentissage du langage et des formes de communication pour réintégrer l’enfant à la société : « Le sujet du présent livre est le résultat de ces recherches : c’est l’histoire bouleversante d’un adulte et d’un enfant qui sont en quête de connaissance, s’aident mutuellement : elle montre comment cette quête affecta profondément leur vie et par la suite également la nôtre 65  ». Lane vise surtout à promouvoir les théories et les pratiques pédagogiques développées au début du xx e par Maria Montessori dont les méthodes seraient, selon lui, « des améliorations de celles utilisées avec Victor. […] Un siècle séparait Itard de Montessori, séparait la classe de Victor, aménagée chez son maître, des Maisons d’Enfants répandues dans le monde entier 66  ». Après la publication de l’ouvrage de Lane (qui fut, avec Alexis Karacostas 67 , un des derniers chercheurs à pouvoir consulter de manière exhaustive les fonds d’archives conservés à l’Institut national des sourds et muets de Paris 68 ), l’étude de l’apprentissage d’Itard s’impose comme un passage obligé pour les historiens ou les théoriciens de la pédopsychiatrie, particulièrement aux États-Unis où les débats sont particulièrement denses 69 . En 1980, l’essayiste Roger Shattuck (1923-2005) rajoute encore une pièce au dossier en présentant l’histoire de Victor comme une « expérience interdite » destinée à aider les éducateurs spécialisés, les parents d’enfants attardés, handicapés ou traumatisés 70 . La traduction de l’ouvrage de Lane en français en 1979, mettant à disposition de nombreux documents et archives, provoque immédiatement l’intérêt et participe à la réactualisation, en France, de la figure de l’enfant sauvage.

71 L’ouvrage est issu d’un travail universitaire soutenu en 1977. Voir Gineste, 1977.

72 Gineste et Postel, 1980, 306.

73 Gineste, 1993.

74 Voir, en particulier, Jorion, 1982.

75 Copans et Jamin, 1981.

  • 76 Postel, 1981. Dans cet ouvrage est publié le rapport présenté par Philippe Pinel sur l’enfant deva (...)

