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Exemple de sujet : Peut-on parler pour ne rien dire ?

Si nous considérons le langage comme un instrument destiné à traduire la pensée, il semble impossible de parler pour ne rien dire. En effet, le langage dit toujours quelque chose. Il faut donc prendre ce sujet en un sens métaphorique pour essayer de savoir dans quelle mesure nous pourrions parler pour ne rien signifier, c’est-à-dire pour ne rien dire de particulier, dire des choses inutiles ou dépourvues de sens. En ce sens, la capacité pour le langage a toujours avoir du sens dépend de la capacité a toujours signifier quelque chose. Or, comme la raison humaine est limitée (nous ne pouvons tout savoir ni tout entendre), il apparaît que nous ne disons rien quand nous parlons si nous n’arrivons pas à formuler clairement ce que l’on veut dire ou à faire comprendre ce que l’on a dit. Toutefois, même dans ce cas, il est possible de nous demander si le langage ne traduit rien. Ce qui est absurde ou inutile dit encore des choses sur celui qui le dit.... [voir le corrigé complet]

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Le langage n’est-il qu’un outil de la pensée ?

Dissertation complète rédigée en licence de philosophie pour le sujet de départ "Langage et pensée". Note obtenue: 15/20.

«  D’abord on ne parla qu’en poésie ; on ne s’avisa de raisonner que longtemps après  ». A travers ces quelques mots à la tournure poétique, Rousseau, dans son Essai sur les origines des langues publié en 1781, s’attache à réinventer, de manière presque mythique, les origines et les fondements du langage. Si l’homme n’était resté qu’un être de besoins, alors la parole ne lui aurait été d’aucune utilité. Or, il a su se détacher de cet état de nature, pour devenir un être de culture, grâce à l’une de ses facultés constitutives : le langage. Le langage est cette faculté de communiquer avec ses semblables et d’exprimer ses pensées, aux moyens de signes conventionnels propres à une langue, qu’ils soient graphiques ou vocaux. Il est ainsi généralement défini comme ce qui fonde le lien humain, de telle sorte qu’il en est devenu presque indissociable de celui de société, c’est-à-dire d’un groupe cultivant une même idéologie de pensée. Il semble donc de prime abord que sa fonction première, celle de la communication, réside dans l’essence même du langage. Pour autant, le réduire simplement à sa fonction communicatrice, revient à considérer qu’elle éclipse, par son importance, toutes les autres. Cela suppose également que la pensée précède nécessairement le langage, que les paroles ne seraient qu’un habit de la pensée et que cette dernière posséderait une existence indépendante et antérieure à sa verbalisation. Autrement dit, l’homme serait dès le départ un être pensant, c’est-à-dire capable de raison. Ce ne serait que plus tard qu’il aurait développé sa faculté de parole, à travers un ensemble de systèmes linguistiques articulés ou non. Toutefois, cette relation de dépendance et d’antériorité de la pensée et du langage est-elle si évidente ? Le langage n’est-il qu’un outil de la pensée ? Est-il capable de rendre compte de toutes les nuances et de la complexité de notre psyché ?

Au premier abord, la communication semble constituer une partie essentielle du langage, dont l’homme dans sa condition d’être social ne peut se passer. Pour autant, le langage est un instrument imparfait, qui ne peut rendre compte de l’infinité de subtilités dont est capable notre pensée, faisant ainsi l’impasse et ne pouvant spécifier toutes ses nuances. Enfin, si l’on considère généralement la relation d’interdépendance du langage et de la pensée, nous considérons généralement que le langage est le produit de la pensée. Or, il joue également un rôle actif sur celle-ci. Il est donc légitime de le considérer également comme une fin en soi.

I. La communication semble constituer une partie essentielle du langage

Sans les mots, qu’ils aient été formulés à l’écrit ou à l’oral, la communication des hommes entre eux aurait été visiblement amoindrie, voire même impossible. Depuis l’homme de Neandertal, le langage nous a aidé à verbaliser le concret, sans oublier les concepts les plus abstraits également, permettant ainsi une coordination dans l’action. User du langage a toujours été un moyen pour les individus quelqu’ils soient d’extérioriser leurs pensées dans le but de mieux les faire connaitre à autrui, les pensées n’étant que des états mentaux privés. Ce qui fera dire à John Locke, qu’elles sont «  renfermées  » dans nos têtes et dans nos esprits, dans son Essai sur l’entendement humain, au Livre III, chapitre II, paragraphe 1 . Face à notre incapacité de lire et de décrypter clairement les pensées de nos interlocuteurs, les paroles se sont montrées indispensables. D’autant plus que l’homme est un animal de groupe. Il est fait pour la vie collective, ce qui rend la communication des membres d’une même société entre eux nécessaire. Autrement dit, le langage est ce qui rend compte du caractère intérieur de nos idées et de nos pensées, laissant en quelque sorte libre court à l’intersubjectivité, à savoir au partage des différents points de vue, propres à chacun. Les mots sont, ce que Locke appelle, des «  marques sensibles des idées  » ( paragraphe 2 ). Plus précisément, «  l'usage des mots consiste à être des marques sensibles des idées ; et les idées qu'on désigne par les mots sont ce qu'ils signifient proprement et immédiatement  ». En d’autres termes, les mots marquent le passage des pensées de notre intériorité vers le monde physique et sensible. Ils sont donc, de fait, dotés d’une «  double référence  » (paragraphe 4), supposant d’une part que nos interlocuteurs accordent la même signification aux mots que la nôtre, c’est-à-dire que nous ayons tous recours à un système de signes conventionnels et généralisé. Ce qui suppose également que les individus «  veulent qu’on s’imagine qu’ils parlent des choses selon ce qu’elles sont réellement en elles-mêmes  » ( paragraphe 5). A travers ses propos, Locke insiste sur le fait que les systèmes linguistiques ne sont pas le résultat de notre psyché seule. Ils ne sont pas une faculté innée de notre esprit. Au contraire, ils sont le résultat d’une éducation. En réalité, Locke ne s’attarde pas sur le lien entre langage et réalité, se demandant si notre langage est un représentation du réel ou non. Son intérêt se porte davantage sur le lien qui le relie à la pensée. Les langues sont quelque chose d’entièrement artificiel. Nous ne naissons pas directement avec la faculté de parler et de comprendre les personnes qui interagissent avec nous. Les mots ne sont donc pas des choses de la réalité. Les mots sont les signes de notre pensée, auquel nous avons recours dans le but de pouvoir être compris de nos semblables, et inversement, de les comprendre également.

Les mots avec lequel nous ne cessons aujourd’hui de jouer sont devenus, avec le temps, des compagnons de route indispensables, et même nécessaires à l’homme. Le moindre retour en arrière nous semble inimaginable. Il nous apparaît dès lors inconcevable de vivre sans le langage. Cette faculté prend presque la place d’une mère pour l’enfant, qui grandit avec, au point de ne plus pouvoir se rappeler avoir vécu sans et au point qu’elle en deviennent comme une seconde nature pour lui. Cette proximité de l’homme avec le langage font que peu de choses lui semblent aussi familières que peut l’être le langage. À travers ce mode de vie en communauté que l’humanité mène presque unanimement, l’homme ne peut passer à côté du langage pour s’exprimer et communiquer avec ses semblables sur tous types de sujets, tant ceux touchant aux affects, qu’aux échanges plus formels et quotidiens. Le langage a une réelle fonction dans nos vies. En tant qu’outil de la pensée humaine, il régit, presque à lui tout seul, les relations des hommes entre eux afin de les rassembler et de les faire coopérer au sein d’un groupe donné. Le langage en devient alors indissociable de sa fonction communicatrice, tout comme la fonction du cœur est de permettre la circulation sanguine au sein de notre corps, et celle du rein de filtrer notre sang. Cette fonction du langage organise et façonne toute entière la structure du langage, déterminant tout son fonctionnement. En étudier ses différents manifestations et son cadre, sans pour autant s’attarder sur sa fonction communicatrice mènera donc obligatoirement à une observation restreinte et incomplète du langage. C’est dans sa structure même qu’il se destine à la communication. Il est la réunion d’une part d’un signifié, qui renvoie à une idée ou à un concept présent dans notre esprit, comme celui de la table, par exemple. D’autre part, du signifiant, qui réunit une suite de sons organisés suivant des normes et des règles précises en fonction des différentes langues. L’extériorisation de nos idées et de nos pensées grâce au signifiant fait du lavage le lieu de l’interlocution. À travers une observation linguistique du langage, comme a pu le faire Jakobson son article «  Poétique et linguistique », issu de son Essai de linguistique générale paru en 1981, il semble pouvoir servir à une infinité d’usage, que Jakobson classe en différentes catégories. Il reprend ici le schéma établie par Claude Shannon et Warren Weaver sur la communication. Le message porté par le langage posséderait dans un premier temps fonction référentielle, dans le cas d’un contenu informatif. Dans d’autres cas, il permet de maintenir le contact entre le locuteur et le destinataire, lorsqu’il est question de sa fonction dite « phatique », comme « allô » ou « eh bien ». La fonction expressive touche quant à elle aux affects, tandis que la fonction poétique s’intéresse à l’esthétique et à la forme du message. La fonction conative cherchent à déclencher une action chez l’interlocuteur. Enfin, fonction métalinguistique le locuteur prend le code linguistique qu'il utilise comme objet de description. Toutefois, peu importe la fonction du message transmis il est toujours question de relier l’émetteur au receveur. De ce fait, le langage, en tant qu’objet d’étude implique nécessairement sa fonction communicatrice, qui en est une composante essentielle, sans laquelle il n’est plus.

Cependant réduire le langage au rang de moyen et d’instrument de la pensée, qui aurait pour but de transmettre un message, c’est considérer qu’il est capable de rendre compte de toutes les particularités et les nuances de la pensée humaine.

II. Mais le langage ne rend pas compte de toutes les subtilités de la pensée

Les pensées sont un coffre scellé dont le langage en est la clé. Elles agissent dans le champ fermé de notre conscience, ne pouvant s’en extraire par elle-même pour toucher les autres consciences. Autrui donc ne peut en avoir la certitude et la connaissance précise que par la médiation au langage. Il est l’instrument de la pensée, dans sa volonté de transmettre un message. Le langage serait donc un outil au service de la pensée. Cette conception de la relation du langage avec la pensée semble être la plus évidente aux premiers abords et celle qui apparait la première dans notre esprit, où les idées préexisteraient les mots. Poser la question du lien qui relie pensée et langage amène nécessairement à se demander si une langue parfaite est possible. Or, certaines expressions du langage courant semblent contredire cette conception instrumentaliste du langage. Ainsi, nous disons qu’il « faut réfléchir avant de parler » ou lorsque nous « cherchons nos mots », l’idée est bel et bien présente dans notre esprit, pourtant nous peinons à trouver le mot qui lui correspond. Ces moments sont sources d’agacement, voire même d’énervement envers cet instrument imparfait qu’est le langage. Il ne parvient pas à remplir correctement sa fonction communicatrice. L’imperfection du langage ne parvient pas seulement dans ce genre de cas. Elle est courante, voire même omniprésente dans son utilisation. La transmission du message, aussi proche soit elle de la pensée, n’est jamais absolument transparente. Elle subit au cours de ce processus multitudes de pertes et de déformations. Le langage ne parvient pas à rendre compte de l’infinité de nuances de la pensée. Il n’est capable que d’attribuer, ce que Bergson nomme dans son essai sur Le Rire , des «  étiquettes  » que l’on colle sur les choses. Plus précisément, dans son essai, Bergson a porte son attention sur les différents hiatus que le langage ne parviendrait à éviter, notamment lorsqu’il est question d’états d’âmes et de sentiments. Cette dégradation du langage par rapport à la pensée repose majoritairement sur le fait qu’il est le résultat d’une œuvre collective, modelé et façonné au cours des siècles passés, et donc commun à tous, au contraire de la pensée, qui est par définition unique. De ce fait, même si nous ne cessions de l’enrichir continuellement, il ne parviendrait jamais à exprimer entièrement et fidèlement le vécu personnel de chacun. Le langage est dans l’incapacité de rendre compte de toute la singularité des états d’âmes et de nos sentiments, ne s’attachant qu’aux états généraux des choses. Cette rupture est particulièrement visible à travers ces quelques mots : « je t’aime », qui existent sous mille nuances, variant en fonction de l’histoire et du passé de chacun. De ce fait, si le langage est un outil de la pensée, il n’en est qu’un outil imparfait, perdant ainsi toute sa valeur.

