fredericgrolleau.com

Qu'est-ce que le moi ? - David Hume, "Traité de la nature humaine" (1740)

Publié le 17 Octobre 2019, 14:06pm

Catégories : #Philo (textes - corrigés)

Qu'est-ce que le moi ? - David Hume, "Traité de la nature humaine" (1740)

Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la conscience intime de ce que nous appelons notre  moi ;  que nous sentons son existence et sa continuité d'existence ; et que nous sommes certains, plus que par l'évidence d'une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites. Pour ma part, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j'appelle  moi , je bute toujours sur une perception particulière ou sur une autre, de chaud ou de froid, de lumière ou d'ombre, d'amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne peux jamais me saisir,  moi,  en aucun moment sans une perception et je ne peux rien observer que la perception. Quand mes perceptions sont écartées pour un temps, comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps, je n'ai plus conscience de  moi  et on peut dire vraiment que je n'existe pas. Si toutes mes perceptions étaient supprimées par la mort et que je ne puisse ni penser ni sentir, ni voir, ni aimer, ni haïr après la dissolution de mon corps, je serais entièrement annihilé et je ne conçois pas ce qu'il faudrait de plus pour faire de moi un parfait néant. Si quelqu'un pense, après une réflexion sérieuse et impartiale, qu'il a, de  lui-même , une connaissance différente, il me faut l'avouer, je ne peux raisonner plus longtemps avec lui.

David Hume,   Traité de la nature humaine,   trad. A. Leroy, t. I, Aubier-Montaigne, 1968, pp. 342-344.

INTRODUCTION

L’homme a-t-il une identité stable et continue ? Somme-nous définit par notre moi ?  Á ces questions, David Hume propose dans ce texte une réponse négative. La thèse que propose le philosophe dans ce texte constitue une rupture avec la conception classique affirmant l’identité et la stabilité du moi. L’auteur développe ici une antithèse à la thèse cartésienne. Contrairement à Descartes, Kant… qui soutenaient la continuité et l’identité du moi, Hume explique que pour lui le moi n’existe pas, et que le sujet n’a pas une identité réelle. Notre identité est illusoire, car l’analyse de notre intérieur intime prouve que nous sommes une succession de perceptions multiples. Le texte se développe en trois étapes : dans une première étape de son texte, Hume introduit la conception du moi qui dominait traditionnellement la philosophie du sujet. Puis, dans la deuxième étape de son argumentation, il montre que le moi est composé d’une somme de perceptions. Et enfin, il montre que les perceptions conditionnent le moi.

DEVELOPPEMENT

Hume commence ce texte par « il y a certains philosophes qui imaginent… ». Il nous introduit ce qu’imaginent d’autres philosophes. Qui sont ces philosophes ? On ne les connaît pas ici. Car l’auteur ne les nomme pas directement. Il ne nous donne pas des noms. Il préfère nous proposer leur idée plutôt que leurs noms. Mais on peut comprendre qu’il s’agit de tenants de la philosophie métaphysique. Ces philosophes dont l’auteur fait allusion ici sont probablement Descartes, Kant, Berkeley… Le philosophe étale sur trois étapes la thèse de ces philosophes. Tout d’abord, il affirme qu’ils pensent que « nous avons à tout moment la conscience intime de ce que nous appelons notre moi ». Pour ce groupe de philosophes, l’homme a une « conscience intime » de son identité, de son moi. Cette conscience de notre moi est continue, elle ne s’arrête pas. Elle est présente à « tout moment ».