77 Gauchet et Swain, 1980 ; Swain, 1994 ; 1997.

78 Gineste, 1993, 335-379.

79 Ibid. , 92-93.

80 Ibid. ,105.

81 Cette interprétation donnée par Gineste fait l’objet de critiques. Voir Jorion, 1982.

24 L’ouvrage de Thierry Gineste, alors au début de sa carrière de médecin spécialisé en psychiatrie, publié en 1981 71 aux éditions Le Sycomore constitue une étape majeure dans le processus d’intégration de l’enfant sauvage au sein de l’histoire des sciences humaines. Réédité en 1993 puis en 2004 et en 2011, il demeure aujourd’hui une référence incontournable. En collaboration avec l’historien de la psychiatrie Jacques Postel, qui s’intéresse de son côté à Philippe Pinel, Gineste met en lumière la singularité de l’approche thérapeutique d’Itard, ce dernier apparaissant comme la figure fondatrice d’un nouveau programme psychopédagogique. S’interrogeant encore sur les causes de son « échec » face à Victor, ils affirment qu’en « opposition à la marche de plus en plus organiciste de la psychiatrie du xix e  siècle, l’œuvre d’Itard et de ses disciples s’avère fondamentale en psychiatrie infantile 72  ». La démarche pédagogique entreprise par Itard leur apparaît d’autant plus fondatrice que n’étant pas, contrairement à Pinel, un aliéniste, il a tenté de soigner l’enfant de manière novatrice, conscient des limites de l’entreprise pédagogique qu’il tentait de mettre en œuvre. Issu d’une recherche minutieuse dans différents fonds d’archives (en particulier celui de l’Institut national des sourds et muets de la rue Saint-Jacques à Paris), l’ouvrage donne accès à de nombreux documents inédits qui permettent de confirmer la richesse scientifique des débats dont cette affaire fut l’objet entre les années 1800 et 1820. Pour Gineste, l’histoire de Victor marque une véritable rupture dans l’histoire des sciences, révélant le passage entre le xviii e  siècle des Lumières, qui croit encore au « bon » sauvage, et le xix e  siècle 73 , une interprétation qui suscite immédiatement des critiques et des débats 74 . Comme Lane, Gineste, qui cherche à mettre au jour la complexité de l’entreprise pédagogique menée par Itard, établit un lien entre ce dernier et Montessori. Ces chercheurs et praticiens vont désormais se tourner principalement vers la question de la « maladie » de Victor : ils ouvrent ainsi un espace de débats autour des diagnostics différents portés sur l’enfant au début du xix e  siècle afin d’en tirer des leçons pour améliorer les soins et les traitements destinés aux malades de la fin du xx e  siècle. Le passé est mobilisé pour offrir des matériaux aux médecins, au détriment, encore une fois, de l’interprétation historique et politique du phénomène. Au moment où les membres de la Société des observateurs de l’homme sont érigés en « ancêtres de l’anthropologie française » par ceux qui entendent asseoir leur légitimité disciplinaire en se forgeant des origines, Jean Copans et Jean Jamin 75 , et que Jacques Postel consacre Philippe Pinel en père fondateur de la psychiatrie 76 , le jeune médecin Itard devient la figure fondatrice de la pédopsychatrie française. Gineste décentre le regard vers Itard dont il conjecture la personnalité : seul survivant d’une fratrie de cinq enfants, Itard aurait trouvé dans le traitement de l’enfant un moyen de s’adresser à une mère « inconsolable » ou « inqualifiable ». Dans le contexte d’une relecture critique de l’histoire de la folie de Michel Foucault 77 , Gineste propose ainsi de revisiter l’entreprise pédagogique menée par