Cette conception instrumentaliste du langage semble être si fermement ancrée dans nos esprits, et sans cesse renforcée par les expressions de la langue courante, que l’examen dans cette relation de réciprocité et de dépendance du langage et de la pensée s’arrête généralement à cette première idée. A partir de là, quiconque tente d’approfondir le sujet se heurte rapidement à des obstacles, voire même à des impasses. Chercher à déterminer qui du langage et de la pensée fut la cause de l’autre, provoque le même trouble que devant cette question si souvent posée : « Qui de l’œuf ou de la poule apparu en premier ? », cherchant inlassablement à mener l’interlocuteur tout droit vers une impasse. Or, dans cette première énigme, l’interlocuteur s’interrompt généralement avant d’avoir pu entrevoir l’impasse en question, avançant l’idée que le langage, en tant qu’outil de communication de la pensée, est postérieur face au signe qui le précède. Ce présupposé reste toutefois discutable. Avancer l’idée que notre esprit donne naissance aux signifiants, revient à penser que avant d’être verbalisée ma pensée était parfaitement définie et structurée, sans même avoir eu besoin de poser de mots dessus. Il arrive pourtant que nous exprimions nos pensées avant même qu’elles n’apparaissent dans notre esprit comme un tout défini au préalable. Avant d’être verbalisées, ces pensées étaient vagues et confuses. Ce sentiment apparaît plus clairement encore au cours de l’écriture d’un journal intime, ou d’une séance chez le psychologue. Ce n’est qu’une fois après avoir posé des mots sur nos états d’âmes, et plus généralement sur nos ressentis, que nos sentiments s’affirment, nous semblant moins confus qu’il ne pouvaient l’être jusqu’alors. Poser sur papier notre intériorité, nous aide à clarifier et décrire des sentiments dont nous peinions d’en définir la nature. Se livrer sur son intériorité a donc un pouvoir bien plus grand qu’il n’y parait au premier abord. Cette activité ne nous permettrait pas simplement de nos décharger d’un poids qui nous encombrerait. Elle pourrait aussi, grâce au recours aux mots, clarifier nos pensées, jusqu’à nous en faire émerger de nouvelles. C’est en tout cas la thèse soutenue par Hegel dans son essai Philosophie de l’esprit, qui constitue la troisième et dernière partie de l' Encyclopédie des sciences philosophiques . Il y avance ainsi l’idée que sans les mots, la pensée est incapable de prendre une forme définitive et aboutie. Le langage est nécessaire à la pensée. Elle se calque sur les mots pour prendre une forme fixe et compréhensible, tant de l’individu, que de ses interlocuteurs. Notre conscience ne peut se réaliser et prendre forme qu’à travers les mots. Autrement dit, je ne connais mes pensées qu’une fois que je les aient formulées sous formes de mots. La relation du langage avec la pensée en est donc davantage compliquée et ambigu, puisqu’elle flotte tout rapports de création de l’un sur l’autre. Le langage ne se définit pas seulement comme un instrument de la communication. Il a un rôle bien plus important. Il ne permet pas moins de transmettre un message que de lui donner donner une forme claire. À travers l’expression « chercher ses mots », c’est bien plus que de simples signifiants que nos cherchons, c’est notre propre pensée. Toutefois, si nous ne pouvons réduire le rôle du langage à celui de moyen, alors comment pouvons-nous le définir ?

Si le langage ne peut être réduit à sa conception instrumentaliste, ne pouvons donc pas le considérer par lui-même, c’est-à-dire comme une fin en soi ?

III. Le langage peut se considérer comme une fin en soi

Le langage a donné à l’homme un pouvoir unique. Dès lors qu’il a su le maîtriser, le monde lui est apparu différemment. Sa vision n’était plus des animaux qui entrent dans un contact direct avec la réalité. Ils sont en quelque sorte dans une présence pleine et immédiate avec leur environnement, et leurs perceptions ne font l’objet d’aucun examen ni médiation avec leur esprit. L’homme a au contraire pu accéder au monde des représentations. Le langage a eu l’effet sur lui d’une médiation avec le monde, qui sans laquelle n’existerait pas dans son esprit. Il n’aurait pas pleinement conscience des liens qui régissent ce monde et de la place auquel il prend part. Nous ne sommes pas seulement passif dans nos perceptions comme nous aurions tendance à le penser. En réalité, pour Cassirer, dans Essais sur l’homme , nos perceptions ne sont jamais seules. Elles sont toujours médiatisées par un jugement ou un symbole. Pour cela, il s’appuie des travaux de J.V. Uexküll, qui dans son essai Milieu animal et milieu humain , publié en 1921, a tenté de comprendre ce que cela faisait de percevoir en tant qu’être de raison, prenant pour y parvenir l’exemple de la tique. Ce choix s’explique par la simplicité de son fonctionnement et de sa vie. La vie de cette dernière commence par l’un des plus gros efforts qu’elle aura a faire de sa vie, c’est-à-dire monter en haut d’un arbre ou de hautes herbes puis d’attendre des jours, des semaines, voire des années, dans l’espoir qu’un mammifère passe sous la branche pour se laisser pour tomber. Ses perceptions étant extrêmement limitées, elle n’est prévenu que grâce à l’odeur de l’acide salicylique, c’est-à-dire l’acide produit par la sueur des mammifères. Cet exemple met en lumière le schéma autour duquel la vie de la tique s’organise. Il y a d’une part le pôle récepteur : les organes sensoriels. D’autre part, le système effectuer, qui correspond à des organes actentiels, ceux permettant l’action. Ce fonctionnement très restreints lui permet d’être complètement adapté à son mode de vie. Toutefois, bien qu’elle agisse de manière mécanique, ce n’est pas pour autant qu’elle est une machine. Elle reste un sujet. Cette manière d’agir, sans raisonner, s’explique par le fait qu’il n’existe pas de médiation avec ses perceptions, contrairement aux hommes. « Toute la richesse du monde entourant la tique se racornit et se transforme en un produit pauvre, composé pour l’essentiel de seulement trois signes perceptifs et trois signes actantiels : c’est son milieu (Umwelt). La pauvreté du milieu conditionne cependant la certitude de l'activité, et la certitude est plus importante que la richesse. ». Son rapport avec le monde en est donc moins riche que celui des hommes, ce qui n’en reste pas moins une chance pour elle. Au contraire, si ses perceptions se multipliaient elle risquerait de s’égarer de son but et ne posséderait plus aucune coordination. De ce fait, l’humain qui obéit à un milieu bien plus complexe fonctionne sur le même principe. Pour Cassirer l’homme est un animal symbolique et ce caractère symbolique est dû en partie à sa nature culturelle. Ce qui fait aujourd’hui parti de nous, presque comme une seconde nature, apparaît encore plus clairement dans Le miasme et la jonquille , dans lequel A. Corbain met en avant le fait que les odeurs aient été associées à un symbole. C’est ainsi que la transpiration est devenu une marque de manque d’hygiène alors qu’elle a longtemps été considérée comme un de virilité. Or, les animaux comme les chiens ne possèdent pas cette faculté. I. Pavlov prouvera ainsi que les chiens ne sont pas capables de faire de médiations mais réagissent simplement au stimuli. La présence de l’homme signifie, par exemple, pour eux, le stimuli de la nourriture. Sans le langage, l’homme retournerait donc à l’état d’animal, pas seulement pris au sens biologique mais également intellectuel. Il ne serait plus jamais capable de s’immerger complètement dans son milieu, comme il le fait aujourd’hui en lui associant des symboles.

Le langage ne se soumet donc pas simplement à la pensée dans un rapport de servitude comme nous l’avons si souvent affirmé à peine la question formulée, avec en tête les nombreuses expressions de la langue courante et nos propres préjugés. Le langage a un réel pouvoir sur la pensée. Il la fonde, ne cessant sans cesse de la modeler et de la façonner au fil du temps. La réponse à l’énigme « Qui de l’un donna naissance à l’autre ? » ne peut donner être de manière catégorie et aller en faveur de l’un plutôt que de l’autre. Il n’existe pas d’ordre précis entre signifiant et signifié, c’est-à-dire entre mots et pensée. Ce n’est pas un duel dans lequel les deux se font face. Chacun forge l’autre dans une relation de réciprocité. Notre manière de parler sera à l’origine de notre manière de penser et notre parole sera elle aussi le résultat de notre pensée. En réalité, l’homme en tant qu’être de culture est modelé par l’influence du social sur sa manière de concevoir et de penser son environnement. Autrement dit, le pouvoir immense du social et du culturel influe et s’immisce au plus profond de nous, nous conditionnant à voir et à penser les choses par rapport au groupe auquel nous nous rattachons. Ce concept de culturel tourmentera d’ailleurs les nombreux débats du siècle dernier, avec notamment l’hypothèse Sapir-Whor, portant l’idée que notre langage conditionne notre manière de penser et de percevoir. Cette hypothèse a notamment été portée par Whorlf dans « Sciences et linguistics », pour qui tous les hommes ont l’impression que leur système linguistique correspond directement à leurs perceptions et leurs pensées, comme si le langage n’était qu’un instrument qui au fond n’a aucun influence sur ce que nous percevons ou sur ce que nous pensons. Au contraire, pour Whorlf, il s’agit bel et bien d’une illusion qui viendrait nous structurer au plus profond de notre être. Cette illusion, l’homme l’a oubliée ou n’a tout simplement plus conscience du rôle joué par le système linguistique car il lui a été inculqué dès le plus jeune âge, le conditionnant ainsi dans une manière bien précise de voir le monde. Pour autant, si l’on compare différentes langues, et donc différentes cultures, entre elles, nous pouvons aisément nous rendre compte des différences dans la manière de voir le monde. Le français, qui n’a aucune racine commune avec le hopis, possède une multitude de mots pour désigner tous types d’objets volants. Or, le vocabulaire des hopis sur ce sujet est beaucoup plus pauvres puisqu’ils ne sont capables de déterminer que s’il s’agit d’un oiseau ou non. Cette pauvreté du langage est présente dans chacune des langages, même le français, qui comparé aux esquimaux ne possède pas beaucoup de vocabulaire pour désigner les différents types de neiges. Tout ceci s’expliquent par les besoins auxquels sont confrontés les différents peuples du monde, qui adaptent de ce fait leur langue à leur environnement. A travers ces exemples, Whorlf introduit un nouveau principe de relativité dans le langage, et donc la question de savoir quelle langue donne accès à la réalité et donc s’il existe une langue parfaite. Or chaque langue est une part d’un immense puzzle : celui de la réalité. Chacune d’entre elles apporte des éléments de la réalité en fonction des besoins qu’elle rencontre.