On apprend aussi qu’Ils pensent que « nous sentons son existence et sa continuité d’existence ». On comprend bien donc que pour ces philosophes l’existence de ce moi et cette identité peuvent se sentir chez chaque individu conscient. Chacun d’entre nous peut la sentir, sentir son existence, sentir en permanence ce moi car son existence est continue, sans arrêt. Et enfin, ils pensent, selon Hume, que cette identité est certaine, indubitable. Elle n’a pas besoin d’être démontrée car elle est évidente, claire, sûre, simplement accessible par le commun des mortels.[1]

Dans une deuxième étape de son texte, Hume propose sa pensée à propos de l’identité du moi. Il partage avec le lecteur son aventure intérieure. Si ce moi est évidente et d’une simple accessibilité, n’importe qui pourrait donc la rencontrer en plongeant dans sa profonde intimité. D. Hume tente ici cette aventure. Il pénètre intimement et profondément dans son moi. Que découvre donc le philosophe dans son intérieur ? A-t-il saisit son moi ? Hume nous surprend : il ne découvre pas un moi, mais à la place une perception. Quand j’immerge dans mon supposé moi, nous dit Hume dans ce texte, je me bute sur une « perception particulière », c’est-à-dire sur une perception quelconque. Si je replonge une deuxième fois dans ma profondeur, je me bute encore fois sur une autre perception.

Hume découvre donc que le sujet est composé de perceptions multiples. Il n’a aucune identité stable, même pas une perception stable. Il défile quelques unes de ces perceptions : une perception de « chaud », de « froid », de « plaisir », de « douleur », de « lumière », d’ « ombre ». Par ces diverses perceptions, Hume veut nous montrer qu’il n’y a aucune identité, stabilité, unité chez le sujet, à l’intérieur de l’être conscient. Il est un chaos, un désordre, un changement : les perceptions changent, se contrastent, se diversifient. Chaque moment, je suis quelqu’un de nouveau, avec une nouvelle perception, avec un nouvel état… Je change constamment. On soupçonnait déjà que Hume critiquerait la thèse proposée au début de son texte, il la critique directement ici. Ainsi, pour Hume, il n’y a aucun moi saisissable indépendamment de toute perception. On observe, selon ses dires, que des perceptions et jamais un moi. En effet, contrairement à Locke, Descartes, Kant… qui affirmaient l’existence d’un moi et d’une identité stable chez l’homme, Hume affirme, de son côté, qu’il n’existe aucun moi, aucune identité chez l’homme, car l’homme n’est qu’une somme de perceptions multiples et changeantes.

Contrairement à la philosophie du rationalisme, à la philosophie métaphysique qui place la raison, l’esprit, la pensée au centre du sujet, D. Hume, quant-à-lui, fidèle à sa philosophie empiriste valorise ici l’expérience sensible, la sensation, la perception, l’impression. Rappelons que pour Hume toute la connaissance de l’homme viendrait de l’expérience sensible, et plus concrètement de l’impression vivace que les sensations impriment sur notre esprit. C’est la réalité extérieure (le monde sensible) qui est première par rapport à l’esprit, à la raison (au monde intérieur et psychique). L’esprit ne serait donc aucunement pour la philosophie empiriste la source de nos connaissances, ce n’est pas lui qui produit la connaissance. Il ne serait pas au centre de notre connaissance, il n’en serait que le récepteur passif. De ce fait, la connaissance ne serait pas intérieure, mais extérieure, résultat de l’expérience, de l’habitude, de la perception.

Mais la perception n’est-elle pas l’arbre qui cache la forêt ? Ne faut-il pas aller au-delà des perceptions pour dévoiler le moi ? D. Hume est conscient de ces critiques. Il va donc, dans la dernière étape de son argumentation, s’efforcer de dépasser les perceptions pour voir s’il y a un moi qui se cache derrière ces apparentes perceptions. Alors Hume s’intéresse au moment où nous dormons. Quand nous dormons, nous n’avons aucune perception de nous, de notre intérieure, mais aussi du monde extérieur. Dans le « sommeil tranquille », les perceptions sont écartées, elles s’éclipsent. S’il existe un moi extérieur à la perception, c’est le moment de le voir, de le rencontrer. Que reste maintenant de nous ? Rien, dira Hume. Il ne restera plus rien de nous. Nous disparaissons aussi. Et donc encore une fois, le moi ne se profile pas à l’horizon, ne se montre pas. Si le moi ne se montre pas, ce n’est pas qu’il se cache, mais c’est parce qu’il n’existe pas. Le moi n’est qu’une illusion. Et puis, je me réveille, et les perceptions reviennent. Aucun moi là aussi que des perceptions.