Itard à la lumière de son texte resté à l’état de manuscrit, Vésanies , dans lequel il propose une théorie sur la folie, texte qui constitue pour Gineste la « pierre philosophale de la psychiatrie française 78  ». L’échec de son entreprise n’en efface pas moins, aux yeux de Gineste, un réel défi lancé par Itard aux savants consacrés et partisans de la philosophie sensualiste. Peint sous les traits d’une sorte de héros romantique, Itard, opposé à Pinel, aurait ainsi choisi Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre contre Locke et Condillac 79 . Itard serait le symbole d’une « nouvelle compréhension de l’édification intersubjective de la personne 80  » contre Pinel et Esquirol qui seraient les représentants de la « police institutionnelle » 81 . Il est intéressant de remarquer combien le texte de Gineste s’inscrit dans les débats politiques de l’époque sur le « totalitarisme » (François Furet publie en 1978 son Penser la Révolution française ), Itard ayant proposé, selon lui, une forme de réponse à la « Terreur » :

82 Gineste, 1993, 103. Ainsi, l’innovation vraiment révolutionnaire est-elle d’intégrer les attributs de la monstruosité psychologique et de la folie à la représentation de la normalité : l’explosion pulsionnelle des hommes de la Terreur est pour Itard l’occasion de cette nouvelle compréhension de l’homme. Contrairement à toute l’historiographie, la Révolution n’a pas fait la révolution dans la compréhension de la maladie mentale. […] Mais il aura fallu la Terreur pour comprendre et accepter la sauvagerie 82 .
  • 83 Sur les nombreux débats et appropriations dont fut l’objet le traitement d’Itard dans l’espace des (...)
  • 84 Dans la continuité du Bicentenaire de la Révolution française, une exposition est organisée à Rode (...)

85 Métraux, 1985.

86 Frith, 1991.

87 Hochmann, 2012.

88 Dortier, 2010.

89 Itard, 1994, ix-x.

25 Au fil de ces publications et des débats qu’elle soulève, l’histoire de Victor se charge ainsi de nouvelles lectures et interprétations qui forment autant de strates textuelles qui peuvent donner le vertige tant cette affaire semble avoir suscité un grand nombre d’études savantes 83 qui ne cessent d’alimenter des productions fictionnelles ou commémoratives 84 . Dès lors, s’engagent des discussions, parfois vives, quant à l’originalité réelle, la validité et l’efficacité du traitement mis en œuvre par Itard 85 , mais aussi quant à la nature de la maladie de Victor. Pour la chercheuse en psychologie cognitive Uta Frith 86 , l’expérience menée par Itard doit être considérée comme une des premières tentatives pour soigner l’autisme 87 , une hypothèse rejetée par Lane. La publication en 1989 de L’énigme de l’autisme par Frith lance ainsi un débat autour de l’hypothèse autiste à propos de Victor 88 . Au début des années 1990, François Dagognet repose la question des méthodes oralistes privilégiées par Itard et souligne qu’une pédagogie fondée sur le langage gestuel aurait été sans doute plus efficace. Comme le confie ce dernier, cette expérience pédagogique et thérapeutique du début du xix e  siècle pose tellement de questions qu’elle finit par disparaître, éclipsées par les nombreuses interprétations dont elle est l’objet : « Notre idée est que ce “document hors pair” [le mémoire d’Itard], susceptible de nous éclairer sur l’homme et la société est tellement riche que nous n’en retirerons rien ; ou, plus exactement, il autorise une multitude d’interprétations entre lesquelles nous ne pouvons choisir 89  ».