Pour conclure, le langage est bien trop souvent défini dans un rapport de servitude vis-à-vis de la pensée, qui ne lui donnerait vit que pour faire de lui un outil de la communication. Or, cette conception instrumentaliste du langage est discutable. Elle est bien trop reteinte et incomplète, n’abordent qu’un aspect de leur relation. Ne voir le langage qu’à travers sa fonction communicatrice, c’est ne pas en voir toute sa spécificité et le réduire à un simple code.

Le langage n’est pas seulement un moyen au service de la pensée, mais une fin en lui-même, notamment à travers sa faculté de représentation, qui nous permet de constituer notre monde. Les mots cachent toujours la pensée qui les a fait naitre. Pour autant, sans l’existence d’un mot, c’est-à-dire d’une caractéristique générale, serions nous capable de nous faire une idée de cette chose ? Sans mots, notre pensée ne serait sans doute jamais construite. Nous vivrions dans un monde chaotique et brouillé, dont notre seul accès ne nous donnerait le droit qu’à des impressions et des sensations floutées.

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Sujets de réflexions philosophiques : Le langage

mis à jour le 20/08/2008

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Le langage en philosophie

L’homme : un être qui parle , le propre de l’homme.

Pour Bergson, l’homme de se définit d’abord comme Homo faber fabriquant d’outils et inventeur de techniques. Mais pour un linguiste comme Claude Hagège, il est plus fondamentalement encore un Homo loquens , “homme de paroles”. L’homme est avant tout un être qui parle, mais la parole est-elle vraiment l’apanage de l’homme ?

Les animaux peuvent en effet eux-aussi émettre des signaux par lesquels ils échangent des informations tout comme les humains. Dans une étude célèbre intitulée Vie et mœurs des abeilles , le zoologiste autrichien Karl von Frisch a montré par exemple qu’une abeille peut signaler à ses congénères la direction et la distance de la nourriture par des danses dans l’orientation et la vitesse varie. Mais s’agit-il ici d’un langage ? D’abord le “message” des abeilles est biologiquement déterminé, inné dans l’espèce, et les informations transmises sont limitées à quelques situations bien définies. Ensuite, à un message, les abeilles ne répondent pas par un autre message, ce qui serait le propre de la communication, mais elles répondent par un autre message. Enfin, le message des abeilles ne se laisse pas analyser, tandis que les énoncés du langage humain se laissent décomposer en éléments (unités grammaticales et unité sonores) qui peuvent se combiner d’une infinité de manière.

Seul l’homme peut à tout moment composer de nouvelles phrases, comprendre un discours jamais prononcé auparavant. Grâce à un référentiel de signes commun, l’homme peut véritablement entrer en contact avec autrui en s’adressant à lui pour lui exprimer ses pensées. Descartes le premier a mis l’accent sur cet aspect inventif de la parole, qui témoignent de la plasticité de la raison humaine : cet instrument universel qui peut servir en toutes sortes de rencontre.

La question des origines

La parenté entre la raison et le discours est d’ailleurs frappante dans la langue grecque, qui les désigne toutes les deux par un même mot, logos . L’homme, animal rationnel, est en même temps un animal parlant. La question de l’origine des langues, abondamment débattue par les philosophes du XVIII siècle, soulève les mêmes difficultés que celle de l’origine de la pensée rationnelle. Comment les langues ont-elles été instituées ? Rousseau, qui suppose un état de nature dans lequel les hommes n’auraient eu nul besoin de communiquer, se heurte à des difficultés insurmontables lorsqu’il cherche à fonder l’invention des langues sur le progrès de la pensée dans son Essai sur l’origine des langues .

L’idée d’un premier homme qui vint à parler en brisant le silence, est vraisemblablement une fiction. L’origine des langues se confond avec l’origine même de l’homme. On ne saurait imaginer une société sans langage qui un jour se serait mise à parler.

Le langage, véhicule de toute culture

Le langage est le véhicule de toute culture. L’homme ajoute à la nature ce qu’il ne reçoit pas par hérédité, mais par apprentissage : le savoir technique et scientifique, les règles morales du groupe, les rites religieux, etc…

Mais le langage n’est pas un élément de la culture parmi d’autres. Les valeurs et les savoirs acquis par l’enfant, ce sont d’abord des paroles qu’il entend. En même temps que sa langue maternelle, l’homme apprend les symboles qui structurent la vision du monde propre à la culture du groupe auquel il appartient. Chaque langue correspond à une certaine façon de s’approprier le réel et de l’organiser : on pense avant tout avec sa langue. Comme le dit le linguiste Emile Benveniste : “nous pensons un univers que notre langage a d’abord modelé”. Cela explique pourquoi certains mots ou expressions sont difficiles à traduire d’une langue à l’autre.

Do language and culture impact the way we take turns talking? - ALTA  Language Services

Les fonctions du langage

Un instrument de communication.

Le langage est avant tout un instrument de communication. La parole est donc le signe distinctif de l’homme, animal social. S’il est vrai que la société humaine est fondé sur l’échange ; l’échange des mots est sans doute premier par rapport à l’échange des biens et des services. “Discutons d’abord”, tel est le préalable à toute transaction, mais aussi à toute action impliquant plusieurs personnes dans un projet commun.

Le langage apparaît donc comme un instrument nécessaire pour rendre ses demandes accessibles à autrui et être informé des siennes. Pour Merleau-Ponty , le langage ne fait pas partie du monde, il est structurant du monde : le monde est déjà investi par le langage, un monde parlé et parlant. Même lorsque je parle pour ne rien dire, j’établis une relation avec l’autre, une complicité en puisant dans un référentiel  de signes qui nous sont communs à l’un comme à l’autre.

L’expression de la pensée

Le langage n’est pas seulement au service de la communication ; il a aussi une fonction expressive. Il me permet, même en l’absence d’un destinataire, de donner corps à mes propres pensées. Déjà, définissait la pensée comme “un discours que l’âme se tient à elle-même”. Mais pense-t-on réellement avec les mots ? Est-ce que ce n’est pas la pensée qui précède le langage. Cela m’apparaît lorsque je cherche mes mots, quand je n’arrive pas à exprimer une idée d’une manière satisfaisante.

Néanmoins, pour Bergson , “la pensée demeure incommensurable avec le langage”. Certes le langage convient pour désigner des objets matériels juxtaposés dans l’espace ; à la multiplicité infini des choses, il substitue des mots des mots en nombres limités, ce qui est très commode pour l’action matérielle des hommes aux prises avec le monde. Mais ces “étiquettes” que sont les mots ne peuvent rendre compte de la richesse de la vie intérieure qui constitue peut-être un indicible.

Pour Hegel au contraire, il n’y a pas de pensées véritables hors du langage. Par les mots, le sujet donne une formule objective de ses pensées et les rends accessibles à sa propre conscience. Hegel démystifie ici l’ineffable, ce quelque chose si riche, si nuancé, qu’il ne peut pas encore être dit. Mais l’ineffable n’est pas ce qui ne se dit pas, mais ce qui va se réaliser dans le dire ; ” c’est la pensée obscure, la pensée à l’état de fermentation, et qui ne devient claire que lorsqu’elle trouve le bon mot”.

Le pouvoir des mots

A cette fonction expressive se rattache la fonction magique du langage. Le mot en se détachant de la chose paraît aisément la dominer, la gouverner. Il peut dire ce qui n’est pas encore, ressuscite ce qui a disparu. Le mythe c’est, d’après l’étymologie grecque ( muthos ) la parole elle même. La force créatrice de la poésie tient sans doute à cette magie des mots. Le simple fait de nommer fait être.

Mais le langage sert également a agir sur autrui. On peut, avec de simples mots, obtenir de l’autre un service, le flatter, lui faire peur ou encore le blesser. C’est la maîtrise de ce pouvoir qui, durant l’Antiquité, a fait la fortune des sophistes. Ces ”maîtres d’habileté” (selon l’étymologie) enseignaient contre rétribution l’art de bien parler la rhétorique, en un temps où la maîtrise du discours était indispensable pour convaincre les foules dans les tribunaux ou dans les assemblées démocratiques. Le langage possède une dimension incantatoire et peut aisément devenir un outil de manipulation ou un instrument de domination. Il est capable d’après le célèbre sophiste Gorgias de charmer l’âme de l’auditeur et d’en changer les dispositions à volonté en suscitant haine, colère, joie ou tristesse.

Le pouvoir des mots - Nos Pensées

Le langage, un système de signes

Langue et parole.

Le père de la linguistique, Ferdinand de Saussure, propose une distinction très féconde entre la langue et la parole. Le langage, selon lui, a un coté social et un coté individuel. D’un côté le langage est une langue, c’est à dire un référentiel de signes déterminé par des conventions sociales dont les règles et les normes sont adoptées partout dans le but de favoriser la compréhension de tous. D’autre part, le langage est avant tout parole ou expression qui n’est plus de l’ordre de la simple passivité, mais de l’activité. Chaque parole est une invention propre à celui qui la profère.

Saussure montre a travers le fait social qu’est la parole, l’importance de distinguer langue et langage. Il montre que “le fait de parole précède toujours”. Historiquement ce sont les paroles échangées par les hommes qui font émerger la langue. Ce sont les enfants qui, en entendant parler, apprennent les codes particuliers de la langue maternelle. Enfin, c’est bien par la parole qui, en s’affranchissant parfois des règles ou en forgeant de nouveaux mots fait évoluer la langue.

L’arbitraire du signe

Dans son Cours de linguistique générale , Saussure définit la langue comme “un système de signe exprimant des idées”. Mais quelle est la nature du signe linguistique ? Pour Saussure, il est une entité double qui unit, non pas une chose et un nom, mais un concept et une image acoustique respectivement appelé signifié et signifiant. Ce lien qui unit signifiant et signifié à l’intérieur du signe est arbitraire. Cela veut dire que chacun peut employer le signifiant de son choix, il n’y a aucun rapport de motivation ou de ressemblance entre signifiant et signifié. “L’idée de sœur n’est liée par aucun rapport intérieur avec la suite de sons s-œ-r qui lui sert de signifiant”. La langue se compose d’un ensemble de signe linguistiques.

Mais en quoi ces signes forment-ils un système ? En ce qu’ils sont organisés les uns par rapport au autres et qu’ils ne sont délimités par rien d’autre que leurs relations mutuelles. Ainsi la réalité de chaque signe est inséparable de sa situation particulière au sein du système et sa valeur résulte su réseau de ressemblances et de différences qui situe ce signe par rapport aux autres. Le mot “redouter” par exemple, n’obtient sa valeur propre que par opposition à ses concurrents comme “avoir peur”, “craindre” etc…

Nous pouvons faire une analogie avec le jeu d’échec. Sur l’échiquier, chacune des pièces prise isolément, ne représente rien ; elle n’acquiert sa valeur que dans le cadre du système qu’elle forme avec les autres pièces et relativement à leur valeur respective. Le propre d’un signe, par conséquent, c’est d’être différent d’un autre signe. Ainsi, dans la langue, il n’y a que des différences.

Saussure, cent ans avant l'imagerie cérébrale - Le Temps

Le langage humain est l’aptitude à inventer et à utiliser intentionnellement des signes à des fins de communication. Tout langage constitue un système de signes arbitraires où chaque signifiant n’a pas de valeur en soi mais seulement relativement aux autres. Le langage est un système ouvert car à partir des règles syntaxiques, de quelques milliers de mots et d’une vingtaine de sons, je peux faire des phrases toujours nouvelles, je peux comprendre des discours que je n’avais jamais entendus. Grâce au langage, disait Descartes, “la raison humaine est un instrument universel qui peut servir en toutes sortes de rencontre”.