Et si ces perceptions ne reviennent pas. Si elles disparaissent pour toujours, définitivement supprimées par la mort, je disparaîtrais à jamais. Si je cesse de « penser », de « voir », de « sentir », d’ « aimer », de « haïr », je cesse aussi d’exister. Je ne serais plus. Mon moi ne sera plus. La mort supprime les perceptions et dissolve le corps. Et il ne restera plus rien de moi. Je serai un « parfait néant ». Un rien. Par conséquent, ce sont les perceptions qui nous composent, nous sommes des perceptions. Si nos perceptions disparaissent momentanément ou définitivement, nous disparaissons avec elles. Aucune autre chose distincte de perceptions ne pourrait nous définir, rien d’autre. Notre intérieur, notre soi-disant moi ne peuvent exister sans les perceptions. L’homme est conditionné par la perception. Hume arrive donc à conforter sa thèse empiriste à la fin de son texte et établir la primauté de la perception, de l’expérience sensible sur l’esprit, la raison, le moi pensant.

Dans ce texte, Hume critique la philosophie classique du sujet. Avant lui, Descartes, Locke, Kant, et d’autres ont attribué au sujet conscient, au moi une identité stable, évidente, continue. Le cogito chez Descartes, le « Je » chez Kant, « la conscience » chez Locke, constitue l’identité stable du moi. Mais Hume s’oppose à cette philosophie. Dans ce texte, il montre précisément l’illusion du moi. Selon lui, il n’existe pas chez l’homme un moi stable, continu et saisissable. A la place, il propose des perceptions variables, changeantes, multiples et instables. Nous sommes la somme de ces perceptions particulières, nous n’avons aucune identité indépendamment de ces perceptions. Rien d’autre ne pourrait nous définir et constituer notre identité. La preuve, quand ces perceptions disparaissent momentanément lors du sommeil, nous ne sentons rien, nous n’existons plus. Et quand elles disparaissent à jamais, détruites par la mort, nous devons un « néant » définitif. Rien ne restera de nous, ni un moi, ni rien…

[1] Cette situation pourrait troubler l’élève qui lit ce texte ou qui l’explique. L’élève pourrait penser que les idées proposées par Hume au début de son texte sont les siennes. Il pourrait donc penser, en lisant la suite du texte, que l’auteur se contredit lui-même. Ce qui n’est pas le cas. Il faut donc bien distinguer l’idée rationaliste introduite par Hume de sa propre idée empiriste, critique à l’égard de l’idée rationaliste précédemment introduite.

source :  http://philomax.canalblog.com/archives/2017/12/14/35957162.html

Texte analysé : David Hume, Traité de la nature humaine , livre I, 4ème partie, section VI. Dans cette oeuvre, Hume défend une conception empirique de la connaissance. La conséquence majeure en est une critique de la causalité, mais également des notions métaphysiques telles que le moi. La quatrième partie consiste en une opposition du système de Hume, c’est-à-dire sceptique, aux autres systèmes philosophiques. J’analyse ici les quatre premiers paragraphes.

Introduction

Dans cet extrait polémique, Hume s’attaque au problème de l’existence du moi : y-a-t-il une unité, une identité derrière la diversité de nos perceptions. Autrement dit, peut-on parler d’un sujet conçu comme un support commun à tous les événements de la vie psychique ? La question est donc celle du rapport entre la multiplicité de nos perceptions et de nos idées et, d’autre part, une possible unité, une éventuelle unification sous un moi frappé du sceau de l’identité.

Descartes posait une telle identité personnelle avec l’existence assurée du cogito (Cf. le « je pense donc je suis » de la quatrième partie du Discours de la méthode ). Hume, au contraire, répond par la négative : le moi n’existe pas. L’homme n’est, en dernière analyse, que multiplicité de perceptions, sans aucune unité. Le fondement de ce refus de l’existence du moi n’est autre que sa théorie empiriste de la connaissance. Selon cette dernière, toute idée provient des perceptions : l’idée du moi, pour être certaine, devrait provenir elle aussi d’une impression, d’une perception. Or ce n’est pas le cas. Donc le moi n’existe pas. Nous réduisons donc à une simple collection de perceptions, sans dénominateur commun, sans identité personnelle. Telle est la thèse que va défendre Hume dans cet extrait.