Pour des lectures politiques des enfants sauvages

90 Ramus, 2018.

  • 91 Voir, par exemple, ces usages dans le discours militant dans « Vive les sauvages ! Une lettre des (...)

92 Bouveresse, 2017.

93 Douthwaite, 2002, 56-69.

  • 94 Spécialiste d’histoire littéraire, Douthwaite accorde trop souvent aux fictions une portée perform (...)

95 Nash, 2003, 159-161.

96 Chappey, 2016.

97 Alexandre, 2019.

98 Mazurel, 2020, 23.

99 Ibid. , 256.

100 Benzaquén, 2006.

101 Descola, 2005.

26 À l’heure des sciences cognitives, que peut encore apporter l’étude des enfants sauvages ? Franck Ramus (CNRS), figure centrale des recherches menées actuellement en sciences cognitives, souligne que, si leur étude permet de vérifier le rôle joué de manière concomitante autant par la nature (facteurs génétiques) que par la culture (rôle de l’environnement), leur place semble être moins centrale dans l’histoire des sciences humaines à partir du début des années 2000 90 . La figure de l’enfant sauvage ne disparaît pourtant pas, tant s’en faut. Elle est en effet mobilisée pour interroger, sinon critiquer, la « modernité », l’enfant sauvage servant, aux côtés des sorcières 91 , de contre-modèle au « mythe moderne du progrès 92  ». Au-delà du discours militant qui s’appuie sur, et renforce la puissance symbolique de cet objet, le destin de l’enfant sauvage et la tentative avortée d’Itard permettent d’interroger l’émergence de régimes d’intelligibilité et la confrontation d’idéologies. Pour Julia Douthwaite, l’expérience et le défi d’Itard peuvent être lues comme l’expression de l’utopie des Lumières et de l’idéal régénérateur mis en œuvre pendant la Révolution française, un idéal pouvant conduire, derrière la volonté de « transformer » l’homme, à la fabrication de monstres tel que Frankenstein 93 . Spécialiste états-unienne d’histoire littéraire de la France du xviii e  siècle (Université de Notre-Dame), Julia Douthwaite considère que les efforts pour « civiliser » l’enfant révèlent autant le nouveau « pouvoir » accordé aux médecins (qui ravalent au second plan les naturalistes) que les nouvelles modalités à partir desquels la société française de la fin du xviii e  siècle se définit : elle inscrit ainsi l’épisode de l’enfant sauvage dans l’optimisme aussi scientifique que politique qui peut justifier le fait de croire à la possibilité qu’aurait la science de « transformer » l’homme. L’originalité d’Itard est justement d’avoir refusé les méthodes de dressage « physique ». C’est, à travers Victor, la question de l’utopie fondée sur l’idéal de régénération issu des Lumières et mis en œuvre par les révolutionnaires français qui est ici discutée 94 . Rouvrant également le dossier, Richard Nash, professeur d’histoire intellectuelle du xviii e  siècle à l’Université d’Indiana, montre de son côté la rupture qu’illustrerait Victor dans l’histoire des enfants sauvages : comparé à Peter (1712-1785) sur lequel pèsent les contraintes de la société de Cour et de la culture mondaine (ce qui explique que Peter reste un objet de « curiosité »), les modalités scientifiques, administratives, voire bureaucratiques, mobilisées dans le « traitement » de Victor, marqueraient l’entrée dans une époque moderne symbolisée par de nouveaux modes d’action de l’État 95 . L’entreprise menée par Itard et son échec constituerait pour l’auteur les signes d’un « optimisme » romantique face à l’affirmation de nouvelles formes de domination sociale et politique légitimées par des savoirs d’État qui se formalisent au début du xix e  siècle autour de nouveaux objets (anatomie comparée, craniologie, statistiques mathématiques…). Après ma thèse sur la Société des observateurs de l’homme (2002), j’ai cherché à mon tour à montrer comment l’échec d’Itard pouvait être resitué dans le contexte de transformation brutale des idéaux politiques et scientifiques caractérisant le passage du projet républicain, héritier des Lumières, porté par la République de Directoire, au projet impérial s’appuyant sur un processus de naturalisation des identités sexuelles, sociales et raciales : sous l’Empire, le projet de faire d’un sauvage un citoyen n’est plus d’actualité 96 . Dans cette perspective, il s’agissait de proposer une lecture politique de ce dossier et de faire du « pari » d’Itard une forme de réponse aux offensives menées par les thèses pseudoscientifiques visant à revaloriser les déterminismes naturels et les hiérarchies entre individus 97 . Face aux menaces d’une « guerre des intelligences » (L. Alexandre), Victor constituerait un autre possible. D’autres perspectives politiques sont encore possibles. C’est une des perspectives de l’étude récente de Kaspar Hauser proposée par Hervé Mazurel. En l’inscrivant dans une enquête plus large (une « longue histoire de la casuistique psychologique »), il s’agit pour l’auteur de se saisir de ce « cas » pour « faire affleurer, dans les réactions qu’il suscite et dont les sources témoignent, les catégories de l’entendement, le sens commun d’une époque, dans tout ce que ce dernier a justement de contingent et d’arbitraire, bref, d’historique 98  ». S’appuyant sur la relecture des récits donnés par Kaspar lui-même et par ceux qui l’ont côtoyé et ont été les témoins privilégiés des différentes étapes de sa (re)socialisation, l’auteur cherche à analyser ce que Kaspar révèle, en creux, de la société qui cherche à le civiliser. Sans doute, cette « entrée » dans la civilisation constitue-t-elle pour cet enfant séquestré, laissé à lui-même, au milieu de quelques jouets, pendant plusieurs années, un véritable traumatisme. « Homme sans habitus 99  », l’étude des réactions qu’il suscite et des questions qu’il pose en dit autant sur lui que sur les dispositifs de normalisation et de domination qui traversent la société allemande de la première moitié du xix e  siècle. Si les autorités, les éducateurs et les philanthropes cherchent à le domestiquer, il n’en reste pas moins toujours une figure insaisissable et surprenante qui, à travers les dissonances de son corps, les formes singulières de ses perceptions (il utilise, par exemple, l’odorat et le toucher, sens considérés alors comme moins nobles que la vue) ou les expressions de ses émotions (voire le « tumulte émotionnel » dont il est le sujet), donne à voir la normalité, toujours vacillante, de ceux qui l’observent. S’interrogeant, selon une perspective différente, sur la persistance de la présence des enfants sauvages dans l’imaginaire collectif des sociétés occidentales depuis le Moyen Âge (autant à travers des œuvres de fiction – mythes, légendes – que des travaux scientifiques menés dans différentes disciplines), Adriana S. Benzaquén montre, pour sa part, que ces histoires d’enfants sauvages ont progressivement construit les contours à partir desquels se sont construits les rapports au monde, les relations avec les mondes naturels et imaginaires 100 . En un mot, les enfants sauvages devraient être considérés, selon les propositions de Philippe Descola, comme des supports par le biais desquels se serait construite une nouvelle cosmologie naturaliste 101 .