Définitions et citations sur le langage :

– Marx et Engels : “Le langage est la conscience réelle, pratique, existant pour d’autres hommes” (Idéologie allemande)

– Saussure : “La langue est pour nous le langage moins la parole” (Cours de linguistique générale)

– Bergson : “Le langage fournit à la conscience un corps immatériel où s’incarner” (L’évolution créatrice)

– Wittgenstein : “La totalité des propositions est le langage” (Tractatus logico-philosophicus)

– Sartre : “Par langage nous entendons tous les phénomènes d’expression et non pas la parole articulée qui est un mode dérivé et secondaire” (L’Etre et le Néant)

– Lévi-Strauss : “Le propre du langage est d’être un système de signes sans rapports matériels avec ce qu’ils ont pour mission de signifier”

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Le langage déforme-t-il la pensée ?

Centres étrangers 2023 • Dissertation

Sprint final

phiT_2306_06_01C

Centres étrangers • Juin 2023

Le langage déforme-t-il la pensée ?

dissertation

4 heures

20 points

Intérêt du sujet • Les élèves qui interviennent en cours observent parfois un décalage entre l’idée qu’ils avaient et ce qu’ils disent. De fait, il nous arrive souvent d’avoir du mal à formuler ce que nous pensons. Faut-il en conclure que nos mots sont impuissants à exprimer notre pensée, voire qu’ils la trahissent ?

Les clés du sujet

Définir les termes du sujet.

En un sens large, le langage désigne tout système de signes et de règles permettant la communication ou l’expression.

En un sens plus précis, il s’agit de la capacité d’inventer et d’utiliser des systèmes de signes conventionnels que l’on appelle des langues.

Une déformation correspond à un changement de forme.

Mais une chose déformée n’est pas seulement transformée : ce changement trahit la forme première, la dénature.

La pensée désigne un acte de notre esprit par lequel nous enchaînons des propositions ou des idées.

Une pensée correspond également au résultat de cet acte.

Dégager la problématique

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Construire un plan

Tableau de 3 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 3 lignes ;Ligne 1 : 1. Le langage donne sa forme à la pensée; Cherchez la définition du logos. Quels sont ses deux sens ?L’ineffable existe-t-il vraiment ? Demandez-vous ce que signifierait prendre conscience de nos pensées sans le langage.; Ligne 2 : 2. Le langage déforme notre pensée; Mais comment exprimer une pensée singulière en utilisant des mots communs à tous ?Selon Bergson, le langage fausse et simplifie la pensée. Appuyez-vous sur le repère universel/général/singulier/particulier pour développer cet argument.; Ligne 3 : 3. Nous pouvons lutter contre la dénaturation de nos pensées; Mais comment peut-on utiliser le langage pour lutter contre cette tendance du langage ?Peut-on repousser ses limites ? Pensez à des usages différents du langage, comme la poésie ou la traduction.;

Les titres en couleurs et les indications entre crochets servent à guider la lecture mais ne doivent en aucun cas figurer sur la copie.

Introduction

[Reformulation du sujet] Nos paroles reflètent-elles fidèlement nos pensées ? A priori , le langage semble être le moyen d’exprimer nos pensées en leur donnant une forme extérieure à nous. Pourtant, nous faisons parfois l’expérience d’une impuissance à exprimer ce que nous pensons : une fois formulée, notre idée nous semble changée ou appauvrie. Comment expliquer cet écart ? [Définition des termes du sujet] Le langage désigne tout système de signes et de règles permettant la communication ou l’expression. Dans un sens plus précis, il s’agit aussi du pouvoir d’inventer et de faire usage des systèmes de signes conventionnels que l’on appelle des langues. Déformer une chose c’est la transformer en la dénaturant. La pensée est un acte de notre esprit ainsi que le résultat de cet acte. [Problématique] Notre langage est-il capable de saisir cette réalité intérieure ou la dénature-t-il ? [Annonce du plan] Nous verrons, dans un premier temps, que le langage donne sa forme à la pensée, avant d’expliquer en quoi il la limite et la fausse. Mais n’avons-nous pas le pouvoir de lutter contre cette déformation ?

1. Le langage donne sa forme à la pensée

A. la pensée est un langage.

Dans un premier temps, il semble difficile de considérer que le langage puisse déformer la pensée, dans la mesure où ceci supposerait qu’elle puisse exister avant lui. Or, comment se représenter une pensée informulée ?

Qu’il soit difficile d’admettre une dissociation du langage et de la pensée, c’est ce dont rend compte le terme grec de logos , désignant à la fois la pensée rationnelle et le langage . De fait, il semble que ma pensée se déploie en moi comme un langage : mes idées s’enchaînent selon une même logique.

Mais comment se fait-il, alors, que nous fassions parfois l’expérience d’un échec du langage face à notre pensée ? D’où vient cette impression que certaines pensées sont ineffables , impossibles à formuler ?

B. Nous pensons dans et par le langage

Cette expérience pourrait ne manifester que la confusion d’une pensée inaboutie. C’est ce qu’explique Hegel en critiquant l’idée romantique selon laquelle certaines pensées seraient par essence au-dessus du langage. L’ineffable, dit-il, « c’est la pensée obscure , la pensée à l’état de fermentation, et qui ne devient claire que lorsqu’elle trouve le mot. » Autrement dit, quand je ne parviens pas à dire ce que je pense, c’est que cette pensée, n’étant pas prête, ne peut trouver sa « forme objective », à savoir le mot qui lui correspond.

Dans La philosophie de l’esprit , Hegel explique que la pensée n’a de consistance que dans les mots, et que la réalité n’a de sens que par la médiation du langage.

De fait, admettre que la pensée préexiste aux mots, c’est dire que nous pourrions prendre conscience de nos pensées sans qu’elles soient formulées. Or, dit Hegel, non seulement nous ne prenons conscience de nos pensées que par le langage, mais nous pensons dans et par lui. En d’autres termes, le langage participe pleinement de l’élaboration de la pensée.

[Transition] Mais, pourquoi une pensée devrait-elle être claire ? La pensée qui remue en moi et que je ne parviens pas à exprimer n’en est-elle pas une ?

2. Le langage déforme notre pensée

A. le langage généralise.

Dire que le langage ne déforme pas notre pensée car aucune pensée ne lui préexiste, c’est affirmer que la seule pensée qui vaille est la pensée médiate , et non la pensée immédiate ou intuitive dont je fais l’expérience quand je n’arrive pas à trouver mes mots.

définitions

Est médiat , ce qui suppose un intermédiaire, est immédiat ce qui est donné ou connu sans intermédiaire.

Or, cette pensée intuitive existe : Hegel lui-même l’admet, tout en lui opposant la vraie pensée, à savoir la pensée claire issue de l’entendement. Mais pourquoi dévaloriser ainsi la pensée obscure, mouvante, dont nous faisons pourtant l’expérience intime, en même temps que nous éprouvons la déception de ne pouvoir la saisir par notre langage ? C’est la question qu’aborde Bergson dans Le rire , en soulignant la vivacité de cette pensée première dont le langage, généralisant , est impropre à saisir la singularité .

Est universel ce qui appartient à tous sans exception, général ce qui appartient à un groupe, particulier ce qui est propre à l’élément d’un groupe, et singulier ce qui est unique.

La fonction première du langage étant de communiquer , il rend communes les nuances de nos pensées et les écrase nécessairement, en les réduisant à des « étiquettes » : les mots. Aussi n’est-il jamais le véhicule neutre de la pensée : il nie son mouvement en la fixant dans des mots généraux. Plus qu’ impuissant à saisir mes pensées, le langage, dit Bergson, est coupable en ce qu’il les fausse et les simplifie.

B. Les langues enferment notre pensée

Victimes du langage, nos pensées sont par ailleurs enfermées dans le vocabulaire d’une langue qui découpe le réel selon ses besoins propres : si je pense selon le langage , je pense aussi selon ma langue particulière et la gamme de vocabulaire qu’elle m’offre. Combien de nuances de blanc ne puis-je percevoir parce que la langue française s’est développée dans un climat où la neige est rare ? Combien de pensées restent étouffées en moi parce que ma langue ne me permet pas de les formuler ?

[Transition] Mais alors, s’il existe bien une forme première de la pensée que mon langage déforme, sommes-nous nécessairement condamnés à nous heurter à l’ineffable, voire au silence ?

3. Nous pouvons lutter contre la dénaturation de nos pensées

Le secret de fabrication.

La troisième partie correspond à un dépassement de la deuxième : après avoir établi que notre pensée peut être déformée par le langage, on montre qu’il est cependant possible de lutter contre cette tendance.

A. Il faut élargir notre cadre de pensée

La difficulté consiste à penser les conditions d’une lutte contre une dérive du langage à l’intérieur du langage lui-même. Comment faire pour libérer nos pensées du carcan de la langue , et les exprimer sans en perdre l’éclat ?

Apprendre plusieurs langues, par exemple, nous permet d’élargir le cadre perceptif dans lequel se déploie notre pensée. La traduction , en ce qu’elle n’est jamais la superposition d’une langue à une autre, correspond alors à l’expérience concrète d’un supplément de pensée . C’est un effort permanent, ponctué d’échecs, pour restituer au moyen du langage la force d’une pensée qui s’énonce dans un tout autre cadre.

B. La rhétorique et la poésie permettent de redonner vie au langage

Mais cette lutte, dit Nietzsche, suppose plus précisément que nous renoncions à énoncer nos pensées de façon transparente, à dire la vérité de ce que nous pensons. Pour court-circuiter le langage qui fausse et rend communes nos pensées les plus complexes, nous pouvons, dit-il, mobiliser les ressources rhétoriques et poétiques du langage. Ce sont ces usages du langage qui, de fait, visent non pas à dire ce qui est conforme à la réalité , mais à produire des impressions sur les autres.

La rhétorique désigne l’art du discours, l’ensemble des procédés visant à persuader un auditoire en ne s’adressant pas à sa raison mais directement à sa sensibilité.

La poésie, dit Nietzsche, est ainsi une tentative de rendre à la langue sa vie . Elle s’appuie en particulier sur le rythme, qui nous permet de nous élever au-delà du sens et qui restitue la force des impressions que le langage dénature. Par la poésie, nous pourrions donc rendre au langage sa puissance expressive originaire .

En définitive, si nous reconnaissons qu’il existe en nous des pensées intuitives, nous devons admettre que le langage est, en vertu de sa généralité et du fait qu’il s’exerce dans le cadre d’une langue, impropre à les saisir. Exprimer nos pensées sans les trahir impliquerait alors de faire un usage esthétique de la langue, visant à communiquer immédiatement l’impression que nos pensées ont produite sur nous.

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  • Philosophie
  • Cours : Le langage

Le langage Cours

Le langage est avant tout une faculté propre à l'homme, il paraît inaccessible aux animaux. Cela conduit donc à s'interroger sur le lien entre le langage et la pensée : le langage joue-t-il un rôle dans l'élaboration de la pensée humaine ? On parle également de pouvoir du langage : certaines paroles sont des actes. Par ailleurs, la maîtrise du langage est un pouvoir : elle permet de persuader et convaincre les autres, de les dominer.

Le langage, propre de l'homme

Le langage désigne la parole humaine et s'oppose à la communication animale. C'est l'expression de la raison de l'être humain.

Définir le langage

Le mot « langage » vient du latin lingua , qui désigne la langue en tant qu'organe mais aussi en tant que parole. Le linguiste Saussure s'est intéressé à la construction du langage dont il a analysé la structure.