Sa critique de l’identité personnelle se déroule en quatre temps. Après avoir, dans un premier temps, présenté l’antithèse (existence du moi défendue par les philosophes antérieurs), Hume entreprend ensuite sa critique du moi. Dans un troisième temps, il tire la conséquence de cette non existence du moi : toutes nos perceptions sont atomiques et intermittentes. Enfin, Hume, après avoir repris l’énonciation de sa thèse, en offre une illustration au travers du théâtre.

I- Les adversaires

D’emblée, Hume pose la thèse qu’il va critiquer : « Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la conscience intime de ce que nous appelons notre « moi » ; que nous sentons son existence et sa continuité d’existence ; et que nous sommes certains, plus que par l’évidence d’une démonstration, de son identité et de simplicité parfaites.« . Le verbe « imaginer » instaure immédiatement la prise de distance que va petit à petit prendre Hume vis-à-vis de cette thèse. La thèse présentée est donc celle de l’existence d’une identité et d’une unité du moi au cours du temps, une unité ininterrompue. L’homme pourrait en avoir une intuition, une idée claire et distincte. Bien évidemment, on retrouve ici par exemple le système cartésien et la conception du moi selon le philosophe français. Mais la critique touche aussi Locke ou encore Malebranche.

Dans le système cartésien, il y a une connaissance immédiate, intuitive du sujet : le moi est une idée claire et distincte. Elle a le caractère de l’évidence. Dans les 2ndes Méditations Métaphysiques , Descartes défend que même si un malin-génie, un Dieu trompeur s’évertue à me tromper sans cesse et à se jouer de moi, il est tout du mois certain que je suis. Car comment être trompé si je ne suis pas. Même si je suis trompé de cette manière (« doute hyperbolique »), je dois nécessairement exister pour cela. « Je suis, j’existe » est nécessairement vrai. Il y a donc une saisie du moi et de son existence. Dans la suite de ce texte de Descartes, où il cherche ce qu’il est (après avoir reconnu qu’il est), on arrive à la certitude que l’on est une chose qui pense : le « une » montre bien qu’il y a une conception de l’unité du moi pensant chez Descartes) : « c’est-à-dire une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent »). Quant à Malebranche, il défend l’idée d’une connaissance de notre existence et de ses propriétés par sentiment ou conscience (connaissance imparfaite mais vraie). Locke, lui, soutient enfin qu’il existe une conscience d’être soi et qu’on peut accéder par la réflexion sur les opérations de l’esprit à l’idée d’une substance spirituelle (mais que l’on ne connaît pas plus que la substance matérielle => Cf. Essai , II, 23, 5).

Selon ces philosophes, la saisie du moi est renforcée par les sensations et les passions les plus fortes. On s’attendrait ici à ce qu’elles entravent cette intuitions, mais c’est tout le contraire. Hume expose l’argumentation ici en question : puisque les sensations et les passions occasionnent des sentiments de plaisir ou de peine, on voit par là leur effet sur le moi. Les passions permettent de saisir le moi par la manière dont il est affecté : selon les passions, le moi est affecté différemment. Donc les passions même les plus fortes renforcent notre saisie du moi.

Enfin, l’évidence du moi et de l’ensemble de ses propriétés (existence, durée, identité et simplicité) serait telle qu’elle ne supposerait pas de démonstration. Vouloir appuyer cette vérité par des argumentations reviendrait même à l’affaiblir. Le moi est une vérité intuitive. On ne peut pas prouver l’existence du moi : c’est une vérité première, un fait évident. Cette vérité première servirait d’ailleurs à fonder d’autres vérités. Là encore, Descartes est très clairement visé : le cogito (le moi comme substance pensante) est la première certitude qui permet d’en chercher d’autres. C’est le premier noyau stable que Descartes trouve après l’effet déstabilisant du doute hyperbolique mis en oeuvre dans la première méditation. Si on se représente les connaissances sous forme de strates, la connaissance du moi est une base, un sol, un fondement. C’est un système que l’on nomme académiquement le « fondationnalisme ».