102 Strivay, 2006.

103 Strivay, 2004, 42.

104 Haraway, 2018.

27 Dans cette perspective, les travaux de Lucienne Strivay sur les enfants sauvages constituent indéniablement une proposition stimulante, particulièrement dans ce contexte de pandémie et de crise de la cosmologie naturaliste construite au xvii e  siècle. Ces travaux interrogent les raisons de l’intérêt suscité par les enfants sauvages qui, selon elle, permettent à chaque fois de poser la question des contours de l’humanité et des facteurs qui distinguent l’homme des espèces animales 102 . Loin de rechercher les « origines » de l’homme, il s’agit plutôt de remettre la question de l’enfant sauvage au cœur de l’anthropologie afin de repenser l’homme et les sociétés humaines à partir de l’étude des frontières, des partages, des relations avec les autres phénomènes naturels et non-humains. Pour Strivay, l’émergence d’enfants sauvages révèle des transformations profondes qui émergent dans la culture et la science européenne du xvii e  siècle. Ces transformations font émerger de nouvelles relations avec la nature et les non humains via les discours naturalistes et anthropologiques à partir desquels se formalise une nouvelle cosmologie naturaliste valorisant une seconde Nature : « Sur les débris pulvérisés des univers mythologiques […] vont naître de nouvelles histoires de l’origine des sociétés dont les enfants sauvages réaliseront le protocole expérimental 103  ». Les histoires de ces enfants et les modalités des traitements successifs dont ils furent les objets permettent ainsi d’interroger les manières par lesquelles les différentes sociétés (occidentales) ont construit leurs relations avec les « autres », en particulier avec les animaux et tout ce qui peut constituer leur environnement ou milieu. S’appuyant sur les travaux de Donna Haraway 104 , Strivay propose de faire de la figure de l’enfant sauvage un objet qui permet de penser les connexions entre les éléments disjoints (nature/culture ; inné/acquis ; humains/non-humains ; normes/pathologies), l’hypothèse sous-jacente à cette thèse étant que les enfants sauvages sont indissociablement liés à la mise en place de la cosmologie naturaliste qu’ils viennent toujours réactualiser. Selon Strivay, l’enfant sauvage ne présentant pas les signes de « l’intériorité » constituant l’humanité (le langage, la sociabilité…), constituerait un élément de transgression de la frontière entre humains et non-humains. Par-là, il constituerait une « inquiétante étrangeté » toujours nécessaire à questionner pour garantir la dignité de l’homme. L’anthropologie est ainsi définie comme l’étude des relations entre les différents éléments (humains/non-humains) qui composent les sociétés. On passe ainsi de la quête de l’exception humaine à la quête des relations de l’homme avec le reste des espèces naturelles.

105 Strivay, 2006 , 20-21. C’est la distinction de la conscience, de la subjectivité et du langage, expression d’une intériorité humaine spécifique face à une continuité des propriétés matérielles du vivant, qui donne à l’enfant sauvage valeur de transgression ou de révélation dans la pensée naturaliste. Cette spiritualité unique dont il serait le porteur vierge, ou qu’il ne semble pas partager faute de pouvoir la manifester, le constitue en caution ou en faille du système. Aussi sont-ce les périodes de mutation de la conscience européenne, celle de la recherche des nouvelles anthropologies qui convoquent l’enfant sauvage avec une avidité significative. Il émeut encore spécialement aujourd’hui où notre cosmologie donne des signes explicites d’effritement. Il questionne notre relation au vivant et notre pratique du monde au moment où l’anthropisation de la planète se retourne contre ceux qui l’ont engagée chacun pour soi. Il rend à l’imaginaire le substrat biologique de l’humanité quand la génétique semble presque en mesure de le manipuler à la carte. Il interroge le statut éthique et politique de l’animal lorsqu’il intègre sa communauté 105 .

106 Ibid. , 30.

28 Selon elle, l’enfant sauvage apparaît ainsi comme un « lieu nodal de la pensée anthropologique », obligeant à dépasser les modes de pensée traditionnels et à s’interroger sur des nouveaux objets. Questionnant, les frontières et les partages entre nature/culture construite par la cosmologie naturaliste, il apparaît comme d’autant plus actuel que cette cosmologie connaît une véritable crise aujourd’hui. À travers l’histoire de ces enfants, il serait donc possible d’analyser « la topographie occidentale du passage de la nature à la culture, ses failles et ses nœuds 106  ». Dans ce contexte particulier de pandémie, on pourrait, en suivant Strivay, proposer de placer Victor, et les enfants sauvages, au rang des « sentinelles » révélant les dysfonctionnements des rapports entre les humains et les non-humains (animaux), justifiant ainsi son actualité.