Le langage est un système de signes qui a pour fonction de transmettre un message. On parlera ainsi du langage informatique ou bien du langage du corps : dans ces deux cas, il s'agit d'insister sur le fait que le langage est le support qui permet de transmettre une information.

Mais la notion de langage peut aussi s'entendre en un sens plus restreint. Le langage renvoie à la capacité proprement humaine de constituer une langue, c'est-à-dire un mode de communication d'information partagé entre plusieurs personnes et rendant possible la communication et la compréhension. Lorsque l'on se réfère à ce sens du langage, on peut mettre en évidence deux éléments indispensables à sa constitution :

  • La pensée : pour qu'il y ait un langage, il faut un individu doué de conscience, c'est-à-dire qui puisse parler et faire un lien entre ce qui est dit (le son) et ce qui est exprimé (l'idée).
  • La vie en société : pour qu'il y ait langage, il faut s'adresser à un autre. Un homme vivant seul ne développera pas de langage, puisque celui-ci suppose la communication d'une idée à autrui.

Le linguiste Ferdinand de Saussure s'est intéressé à la question de la construction du langage, qu'il étudie notamment dans ses Cours de linguistique générale . Il met en évidence trois principes généraux :

  • Les signes linguistiques sont constitués par l'association d'un signifié (un contenu de pensée) et d'un signifiant (une suite de sons).
  • Cette association est conventionnelle et arbitraire.
  • Le langage est une structure (un système de signes) et les signes n'ont pas de valeur indépendamment les uns des autres mais par leurs relations d'opposition.

« La langue est comparable à une feuille de papier : la pensée est le recto et le son le verso. »

Ferdinand de Saussure

Cours de linguistique générale

En comparant le langage à une feuille de papier, Saussure souhaite mettre en évidence l'articulation de deux éléments au sein du langage :

  • un son déterminé, le signifiant ;
  • une idée ou une chose qui est exprimée, le signifié.

La communication animale : les différences entre les signes du langage et les signaux animaux

Dire que le langage est proprement humain signifie que les formes de communication animale ne sont pas des formes de langage. En effet, même si les animaux communiquent entre eux, on ne considère pas cela comme un langage. Pour expliquer cette affirmation, il faut d'abord distinguer les notions de signe et de signal.

Un signal est un fait physique provoquant une réaction automatique chez celui qui le constate.

Par exemple, le cri de l'animal prévenant ses congénères est un signal, car il est programmé à l'avance et non intentionnel (un animal ne choisira pas de ne pas signaler l'approche d'un prédateur).

Pour qualifier la communication animale, on parlera de signal : le signal est relatif à l'instinct. Ainsi, un animal peut émettre des signaux pour transmettre des informations à ses congénères, mais ils sont limités. De même, les réactions des animaux aux signaux sont déterminées à l'avance. Les signaux envoyés comme les réactions qu'ils suscitent sont donc toujours identiques. Autrement dit, aucun dialogue ne s'instaure entre les animaux : la transmission est limitée à des informations liées à un programme génétique. L'animal n'est donc pas capable d'émettre un signe, qui suppose une intention volontaire.

L'homme, à l'inverse, possède la capacité d'instaurer un dialogue avec ses congénères : en ce sens, chaque prise de parole est unique, c'est-à-dire qu'elle exprime chaque fois une pensée singulière et originale. En dépit du fait qu'il comporte un nombre fini de signes, le langage humain est infiniment riche : n'importe quelle pensée peut trouver une expression dans la langue, quand bien même elle n'aurait jamais été exprimée avant.

Un signe est un signal intentionnel.

La fumée ne signifie pas de manière intentionnelle qu'il y a du feu, donc elle n'en est pas le signe. Au contraire, un homme faisant un signe de bienvenue exprime intentionnellement quelque chose : il pourrait ne pas l'exprimer, ou exprimer autre chose.

Le langage comme expression de la raison de l'homme

Le langage est proprement humain parce qu'il est la seule expression certaine et indubitable de la pensée de l'homme. Autrement dit, le langage est le seul signe certain de la présence d'une pensée et d'une raison dans un corps.

Cette idée, René Descartes la met en évidence en comparant les animaux et les humains.

« Car c'est une chose bien remarquable, qu'il n'y a point d'hommes si hébétés et si stupides, sans en excepter même les insensés, qu'ils ne soient capables d'arranger ensemble diverses paroles, et d'en composer un discours par lequel ils fassent entendre leurs pensées ; et qu'au contraire il n'y a point d'autre animal tant parfait et tant heureusement né qu'il puisse être, qui fasse le semblable. Ce qui n'arrive pas de ce qu'ils ont faute d'organes, car on voit que les pies et les perroquets peuvent proférer des paroles ainsi que nous, et toutefois ne peuvent parler ainsi que nous, c'est-à-dire, en témoignant qu'ils pensent ce qu'ils disent ; au lieu que les hommes qui, étant nés sourds et muets, sont privés des organes qui servent aux autres pour parler, autant ou plus que les bêtes, ont coutume d'inventer d'eux-mêmes quelques signes, par lesquels ils se font entendre à ceux qui, étant ordinairement avec eux, ont loisir d'apprendre leur langue. Et ceci ne témoigne pas seulement que les bêtes ont moins de raison que les hommes, mais qu'elles n'en ont point du tout. »

René Descartes

Discours de la méthode

Descartes montre que malgré le fait que les animaux possèdent les organes propres à la parole (puisque le perroquet peut imiter à la perfection le langage humain, mais seulement pour ce qui concerne l'articulation des sons), ils sont incapables de constituer un langage qui exprimerait des pensées. À l'inverse, Descartes insiste sur le fait qu'aucun homme, « même le plus stupide » dit-il, ne se passe de l'usage du langage. Tous les hommes expriment, par le langage, des pensées. La différence entre la communication animale et le langage humain est donc la suivante : tandis que les animaux ne peuvent qu'exprimer des besoins, liés à l'instinct, l'homme peut exprimer sa pensée grâce au langage. L'animal agit selon les lois de la nature : il peut bien communiquer une émotion, mais il est incapable d'exprimer une pensée. Ceci est mis en évidence par le contre-exemple du muet : privé de l'organe de la parole, le muet peut néanmoins utiliser un système de signes pour exprimer ses pensées. Ainsi, le langage n'est pas dépendant du corps (possession des organes permettant de parler) mais lié à la pensée.

Le langage est une faculté qui ne dépend pas du corps, mais de l'esprit : on ne trouve cette faculté que chez l'homme. Ainsi le langage humain est un ensemble de signes qui peuvent être assemblés d'une infinité de manières, et qui permet d'exprimer des pensées.

Le rôle du langage dans l'élaboration de la pensée humaine

Le langage joue un rôle dans l'élaboration de la pensée humaine dont on peut dire qu'il est le support. Toutefois, certaines pensées sont intraduisibles par le langage, c'est ce que l'on appelle l'ineffable.

Le langage comme support de la pensée

Le langage permet de fixer la pensée, c'est le matériau premier pour élaborer une pensée.

Si le langage est un système de signes liant entre eux des mots et des idées et qui « fait sens » pour un sujet, il importe de s'interroger sur le rôle que joue le langage dans l'élaboration de la pensée.

Le philosophe anglais Thomas Hobbes s'est intéressé à cette question.

« Le premier usage des dénominations est de servir de marques ou de notes en vue de la réminiscence. »

Thomas Hobbes

Pour Hobbes, la fonction première du langage est donc de fixer les pensées afin de pouvoir les réutiliser, mais aussi de les enrichir.

Les mots ont pour fonction de servir de repères afin que nous puissions nous rappeler nos propres pensées. En effet, sans le langage qui permet de les fixer, nos pensées tomberaient sans cesse dans l'oubli au moment même où elles apparaissent. En ce sens, il serait impossible de leur donner une forme stable. Le langage nous permet donc de donner une forme fixe à la pensée : c'est grâce à lui qu'il nous est possible de nous souvenir de ce que nous avons pensé.

Si les mots permettent de fixer les idées, il est possible d'imaginer que la pensée ne saurait exister si elle ne pouvait s'exprimer dans la forme du langage.

Autrement, les pensées seraient insaisissables, n'auraient pas de forme, si le langage n'intervenait pas. C'est ce que souligne Émile Benveniste.

« La pensée se réduit sinon exactement à rien, en tout cas à quelque chose de si vague et de si indifférencié que nous n'avons aucun moyen de l'appréhender comme "contenu" distinct de la forme que le langage lui confère. La forme linguistique est donc non seulement la condition de transmissibilité, mais d'abord la condition de réalisation de la pensée. »

Émile Benveniste

Problèmes de linguistique générale

© Gallimard, collection Bibliothèque des Sciences humaines, 1966

Autrement dit, on ne pourrait pas penser quelque chose sans le formuler par des mots. Le langage ne ferait pas qu'exprimer la pensée : il la constituerait.

De ce point de vue, croire qu'une pensée ne peut être exprimée par le langage serait en réalité le signe d'une indétermination de cette idée. Les mots seraient donc toujours clairs : seule la pensée peut n'être pas assez précise pour pouvoir être traduite en langage. Ainsi, loin de ne constituer qu'un outil permettant d'exprimer nos pensées, le langage serait le matériau même au sein duquel toute pensée peut exister.

L'ineffable : les pensées intraduisibles par le langage

Si la pensée semble bien ne pouvoir s'exprimer qu'à travers le langage, il est possible de se demander si tout ce qui existe, tout ce qui est pensé, peut être adéquatement exprimé par le langage. Certaines choses sont difficiles à exprimer : c'est ce que l'on appelle l'ineffable.

C'est le cas dans le domaine des sentiments. C'est également le cas lorsqu'on dit qu' il n'y a pas de mots pour exprimer l'inconcevable (un acte, une situation d'une horreur extrême).

Henri Bergson s'est notamment interrogé sur cette inadéquation possible entre les mots et la pensée qu'ils devraient pouvoir exprimer. Selon lui, la fonction du langage est avant tout utilitaire : il doit permettre de guider l'action, il est donc tourné vers l'extérieur et ne permet pas de rendre compte de toutes les nuances des états de conscience.

« Chacun de nous a sa manière d'aimer et de haïr, et cet amour, cette haine, reflètent sa personnalité tout entière. Cependant le langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes ; aussi n'a-t-il pu fixer que l'aspect objectif et impersonnel de l'amour, de la haine, et des mille sentiments qui agitent l'âme. »

Henri Bergson

Essai sur les données immédiates de la conscience

Ce que montre Bergson dans cette citation, c'est le décalage entre un mot, qui est toujours général, commun, et la réalité singulière qu'il vient désigner. Ainsi, le mot « amour » est général et ne permet pas de rendre compte des mille et une façons dont ce sentiment peut être vécu.

Alors que la réalité est toujours singulière, unique, les mots sont communs : ils permettent de désigner génériquement une chose. En ce sens, ils sont toujours trop généraux pour pouvoir rendre compte du caractère singulier d'une chose, et en particulier des pensées d'un individu. C'est pourquoi, selon lui, les formes les plus profondes de la pensée sont ineffables : on ne peut les saisir que par une intuition non discursive, c'est-à-dire que l'on ne peut les percevoir qu'immédiatement, sans la médiation du langage.

Le pouvoir du langage

Le langage a un pouvoir : parler, c'est agir, on peut dire qu'il y a des actes de langage. La maîtrise du langage mène à la prise de parole et permet de convaincre ou de persuader les autres. Le langage est un marqueur social dans ce sens, celui qui parle bien a du pouvoir sur celui qui parle moins bien. Ainsi, le langage devient un outil de domination.

Les actes de langage

Le langage fait plus que transmettre ou énoncer une idée, on peut dire que la parole est créatrice et permet d'agir.