Hume a ainsi exposé la conception notamment cartésienne selon laquelle il y a une évidence de l’idée du moi, évidence appuyée par les passions et les sensations qui n’a pas besoin d’être démontrée et fonde au contraire toute autre connaissance. Hume va alors s’attacher à en faire la critique.

II- La critique de l’idée du moi : la théorie empirique de la connaissance contre l’unité du moi

Hume prend alors un point de vue empiriste. Il se place sur le terrain de l’expérience pour réfuter la thèse précédente. La question qu’il pose est la suivante : de quelle impression, de quelle sensation peut bien découler cette idée du moi ? Si elle provient d’une sensation, alors elle existe bel et bien. Sinon, le moi n’est qu’une invention de l’esprit humain, une unité posée arbitrairement. Tel est l’articulation centrale de cet extrait. Il faut rappeler que dans la théorie empiriste de Hume, toute connaissance provient des sensations. Dans Enquête sur l’entendement humain (Section II, de l’origine des idées), Hume distingue les impressions, perceptions de l’esprit et, d’autres part l’imagination et la mémoire. Si l’esprit semble libre de tout inventer (former des monstres, unir des apparences discordantes, etc.), son pouvoir créateur est en fait limité à la composition, la transposition, l’accroissement ou la diminution des matériaux qu’apportent les sens et l’expérience. Autrement dit, toutes les idées sont des copies des perceptions les plus vives, des impressions. Il s’agit donc ici d’examiner l’origine de l’idée du moi. Comme Hume le dit dans la section II de l’Enquête sur l’entendement humain, la proposition selon laquelle toute idée provient des sens, c’est-à-dire la théorie empiriste de la connaissance, permet de rendre toute discussion intelligible et « de bannir le jargon métaphysique qui ne renvoie pas à la réalité et qui ne correspond pas à des impressions ». Hume déplace donc le problème de l’existence du moi et de l’identité sur le plan de leur origine. D’où proviennent ces idées : proviennent-elles des sens ou sont-elles des chimères ? Le moi ne serait-il pas une illusion métaphysique aveuglant les philosophes qui l’ont précédé ? Pour Hume, nulle impression n’est à l’origine de cette idée. Hume donne pour synonyme du « moi » la « personne ». On retrouve l’individu (idée d’unité), mais c’est aussi une référence au théâtre, de par son étymologie : personne est un mot d’origine étrusque signifiant le masque de théâtre. On retrouvera d’ailleurs ce thème à la fin de cet extrait comme illustration de sa thèse de la non existence du moi. Le moi est, selon Hume, non pas issu d’une impression, mais ce à quoi toutes nos impressions, toutes nos idées sont censées se rapporter : « censées » indique bien la prise de distance de Hume face à cette thèse.

Suit l’examen de la nature de l’impression d’où devrait provenir l’idée du moi. Pour que le moi existe, c’est-à-dire pour que le moi découle d’une impression, il faudrait que cette impression soit toujours la même, pendant toute la durée de notre existence. Car au moi est traditionnellement associée l’idée d’identité, d’unité (Cf. Descartes). Le problème devient donc le suivant : existe-t-il une telle impression stable. Si oui, le moi peut exister, sinon, ce n’est pas possible.

Pour Hume, aucune impression n’est stable, constante. Autrement dit, il y a une sorte de flux perpétuel, une succession incessante d’impression (douleurs, plaisirs, passions, sensations). Il ne peut y avoir juxtaposition, addition simultanée de toutes les impressions. L’idée du moi ne peut provenir de ces impressions puisqu’elles ne peuvent exister en même temps, donc ne peuvent exister tout le temps de notre vie. L’idée du moi n’existe donc pas : c’est une simple illusion. En s’appuyant sur sa théorie empiriste de la connaissance, Hume est parvenu à démontrer que le moi n’existe pas.