29 Du xix e au xxi e  siècle, les usages successifs de l’enfant sauvage dans l’histoire des sciences humaines semblent ainsi correspondre soit à des moments de crise interne de savoirs dont les représentants cherchent à redéfinir les origines, les contours, les objets ou les méthodes, soit à des controverses (sur le conflit nature/culture, inné/acquis…), qu’il contribue à faire émerger, au sein desquelles la figure de l’enfant sauvage est mobilisée pour justifier la défense d’une des parties en conflit. Dans tous les cas, le poids symbolique de cette figure dans les imaginaires collectifs (particulièrement en France où le film de Truffaut a donné à l’histoire de Victor de l’Aveyron une portée universelle) confère à ces usages une portée qui dépasse largement l’histoire de ce cas individuel. Par leurs existences paroxystiques, l’histoire de ces enfants questionne, non seulement les catégories de temps et d’espace et les pratiques de civilité ou les « bonnes manières », mais aussi donne à voir les formes de domination, les frontières entre humains et non-humains ou les distinctions de genre comme des constructions sociales. De ce fait, l’histoire des usages de l’enfant ne permet pas seulement de dévoiler l’histoire des sciences humaines, mais plus encore de mettre au jour les questions essentielles, et toujours actuelles, sur la spécificité ou non de l’homme et sur les fondements d’une civilisation que ces enfants dits sauvages ne cessent de mettre en cause. De la Révolution française à la crise écologique du début du xxi e  siècle, le retour des enfants sauvages s’inscrit, comme le montrent les différentes contributions réunies dans ce volume, à la croisée d’enjeux scientifiques et politiques. Ils révèlent ainsi des moments de crise ou de transition. Gageons, à ce titre, que les enfants sauvages sont loin de disparaître.

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2 Par exemple : Juvenis Lupinus hessensis, l’enfant-loup de Hesse ; Juvenis Ursinus lithuanus, l’enfant-ours de Lituanie. Victor de l’Aveyron est un des premiers à apparaître sous la notion d’ enfant sauvage . Il semble que la notion d’ enfants sauvages soit utilisée de manière générique pour la première fois au xx e  siècle (selon le catalogue de la BNF).

5 Voir le colloque « Les enfants sauvages » organisé par Déborah Lévy-Bertherat et Mathilde Lévêque du département Lila, ENS, décembre 2015. https://savoirs.ens.fr/recherche.php?rechercheTerme=Enfants+sauvages.+Repr%C3%A9sentations+et+savoirs .

9 Ibid. , 247-248.

12 Ibid. , 325-329.

13 Gall et Spurzheim, 1810, vol. 1, 35.

15 Rappelons, par exemple, que les membres de la Société des observateurs proposent comme question de concours en 1801 : « Déterminer par l’observation journalière d’un ou de plusieurs enfants au berceau, l’ordre dans lequel les facultés physiques, intellectuelles et morales se développent et jusqu’à quel point ce développement est secondé ou contrarié par l’influence des objets dont l’enfant est environné, et par celle plus grande encore des personnes qui communiquent avec lui ». Une médaille de bronze et six cents francs sont proposés comme prix au gagnant. Voir Chappey, 2002.

18 Je tiens à remercier les auteurs et les évaluateurs des contributions qui ont accepté de répondre avec sagacité et de se soumettre à des contraintes particulièrement difficiles dans cette période de crise sanitaire.

19 Esquirol, 1818, 507-508.

24 Seguin, 1838, 5-6.

26 Delasiauve, 1865, 197.

27 Bourneville, 1894, vi-vii. L’ouvrage publie une des seules représentations iconographiques de l’enfant « ayant 26 cicatrices tant au corps qu’à la tête ». Voir aussi Pelicier et Thuilier, 1979.

31 Membre de la Société d’anthropologie de Paris, Georges Hervé appartient à la nébuleuse du matérialisme scientifique. Il fait partie des rédacteurs de la revue L’Homme de Gabriel de Mortillet.

35 Titre original : Il Metodo della pedagogia scientifica: applicato all’eduzione infantile nelle case dei bambini , Citta di castello, Lapi, 1909.

36 Dans les années 1930, Henri Ey (1900-1977) revient sur l’expérience d’Itard pour critiquer Bourneville et l’idée d’une « perfectibilité » des idiots. Voir Coffin, 2004.

39 Singh et Zingg, 1980, 159.

45 C’est à la rentrée universitaire de 1967 que trois universités françaises (Bordeaux, Caen et Paris) ouvrent dans les Facultés de Lettres et Sciences humaines un cursus de sciences de l’éducation. Voir Milaret, 2016.

46 Malson collabore à partir de 1947 à Jazz Hot et est à l’origine de la création des Cahiers du jazz en 1958. Chroniqueur spécialisé dans de nombreux journaux, créateur d’émissions de radio (entre 1955 et 1992), il est une figure incontournable des milieux du jazz dans les années 1960-1990. Il est l’auteur de plusieurs histoires du jazz. Voir Le Tellier, 2018.