En effet, le langage a une force qui permet au locuteur d'avoir des effets sur le monde extérieur : c'est la signification de l'expression « acte de langage ».

Un acte de langage est un moyen mis en œuvre par un locuteur pour agir sur son environnement par ses mots : il cherche à informer, inciter, demander, ou encore convaincre par ce moyen.

Ainsi, la promesse est un acte de langage : elle a des effets sur le monde, elle accomplit quelque chose.

Il y a donc des énoncés qui, au lieu de rapporter un événement, constituent eux-mêmes l'événement qu'ils désignent. Ce type d'énoncés, le philosophe John Austin les appelle « énoncés performatifs ». Un énoncé performatif est un énoncé qui fait advenir quelque chose. Les énoncés performatifs s'opposent aux énoncés constatifs, qui eux se contentent de rapporter un état de choses.

Austin utilise les exemples suivants :

  • Lorsqu'une personne, à la mairie ou à l'autel, dit « Oui [je le veux] », elle ne fait pas que le reportage d'un mariage : elle se marie.
  • Lorsque quelqu'un dit « Je baptise ce bateau le Queen Elisabeth », comme on dit lorsque l'on brise une bouteille contre la coque d'un bateau, il ne décrit pas seulement quelque chose ou une situation, son énoncé réalise par lui-même une action.

L'énoncé performatif n'est ni vrai ni faux. Il obéit à d'autres critères :

  • Ainsi, le « oui » du mariage ne fait advenir quelque chose que s'il est prononcé au cours de la cérémonie du mariage. Il a alors valeur de serment et rend effective l'union.
  • L'énoncé « la séance est ouverte » ne réalise son action que s'il est prononcé par le président de séance. S'il n'est pas prononcé par une personne habilitée à le faire, il sera sans effet.
  • Enfin, une promesse qui n'est pas sincère sera sans effet.

Il y a donc bien un pouvoir des mots, qui consiste à réaliser des actions par le simple fait de prononcer une parole. Toutefois, ce pouvoir n'est pas absolu : pour être effectif, il doit répondre à des conditions spécifiques.

La maîtrise du langage

Comprendre le pouvoir du langage suppose que l'on s'intéresse à un autre aspect de son fonctionnement : le langage comme parole. Maîtriser le langage, être à l'aise à l'oral, c'est avoir du pouvoir sur les autres, pouvoir les convaincre et les persuader.

En effet, le langage est aussi l'acte même de parler. Il existe une différence essentielle entre la langue et la parole :

  • La langue est une institution commune à un groupe : elle est sociale.
  • La parole renvoie à la performance individuelle.

Langue et parole ne sont pas équivalentes : si le langage est extérieur à l'individu, s'il s'apprend, la maîtrise de la langue ne sera pas la même pour tous. Puisque les deux ne sont pas équivalents, la maîtrise du langage dépend de chaque individu. Or, cette maîtrise est décisive : parce qu'une pensée claire s'exprime par des mots précis, alors le mauvais usage du langage prouve une insuffisance de la pensée.

Le langage mène à la prise de parole, et cette prise de parole n'est pas la même pour tous. Certains individus sont plus à l'aise à l'oral que d'autres, et de plus la rhétorique, qui dépend de critères sociaux et culturels, n'est pas forcément maîtrisée de la même façon par tous.

Le langage comme marqueur social

Par la prise de parole, par la maîtrise de la langue, l'individu s'exprimant prend, en quelque sorte, le pouvoir. Le pouvoir dont témoigne le langage n'est en définitive qu'une des manifestations de la hiérarchie sociale.

Il apparaît en effet souvent que la maîtrise de la langue peut permettre à un individu de manifester une forme de supériorité. D'ailleurs, les différentes maîtrises du langage renvoient généralement à des différences sociales. Par exemple, l'utilisation d'un vocabulaire très spécifique et inaccessible est une manière de manifester sa supériorité et sa culture.

C'est ce que souligne le sociologue Pierre Bourdieu : pour lui, le langage n'est pas seulement un instrument de communication, mais aussi une manifestation symbolique de pouvoir.

Lorsqu'une personne prend la parole, elle exprime toujours plus qu'un simple contenu informatif : le ton de sa voix, l'accent, le choix des mots, tous ces éléments constituant la manière de dire quelque chose exprime aussi la valeur de ce que l'on dit. Ainsi, choisir un mode d'expression (l'argot, le verlan, le français conventionnel ou soutenu) c'est en même temps exprimer une appartenance sociale, c'est se classer.

Le pouvoir symbolique d'un certain langage n'est donc que le reflet d'un pouvoir qui s'exerce sur le plan social. Le pouvoir du langage, son efficacité, vient donc du pouvoir social, de la reconnaissance sociale. Ainsi, si la langue est un instrument de pouvoir, alors prendre la parole est en un sens prendre le pouvoir.

Le langage comme outil de domination

Le langage peut donc se révéler dangereux et devenir un outil de domination. Puisque le langage peut véhiculer n'importe quel contenu et qu'il a un pouvoir très important, son usage est potentiellement dangereux.

En effet, on aura tendance à faire preuve de révérence à l'égard de quelqu'un qui donne l'apparence de maîtriser parfaitement ce dont il parle, comme lorsque l'on fait intervenir des spécialistes pour expliquer certaines choses. Pourtant, maîtriser la langue ne signifie pas nécessairement que l'on maîtrise le sujet dont on parle : les mots ont une force extraordinaire, et ce en dépit du fait qu'ils n'expriment pas forcément la vérité.

C'est ainsi que Platon condamnait l'art de la rhétorique qu'utilisaient les sophistes, lesquels étaient maîtres dans l'art de la persuasion, en dépit de la vérité de ce qu'ils défendaient. On adresse d'ailleurs le même reproche aux démagogues, qui utilisent un langage flatteur pour acquérir une légitimité : ils instrumentalisent le pouvoir des mots pour conquérir les esprits.

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Exemple de dissertation de philosophie

Publié le 26 novembre 2018 par Justine Debret . Mis à jour le 7 décembre 2020.

Voici des exemples complets pour une bonne dissertation de philosophie (niveau Bac).

Vous pouvez les utiliser pour étudier la structure du plan d’une dissertation de philosophie , ainsi que la méthode utilisée.

Conseil Avant de rendre votre dissertation de philosophie,  relisez et corrigez  les fautes. Elles comptent dans votre note finale.

Table des matières

Exemple de dissertation de philosophie sur le travail (1), exemple de dissertation de philosophie sur le concept de liberté (2), exemple de dissertation de philosophie sur l’art (3).

Sujet de la dissertation   de philosophie  : « Le travail n’est-il qu’une contrainte ? ».

Il s’agit d’une dissertation de philosophie qui porte sur le concept de « travail » et qui le questionne avec la problématique « est-ce que l’Homme est contraint ou obligé de travailler ? ».

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Sujet de la dissertation   de philosophie  : « Etre libre, est-ce faire ce que l’on veut ? ».

Cette dissertation de philosophie sur la liberté interroge la nature de l’Homme. La problématique de la dissertation est « l’’Homme est-il un être libre capable de faire des choix rationnels ou est-il esclave de lui-même et de ses désirs ? ».

Sujet de la dissertation   de philosophie  : « En quoi peut-on dire que l’objet ordinaire diffère de l’oeuvre d’art ? ».

Cette dissertation sur l’art et la technique se demande si  l’on peut désigner la création artistique comme l’autre de la production technique ou si ces deux mécanismes se distinguent ?

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Debret, J. (2020, 07 décembre). Exemple de dissertation de philosophie. Scribbr. Consulté le 13 mai 2024, de https://www.scribbr.fr/dissertation-fr/exemple-dissertation-philosophie/

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Le langage trahit-il la pensée ?

Des professeurs de philosophie ont endossé l’habit du lycéen afin de plancher sur de vrais sujets tombés au bac lors des années passées. Ils se sont prêtés au jeu, voici le fruit de leurs réflexions : des dissertations et explications de texte, réalisées en quatre heures chrono chacune. À vous de juger… Ces copies presque parfaites sont à scruter de près, car ce sont des devoirs de ce type – construits, informés et bien argumentés – dont les correcteurs raffolent.

Travail brillant et personnel. Vous dominez la problématique du sujet que vous posez dès l’introduction. Votre propos est fouillé, structuré, bien argumenté, vos transitions claires, marquant efficacement la progression de votre pensée, servie par une culture solide. Vous parvenez à éclairer toute la complexité de la relation de l’homme au langage. 

Introduction / Comment pourrait-on penser en dehors du langage ? 

Le langage que nous utilisons est ce qui doit  nous permettre de nous exprimer de manière à être compris. Nombreuses sont pourtant les occasions où nous sommes obligés de reprendre nos paroles car elles ne correspondent pas à ce que nous pensions et voulions dire. Et pourtant, c’est nous-mêmes qui avons choisi les mots employés. Est-ce à dire que le langage peut trahir la pensée ? Trahir, c’est d’abord décevoir une relation de confiance. Si le langage peut nous trahir, c’est que l’on a préalablement admis qu’on lui confiait la tâche d’extérioriser une pensée intime. Les mots sont-ils à la hauteur de cette tâche ? Méritent-ils notre confiance ? N’y a-t-il pas, dans la langue, une mise en forme, une rationalisation qui ne se trouvent pas toujours dans ce que nous pensons intimement ? Faut-il, alors, nous méfier du langage ? Car s’il peut nous trahir en déformant ce que nous disons, le langage peut, ce qui semble pire, nous trahir en nous faisant dire ce que nous ne voulons pas dire, parfois même ce que nous ignorons. N’est-ce pas le cas lorsque nous commettons un lapsus ? Dans les deux cas (que la trahison déforme ou révèle la pensée), cela suppose une pensée qui se serait formée en dehors du langage et avant lui. Pourtant, penser, ce n’est pas seulement ressentir intérieurement. La pensée désigne un processus de raisonnement qui permet d’agencer des propositions et des idées de manière logique. En cela, la pensée se distingue du ressenti, informe et irrationnel. Dès lors, comment pourrait-on penser en dehors du langage ? Loin de trahir la pensée, le langage n’en est-il pas la condition ?

Nous essaierons donc de déterminer si le langage trahit la pensée. La pensée est-elle un processus intime qui se constitue en dehors du langage ou en est-elle dépendante ? Nous verrons d’abord que le langage constitue un code étranger à la réalité désignée par nos pensées. Le langage ne peut-il pas alors nous trahir, au-delà même de ce que nous pensons consciemment ? Mais par pensée ne désigne-t-on pas une opération de la raison qui ne peut avoir lieu que grâce au langage ?

Partie I / La pensée vient d'abord, le langage ensuite

Dire que le langage trahit la pensée suppose que langage et pensée sont deux réalités extérieures. La trahison désigne en effet l’incapacité d’une personne ou d’une chose d’être à la hauteur de la confiance placée en elle. Or, confier, c’est déléguer à un autre un objet ou une tâche. Si le langage peut ainsi trahir la pensée, c’est donc d’une part que la pensée est extérieure au langage, et d’autre part qu’elle s’est remise entre ses mains pour lui confier la tâche de l’exprimer. Nos pensées désignent d’une manière très générale la représentation intime que nous nous faisons du monde qui nous entoure et des affections que nous éprouvons. C’est donc d’abord un état intérieur, qui désigne très généralement ce dont nous avons conscience. La pensée vient donc d’abord. Le langage vient ensuite, pour extérioriser ce donné initial. Il ne peut remplir qu’imparfaitement cette tâche car il y a une faille irrémédiable entre les mots et les choses. Dire ce que nous pensons intimement, ce n’est pas la même chose que le penser et le vivre intimement. Pour l’autre qui m’écoute, entendre ce que je dis, ce n’est pas la même chose que vivre ce que je vis. C’est ce qu’explique Merleau-Ponty dans la Phénoménologie de la perception lorsqu’il dit que « les paroles d’autrui ne sont pas autrui » . Nous n’accédons qu’imparfaitement et extérieurement à ce que l’autre vit, car ses paroles échouent à nous en fournir une représentation exacte. Ainsi, le langage trahit la pensée, non par malice, mais parce qu’il y a une faille irrattrapable entre la pensée vécue intérieurement et la pensée exprimée extérieurement.