55 Mannoni, 1973. Cette thèse est reprise encore récemment par Lajonquière, 2011 : « Itard incarne sublimement la fureur pédagogique qui n’admet pas l’impossibilité de l’éducation à laquelle Freud faisait référence. Il a personnifié le désir pédagogique de trouver l’enfant idéal dépourvu de toute connaissance et disposé à être débarrassé de son ignorance par la grâce du maître qui le convertirait en son propre clone à l’envers – c’est-à-dire, selon la psychanalyse, un sujet qui ne serait pas assujetti à la castration ni au désir. La fureur pédagogique alimente le tracé de toute éducation qui se considère idéale et qui, en prétendant accomplir un bien ou une mission civilisatrice quelconque, finit par pervertir l’éducation mais non la nature inexistante ».

58 En 1969, Deligny collabore avec Maud Mannoni et Robert Lefort à la création d’une école spécialisée pour accueillir les enfants déficients et autistes à Bonneuil-sur-Marne.

60 Voir Curtiss, 1977 ; voir aussi le témoignage de Rymer, 1994. La mère de Genie a intenté un procès à Curtiss pour avoir nié le statut de sauvagerie. Sur Victor et Genie, voir « Victor de l'Aveyron et Genie Wiley : les enfants sauvages », Audioblog : https://audioblog.arteradio.com/blog/148069/podcast/148104/victor-de-l-aveyron-et-genie-wiley-les-enfants-sauvages (consulté le 14 juin 2021).

62 Notons que l’histoire de Genie a inspiré également plusieurs réalisateurs de film : Nell (1994) de Michael Apted (avec Jodie Foster) et Mockingbird Don’t Sing (2001) d’Harry Brommley-Davenport.

69 Lane poursuit encore son enquête en publiant en 1978 une nouvelle étude de cas portant sur un enfant sauvage du Burundi (voir Lane et Pillard, 1980). Le préfacier, B.F. Skinner, insiste sur la proximité des deux histoires : « Dans L’enfant sauvage de l’Aveyron , Lane raconte, une foule de documents à l’appui, l’histoire de Victor, un enfant sauvage qui vécut au début du dix-neuvième siècle […] Lane mena son étude à la Bibliothèque Nationale et dans d’autres archives de Paris. C’est dans un lieu bien différent qu’avec Richard Pillard, il reconstitua l’histoire de Jean, l’enfant sauvage du Burundi. Le Burundi est peut-être de tous les pays du monde, le plus pauvre, le plus insalubre et politiquement le plus instable ».

76 Postel, 1981. Dans cet ouvrage est publié le rapport présenté par Philippe Pinel sur l’enfant devant les membres de la Société des observateurs de l’homme (p. 89-113).

82 Gineste, 1993, 103.

83 Sur les nombreux débats et appropriations dont fut l’objet le traitement d’Itard dans l’espace des sciences médicales et humaines à partir des années 1960 aux États-Unis en particulier, voir Benzaquén, 2006.

84 Dans la continuité du Bicentenaire de la Révolution française, une exposition est organisée à Rodez par la Mission départementale de la culture en 1992. Reprenant largement les images du film de Truffaut, il s’agit de dresser un bilan des travaux, proposer des sources « aveyronnaises » et saisir les « leçons » de l’affaire dans le domaine de la pédagogie ou de la médecine enfantine.

91 Voir, par exemple, ces usages dans le discours militant dans « Vive les sauvages ! Une lettre des “désorganisateurs” du carnaval des enfants sauvages (Saint-Affrique) » : « Pour partager notre perception de cette fête, nous sommes allés quérir un parrainage, célèbre depuis Truffaut, un ange d’inspiration : ce sera Victor de l’Aveyron, l’enfant sauvage des Monts de Lacaune. Sa destinée, symbole d’une sauvagerie que l’on a refoulée, domptée et enfermée, nous voulons la ressusciter pour mieux la renverser : les sauvages enfin libérés, la sauvagerie avec pignon sur rue !» (Collectif Mauvaise Troupe, 2014, Constellations. Trajectoires révolutionnaires du jeune xxi e  siècle , Paris, Éditions de l’éclat, p. 179-182).

94 Spécialiste d’histoire littéraire, Douthwaite accorde trop souvent aux fictions une portée performative qu’elles n’ont pas, une position qui l’entraîne parfois à surinterpréter certains discours politiques au cours de la Révolution française. Entre les théories sur la régénération et ses mises en pratique, il y a pourtant une réelle distance.

105 Strivay, 2006 , 20-21.

Bibliographical reference

Jean-Luc Chappey , “Questions sur les usages de l’enfant sauvage dans l’écriture des sciences humaines ( xviii e - xxi e  siècles)” ,  Revue d’histoire des sciences humaines , 38 | 2021, 7-37.

Electronic reference

Jean-Luc Chappey , “Questions sur les usages de l’enfant sauvage dans l’écriture des sciences humaines ( xviii e - xxi e  siècles)” ,  Revue d’histoire des sciences humaines [Online], 38 | 2021, Online since 23 July 2021 , connection on 23 April 2024 . URL : http://journals.openedition.org/rhsh/5703; DOI : https://doi.org/10.4000/rhsh.5703

About the author

Jean-luc chappey.

Institut d’histoire moderne et contemporaine (UMR 8066), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

By this author

  • L’histoire à l’épreuve du feu [Full text] Penser la Révolution française dans la France d’après-guerre (1918-1932) The fireproof history. Thinking about the French Revolution in post-war France (1918-1932) Published in Revue d’histoire des sciences humaines , 33 | 2018
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Full text issues

  • 43 | 2023 The Middle Ages of the Social Sciences
  • 42 | 2023 Social sciences and humanities in Latin America, 20th century
  • 41 | 2022 The South of social sciences
  • 40 | 2022 Reforming (with) the social sciences in the Soviet Union
  • 39 | 2021 Academic Cinema. Places, itineraries, experiments and achievements around 1945
  • 38 | 2021 Uses of the wild child
  • 37 | 2020 Nommer les savoirs
  • 36 | 2020 Commemorating the Humanities
  • 35 | 2019 Women’s careers
  • 34 | 2019 Byways. New places, new projects
  • 33 | 2018 After 1918: a new landscape of scholarship?
  • 32 | 2018 Schools of Thought
  • 31 | 2017 Being scientific
  • 30 | 2017 Is contextualisation common to the humanities and social science?
  • 29 | 2016 The humanities in textbooks
  • 28 | 2016 The psychological sciences and the animal
  • 27 | 2015 Anthropology and materialities of race
  • 26 | 2015 “May ’68” in the humanities and social science

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dissertation l'enfant sauvage

"They fell to the ground with screams": Russian Guards fired at children single near Moscow - there is a casualty

2023-08-20T20:58:57.477Z

Highlights: In Russia, in the city of Elektrostal (Moscow region), during demonstrations, Rosgvardia soldiers began shooting at spectators with children from machine guns with blank cartridges. One child received serious damage from a rebounded cartridge case. In the video, a child can be heard crying and screaming violently. It is also interesting that Russia recently arranged a solemn farewell to Vladimir Shestakov, convicted for the murder of a child, who became a mercenary of PMC "Wagner" and was liquidated in the war in Ukraine.

dissertation l'enfant sauvage

In Russia, in the city of Elektrostal (Moscow region), during demonstrations, Rosgvardia soldiers began shooting at spectators with children from machine guns with blank cartridges.

So far, one injured child is known.

This was reported by the local Telegram channel of the Cheka-OGPU.

"Small children were clutching their heads screaming and falling to the ground. Not without injuries. The child received serious damage from a rebounded cartridge case," the report said.

One of the witnesses to the incident posted a video. It was her child who was shot by the Russian Guards. In the video, a child can be heard crying and screaming violently.

After the woman realized that her child had been wounded, she called her husband and doctor.

Meanwhile, Russian occupier Ivan Alekseev in the war in Ukraine after a drunken quarrel killed his colleague and tried to cover up the crime, saying it was the work of "Ukrainian saboteurs."

It is also interesting that Russia recently arranged a solemn farewell to Vladimir Shestakov, convicted for the murder of a child, who became a mercenary of PMC "Wagner" and was liquidated in the war in Ukraine.

  • The suspect in the murder of a military volunteer was released from custody
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Source: tsn

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  15. L'Enfant sauvage (1970)

    I t was in the spring of 1964 that François Truffaut came across an article in the French newspaper Le Monde that provided him with the subject for his eleventh and, some may argue, most personal film, L'Enfant sauvage.The article was a review of a recently published book by the eminent sociology professor Lucien Malson, Les Enfants sauvages, mythe et réalité, which presented 52 documented ...

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