Cette faille tient à la structure même du langage, qui est elle-même liée à sa fonction. Si le langage sert à communiquer, il faut que les mots employés soient compris de tous. Pour cela, ils doivent être généraux. S’il y avait un nom propre pour chaque table qui existe, a existé et existera jamais, il nous serait tout simplement impossible de communiquer. Parce qu’il est utile, le langage est donc général. Mais parce qu’il est général, il est à distance de ce que nous pensons intimement. En cela, le langage ne trahit pas seulement la pensée des autres, mais aussi la mienne. En m’obligeant à utiliser des mots généraux, il m’empêche d’accéder à la réalité de ma propre pensée. C’est ce qu’explique Bergson dans Le Rire, où il montre que la généralité du langage et ce qu’il a d’utilitaire nous empêchent d’accéder à notre propre intériorité car nous n’en percevons pas les nuances particulières, mais ne pouvons l’aborder que par des mots qui sont communs à tous. Ainsi, le langage trahit la pensée parce qu’il se montre inapte à remplir la tâche qui lui a été confiée : exprimer adéquatement le message qui a d’abord été intérieurement conçu. Cette trahison est liée à sa généralité structurelle. Or, s’il peut ainsi ne pas dire ce que nous pensons comme nous le pensons, ne finit-il pas par dire autre chose ?

Partie II / Le langage semble doté d’une forme d’autonomie qui le rend capable de dire ce que nous ne voulons pas dire 

Le langage peut trahir la pensée en l’exprimant mal. Il peut aussi la trahir en la dévoilant. N’y a-t-il pas ainsi lorsque nous parlons des pensées qui sont dévoilées malgré elles et malgré nous ? Le langage ne dit-il pas plus ou autre chose que ce que nous voulons dire ? En effet, le langage ne passe pas seulement par les mots. C’est un ensemble de signes et de symboles dont les mots ne sont qu’un aspect. Le choix du vocabulaire, la grammaire et le niveau de langue employés, notre ton, nos gestes... sont autant d’éléments qui constituent un langage, par lequel s’exprime plus que le seul message que nous voulons transmettre. L’habitus décrit par Bourdieu désigne ainsi l’ensemble des traits socialement déterminés qui finissent par faire corps avec nous. Dès lors, quand nous écrivons ou parlons, le langage que nous utilisons trahit notre pensée, c’est-à-dire dévoile malgré nous une manière de réfléchir socialement produite. Le sociologue exprime ainsi ses réserves face aux exercices de la dissertation ou du « grand oral » des concours, dans lesquels on cherche à discriminer les candidats grâce aux codes sociaux de pensée que le langage peut trahir.

Ces pensées que le langage trahit ici ne sont donc pas conscientes. Le langage dévoile ce qu’il y a en nous de plus intime, de caché, même à nos propres yeux. Il semble ainsi doté d’une forme d’autonomie qui le rend capable de dire ce que nous ne voulons pas dire. C’est, par exemple, le propre du lapsus. Dans celui-ci, en effet, se manifeste une pensée inconsciente, dont nous sommes nous-mêmes ignorants. Par lui, l’inconscient fait irruption dans notre vie conscience et parvient momentanément à endormir la résistance qui sans cela l’en empêche. D’une manière générale, d’ailleurs, la cure psychanalytique s’appuie sur les propos du patient, cherchant à lui faire dire ce qu’il ne veut pas dire parce que la censure de la résistance s’y oppose. Mais il finira bien par le dire parce que le langage le trahira, par les lapsus par exemple, mais aussi par les mots qu’il choisira d’employer. Ainsi, le langage trahit la pensée parce que celle-ci n’est pas que consciente et qu’elle se dévoile malgré nous à travers lui. L’usage que nous faisons du langage manifeste notre origine sociale, notre éducation, notre culture, et même des pensées si intimes que nous n’en avons pas conscience. Mais de quelle pensée parle-t-on si elles se situent en dehors de la conscience ? La pensée n’est-elle pas au contraire nécessairement rationnelle et consciente ?

Partie III / Le langage ne trahit pas la pensée, il est au contraire ce qui la conditionne

Tout ce qui advient en nous, consciemment et inconsciemment, ne saurait en effet être considéré comme pensé au même titre. Si le mot désigne d’une manière générale ce qui est intérieur par opposition à ce qui est extérieur, il désigne aussi ce qui est réfléchi par opposition à ce qui est senti. Tout ce qui advient dans le for de notre subjectivité ne relève pas de la pensée mais celle-ci désigne précisément ce que la raison est capable de produire, comme capacité logique d’agencer des propositions et des idées. Dès lors, nous avons besoin de parler pour penser dans la mesure où l’on ne peut pas produire de tels raisonnements sans passer par le langage. Ce que nous « pensons » en dehors de ce cadre tient du ressenti, que nous n’arrivons pas à dire, comme le soulignait Bergson, pas nécessairement parce que les mots seraient déficients mais parce que ce sentiment lui-même serait trop confus. Même l’inconscient n’est pas pensé tant qu’il n’advient pas à la conscience et au langage. Nous pouvons dire que nous avons des pensées inconscientes, mais cela reste théorique et, dans le fond, nous n’en savons rien puisque si ces pensées existent nous sommes incapables de les penser, de nous les formuler. Dans L’Encyclopédie des sciences philosophiques, Hegel montre ainsi que l’éloge de l’indicible comme pensée si profonde que les mots ne sauraient la dire cache en réalité la vacuité et la confusion de ce qui n’est pas encore délimité et caractérise une pensée en devenir. Si nous n’arrivons pas à dire ce que nous pensons, ce n’est pas parce que « les mots nous manquent » et que donc le langage serait défaillant. L’indicible est le signe d’une pensée qui n’en est pas encore une, car penser une chose, la prendre pour objet, c’est être capable de l’identifier, de la délimiter et donc de la dire. Une fois achevée, la pensée prend la forme du mot qui seul peut désigner adéquatement et précisément la chose pensée. Ainsi, le langage ne trahit pas la pensée, il est au contraire ce qui la conditionne.

Alors, la pensée n’est plus extérieure au langage et ne le précède plus. Bien au contraire, elle se forme avec lui et par lui. Avant d’être exprimées, les choses doivent en effet être formulées, et penser, ce n’est alors jamais que se parler à soi-même. On peut même se demander, comme le fait Nietzsche dans Le Gai Savoir, si ce n’est pas parce qu’il devait parler pour communiquer ses besoins aux autres que l’homme a développé la conscience. Dans ce texte, Nietzsche montre en effet que l’homme, d’abord isolé, devient une bête de proie qui doit s’associer aux autres pour survivre. Cette communauté n’a de sens et ne satisfait ses objectifs que si les hommes sont capables de se formuler réciproquement leurs besoins pour pouvoir y pourvoir. Avant même de formuler aux autres ces besoins, l’homme doit en prendre conscience, c’est-à-dire se les formuler à lui-même. Voilà ainsi exposée l’origine de la pensée comme conscience, qui apparaît donc comme indissociable du langage. 

Ainsi, le langage ne trahit pas la pensée. Certes, il existe une multitude de sentiments ou de phénomènes intimes, sentis, inconscients en dehors et en deçà de la pensée, que le langage ne parvient pas à rendre et peut pourtant, paradoxalement, dévoiler malgré lui. Mais la pensée désigne une opération logique de réflexion qui ne préexiste en rien au langage mais se confond avec lui. 

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Dissertations corrigés de philosophie pour le lycée

dissertation philosophie le langage

Le langage peut-il être un obstacle à la recherche de la vérité ?

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I. Définition et rôle du langage dans la communication humaine

Le langage est un système de signes vocaux, gestuels ou graphiques qui permettent aux individus d’une même communauté de communiquer entre eux. Il est un outil essentiel de la communication humaine, permettant l’échange d’idées, de sentiments, de connaissances et d’informations. Comme le souligne Ludwig Wittgenstein, « Les limites de mon langage signifient les limites de mon monde ». Le langage est donc non seulement un moyen de communication, mais aussi un moyen de comprendre et d’interpréter le monde qui nous entoure.

Le langage joue un rôle crucial dans la construction de notre réalité. Il nous permet de nommer et de catégoriser les choses, de formuler des idées et des concepts, de poser des questions et de chercher des réponses. Il est le véhicule par lequel nous exprimons et partageons notre compréhension du monde. Comme le dit Ferdinand de Saussure, « Dans le langage, il n’y a que des différences ».

Cependant, le langage n’est pas seulement un outil de communication et de compréhension. Il est aussi un moyen d’expression de soi, un moyen de construire et de maintenir des relations sociales, un moyen de persuasion et d’influence, et un moyen de pouvoir et de contrôle. Comme le souligne Michel Foucault, « Le langage est aussi un pouvoir ».

II. Les limites du langage dans l’expression de la vérité

Le langage, malgré son rôle crucial dans la communication et la compréhension humaines, a ses limites. Il peut être un obstacle à la recherche de la vérité. Comme le dit Wittgenstein, « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire ». Le langage ne peut pas exprimer tout ce que nous voulons dire, tout ce que nous ressentons, tout ce que nous savons.

Le langage est limité par sa nature symbolique. Il représente les choses, mais il n’est pas les choses. Il peut décrire la réalité, mais il ne peut pas la reproduire. Comme le dit Alfred Korzybski, « La carte n’est pas le territoire ». Le langage peut donc être trompeur, il peut nous éloigner de la vérité au lieu de nous en rapprocher.

Le langage est aussi limité par sa nature sociale. Il est construit et utilisé par une communauté d’individus, avec leurs propres idées, leurs propres valeurs, leurs propres intérêts. Il est donc sujet à des interprétations, à des malentendus, à des manipulations. Comme le dit George Orwell, « Le langage politique est conçu pour faire mentir la vérité ».

III. Le langage comme outil de manipulation et d’obstruction à la vérité

Le langage, en tant qu’outil de pouvoir et de contrôle, peut être utilisé pour manipuler et obstruer la vérité. Comme le dit Noam Chomsky, « Le langage est un processus de libre création ; ses lois et principes sont fixés, mais la manière dont les principes de génération sont utilisés est libre et infiniment variée ». Le langage peut donc être utilisé pour créer des illusions, pour déformer la réalité, pour dissimuler la vérité.

Le langage peut être utilisé pour propager des idéologies, pour justifier des actions, pour légitimer des pouvoirs. Comme le dit Michel Foucault, « Le discours n’est pas simplement ce qui traduit les luttes ou les systèmes de domination, mais ce pour quoi, ce par quoi on lutte, le pouvoir dont on cherche à s’emparer ». Le langage peut donc être un instrument de domination, un moyen de manipulation et d’obstruction à la vérité.

Le langage peut aussi être utilisé pour exclure, pour marginaliser, pour stigmatiser. Comme le dit Judith Butler, « Le langage est un moyen de pouvoir, de contrôle, de violence ». Le langage peut donc être un instrument d’exclusion, un moyen de discrimination et d’oppression.

IV. Surmonter les obstacles du langage pour accéder à la vérité

Malgré les limites et les dangers du langage, il est possible de surmonter ses obstacles pour accéder à la vérité. Comme le dit Ludwig Wittgenstein, « Le sens d’un mot est son usage dans le langage ». Il est donc possible de clarifier, de préciser, de nuancer le langage pour mieux exprimer la vérité.

Il est aussi possible de critiquer, de questionner, de déconstruire le langage pour dévoiler la vérité. Comme le dit Jacques Derrida, « Il n’y a pas de hors-texte ». Il est donc possible de lire entre les lignes, de déceler les non-dits, de démasquer les manipulations du langage pour accéder à la vérité.

Il est enfin possible de créer, de réinventer, de transformer le langage pour révéler la vérité. Comme le dit Gilles Deleuze, « Le langage est un virus ». Il est donc possible de contaminer, de subvertir, de révolutionner le langage pour libérer la vérité.

En conclusion, le langage, malgré ses limites et ses dangers, reste un outil essentiel de la communication et de la compréhension humaines. Il est un obstacle à la recherche de la vérité, mais il est aussi un moyen de surmonter cet obstacle. Il est un instrument de pouvoir et de contrôle, mais il est aussi un instrument de libération et de révélation. Il est donc nécessaire de maîtriser le langage, de le critiquer, de le transformer pour accéder à la vérité.

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Bergson : Le langage trahit-il la pensée ?

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Bienvenue sur Apprendre la philosophie ! Comme ça n'est pas la première fois que vous venez ici, vous voudrez sans doute lire mon livre qui vous explique comment réussir votre épreuve de philosophie au bac : cliquez ici pour télécharger le livre gratuitement ! 🙂

Selon Bergson, le langage a un défaut important. Certes, il permet de s’exprimer et de communiquer, mais il trahit ce que nous voulons dire.

Selon Bergson, le langage a un défaut important. Certes, il permet de s’exprimer et de communiquer, donc de dévoiler aux autres, en le rendant public, ce qu’il y a de plus personnel et individuel, nos pensées, nos désirs etc. Mais, selon lui, ce n’est néanmoins pas sans transformer, appauvrir, falsifier ce qui est à transmettre.

Loin d’être une indispensable traduction de nos pensées, le langage ne ferait que trahir ce que nous voulons dire véritablement.

Ainsi, selon Bergson, la langue déforme la pensée car elle consiste en un ensemble de mots, donc d’idées générales, qui appauvrissent nécessairement ce que nous voulons dire. Pourquoi peut-il parler d’un appauvrissement ? Car les mots que nous utilisons sont généraux, ils renvoient à une idée générale. Par exemple, le mot « chat » renvoie à une idée générale de chat, un petit mammifère de type félin. Si je parle donc de « mon chat », ce à quoi je pense est très précis, je pense à mon chat singulier avec ses caractéristiques, sa couleur, ses rondeurs … mais je ne dis que « mon chat » mon interlocuteur ne reçoit pas toute la singularité de ce que je mets derrière ces mots, il a simplement à l’esprit une idée générale de chat. De la même façon si je parle de ma colère, de mon amour, de ma tristesse, il s’agit toujours d’un ressenti singulier qui peut être très différent de la colère d’une autre personne ou de ma tristesse d’il y a 15 jours. Pourtant, quand nous parlons nous utilisons un terme générique « colère », « amour », « tristesse » pour qualifier ce que nous ressentons. De ce fait notre interlocuteur comprend vaguement ce que nous ressentons, mais pas précisément. Le langage ne nous permet pas de transmettre la singularité de nos pensées et de nos ressentis.

Selon Bergson, le langage dresse sur notre vie une simplification pratique qui ampute le réel de toute sa complexité et de sa pluralité pour n’en laisser qu’une vision superficielle et générale qui est la négation des choses elles-mêmes.

Pourquoi le langage est-il simplificateur ?

En effet, les différences spécifiques propres à chaque objet ou ressenti sont niées et vouées à être inaperçues en raison d’un impératif pratique qui impose d’en rester à des vues générales. Bergson parle d’impératif pratique parce que le langage n’a pas pour objectif premier de transmettre la singularité de nos pensées ou émotions, son objectif premier est de nous permettre de communiquer, de nous comprendre. Or, pour que nous puissions nous comprendre et parfois nous comprendre vite, il faut que les mots renvoient à des idées simples et comprises de tous. Si je veux prévenir quelqu’un d’un danger imminent, il faut que je puisse le lui dire vite et que cette personne me comprenne vite, sans cela je serai encore en train de préciser ma pensée et le danger sera sur nous. Il y a donc effectivement un objectif pratique du langage c’est-à-dire que le langage sert l’action, il nous permet d’agir et de faire agir les autres rapidement.

Bergson comprend cette fonction du langage mais il regrette que, de ce fait, le langage ne fasse que déposer des « étiquettes sur le monde entier ». Par étiquette, il entend des idées générales collées sur des choses singulières.

Cet argument de Bergson peut être utilisé dans un sujet sur le langage comme « le langage trahit-il la pensée ? » ou encore « Peut-on tout exprimer ? ». Vous pouvez retrouver ce sujet avec quelques autres sujets classés par thème ici .

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Texte de Bergson :

Nous ne voyons pas les choses mêmes; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées sur elles. Cette tendance, issue du besoin, s’est encore accentuée sous l’influence du langage. Car les mots (à l’exception des noms propres) désignent des genres. Le mot, qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s’insinue entre elle et nous, et en masquerait la forme à nos yeux si cette forme ne se dissimulait déjà derrière les besoins qui ont créé le mot lui-même.

Et ce ne sont pas seulement les objets extérieurs, ce sont aussi nos propres états d’âme qui se dérobent à nous dans ce qu’ils ont de personnel, d’originellement vécu. Quand nous éprouvons de l’amour ou de la haine, quand nous nous sentons joyeux ou tristes, est-ce bien notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience avec les mille nuances fugitives et les mille résonances profondes qui en font quelque chose d’absolument nôtre ? Nous serions alors tous romanciers, tous poètes, tous musiciens. Mais le plus souvent, nous n’apercevons de notre état d’âme que son déploiement extérieur. Nous ne saisissons de nos sentiments que leur aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une fois pour toutes parce qu’il est à peu près le même, dans les mêmes conditions, pour tous les hommes. Ainsi, jusque dans notre propre individu, l’individualité nous échappe. Nous nous mouvons parmi des généralités et des symboles […], nous vivons dans une zone mitoyenne entre les choses et nous, extérieurement aux choses, extérieurement aussi à nous-mêmes.

Bergson (1859-1941), Le rire .

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Voici 5 conseils de profs pour perfectionner votre copie de philo au bac

Publié le 05/08/2024 à 7:00 AM , mis à jour le 05/08/2024 à 7:00 AM

Au bac, la première épreuve passée par les candidats est la philosophie.

Comme chaque année, l’épreuve de philosophie marque le début du bac . Cette année, elle se déroulera le mardi 18 juin à 8 heures. Pour parfaire votre copie le jour J, Le Figaro Étudiant a demandé à deux enseignants leurs meilleurs conseils pour une dissertation réussie. Les voici.

1- Définissez les termes

Une fois le sujet en main, définissez d’emblée «l'explicite et l'implicite» , suggère Félix Tourmente, professeur de philosophie à Chartres.  «Jouez sur les sens du terme, sans tout définir» , précise-t-il. A la question «Peut-on obéir librement ?», n'invite pas à définir le libre arbitre par exemple, l'implicite consiste à définir non seulement obéir et liberté mais aussi les notions d'autorité, de droit etc. Une autre priorité est de définir les termes tout au long de la dissertation, pas seulement dans l'introduction. «Votre pensée étant évolutive, démontrez les contradictions, les changements de sens, les failles... Tout en gardant une ligne conductrice» . Le correcteur notera un effort de réflexion dans la continuité, et pas seulement une définition apprise par cœur.

Selon Estelle Challamel, professeure à Paris, il est important de trouver et définir les termes implicites pour donner le ton de votre argumentation. «Utilisez-les comme un outil pour construire votre plan» , explique l’enseignante. Par exemple, dans la question «Les mots ont-ils un pouvoir ?», le mot «pouvoir» est ici rapporté à «mot», alors que le pouvoir est implicitement lié aux hommes . «Vous pourrez donc développer votre réflexion sur le rôle des Hommes dans la relation langage/pouvoir» , complète Estelle Challamel.

2- Ne perdez pas trop de temps sur le brouillon

Ne perdez pas votre temps à relire votre brouillon pour cumuler les développements possibles. Bien trop de fois, les élèves perdent à cette étape de réflexion, et cela retarde la rédaction. «Soignez plutôt votre brouillon durant une heure, pas plus, puis commencez à rédiger», continue Estelle Challamel. La réflexion continue d'elle-même au fur et à mesure de l'écriture, il faut surtout «penser en direct». L’enseignante invite aussi à prioriser « un bon plan précis pour votre première et deuxième partie. Puis pour la troisième, vous pouvez y réfléchir en conséquence après avoir écrit les deux premières» . De même pour la problématique, qu'elle conseille de « rédiger après avoir défini le plan et les parties, pour une cohérence dans votre écrit» . L'introduction doit être rapidement écrite : «Elle coule de source et doit être structurée pour ne pas prendre trop de temps».

3- Approfondissez votre réflexion

Il sera apprécié qu'un élève montre une volonté d'aller plus loin, «en approfondissant les sous-concepts d'une question» , confie Félix Tourmente. Questionnez un sens, ses failles et contradictions. Montrez plusieurs avis. , Pour Estelle Challamel, celui qui maîtrise «l'art du dépassement» est l'élève qui pourra «réfléchir le verbe » . Par exemple, pour «Faut-il toujours dire la vérité», il ne s'agit pas de dire oui ou non, mais de remplacer «dire» par «être» et jouer avec le verbe de la formule. «Il ne faut pas forcément dire la vérité, mais rester vrai en toutes circonstances », aiguille la professeure. Selon celle-ci, «environ 10 copies sur 150 arrivent à réellement approfondir la question» , et permettent de sortir du lot . «Vous ne perdez rien à être créatif, si vous restez structuré. Sortez du lot, ayez des références différentes que celles sur internet et osez», ajoute-t-elle.

4- Restez cohérent

La cohérence doit être la ligne directrice de votre récit. Par exemple, veillez à bien développer dans chaque partie ce que vous avez annoncé dans votre plan. Utilisez aussi des exemples concrets sans vous éparpiller. Cela attirera l'attention du professeur qui remarquera un effort dans votre structure. «Une copie certes plus simple qu'une autre, mais avec un raisonnement logique et qui tient la route aura plus de crédit qu'une copie où le correcteur aura du mal à comprendre le cheminement » , confie Estelle Challamel.

5- Ces détails qui plaisent

Un autre élément très apprécié des correcteurs est la propreté de la copie. Si elle est agréable à lire et claire dans sa structure rien qu’en la survolant, elle sera lue avec plus d'attention. «L'aspect esthétique et formel de la copie influe beaucoup sur notre appréciation» , estime Félix Tourmente. Avant d’ajouter : «Lorsque je vois une copie avec au moins un paragraphe écrit avec nuance, originalité et pertinence, même si le reste est moins bien, je le valorise» . Pour l’enseignant, « maîtriser la structure, c'est déjà bien » . Ce qui sera particulièrement apprécié, «c'est un élève qui pense par lui-même, qui s'approprie le sujet tout en restant pertinent» dans ce qu'il démontre, conclut Félix Tourmente.

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