III- De la vacuité de l’idée du moi à la multiplicité des impressions atomiques

Puisque le moi n’existe pas, toutes les perceptions particulières sont atomiques, atomisées : « elles sont toutes différentes, discernables et séparables les unes des autres ; on peut les considérer séparément et elles peuvent exister séparément : elles n’ont besoin de rien pour soutenir leur existence.« . La diversité de nos perceptions n’a pas besoin d’une réduction à l’unité sous la forme d’une identité personnelle. La question qu’il pose est celle du rapport entre cette multiplicité de perception et l’unité d’une personne, d’un sujet : « de quelles manières appartiennent-elles donc au moi et comment sont-elles en connexion avec lui ?« .

L’introspection, selon Hume, ne fait nullement aboutir à une unité du sujet, mais à une perception particulière : chaud / froid, lumière / ombre, etc. Il n’y a pas de saisie, d’intuition du sujet : il n’y a de saisie possible que d’impressions, de perceptions atomisées. Il n’y a donc pas, chez Hume, de réduction de la multiplicité à une unité (le moi), mais au contraire une dissolution de l’unité fictive dans la multiplicité perceptive.

D’ailleurs, le « moi » (mais faut-il continuer à utiliser se concept ?) est tellement lié aux impressions particulières, l’unité est tellement « noyée », effacée par les impressions particulières et diverses que quand il n’y a pas de perception, on peut aller jusqu’à dire que je n’existe pas. Hume reprend ici l’attribut d’existence que liaient les philosophes comme Descartes au moi et à l’unité personnelle. Mai contrairement à Descartes, il défend que l’existence du sujet ne dure pas, n’est pas continue. Dans quels cas rencontre-t-on ces interruption de l’existence du moi ? Hume évoque deux cas : la mort, bien sûr, mais aussi le sommeil. Quand je dors, je n’ai pas de perception (mais l’on peut critiquer cette idée => Cf. théorie du rêve selon Bergson). Puisque le moi se réduit à la diversité et la particularité irréductibles des perceptions, le moi est éclipsé : quand les impressions cessent, le moi se retire. Avec la mort, les impressions cessent définitivement : le moi est alors détruit. L’âme ne serait donc pas immortelle : encore une opposition, sous forme d’hypothèse formulée au conditionnel, à Descartes…

Hume conclut ce troisième temps pas l’idée d’un discours impossible avec les métaphysiciens. Ils défendent qu’ils ont une intuition du moi. Hume ne trouve pas en lui ce genre d’intuition. Pour reprendre la deuxième section de l’Enquête sur l’entendement humain, il ne peut y avoir de discussion rationnelle. Le métaphysicien pourrait très bien être dans le vrai : mais Hume, quant à lui, ne perçoit pas l’idée du moi. Même si on peut ici voir assez clairement que Hume conçoit ce genre de thèse métaphysique comme fausse et illusoire, il affirme en tous cas explicitement que la saisie intuitive du moi n’est pas universelle (puisque lui-même ne le saisit pas).

Ainsi, puisque le moi n’existe pas, on a vu que Hume en a tiré une théorie du moi comme divers, comme collection non unifiée de perceptions diverses et atomisée. Qui plus est le moi ne perdure pas : il n’existe que tant que les impressions existent. Le moi se réduit ainsi aux impressions diverses.

IV – L’illustration théâtrale du moi

Hume termine la démonstration de sa thèse par une illustration. Avant de proposer celle-ci, Hume reformule sa thèse. Les hommes ne sont que des faisceaux, des collections de perceptions différentes. Nous ne sommes que des amas, des accumulations de perceptions successives. Nous ne sommes qu’un flux perpétuel de perceptions, d’impressions qui se présentent à l’esprit, nous nous réduisons à nos multiples perceptions. L’opposition à Descartes, on l’a vu, est franche est multiple. Le moi n’existe pas : il n’y a pas d’unité ni d’identité. La chose figée fait place au mouvement.

Un simple mouvement corporel, comme le mouvement des yeux, fait varier nos perceptions, donc produit de la multiplicité (perception visuelle). Nos pensées varient encore plus car non seulement la vue modifient nos idées, mais les autre sens également. Toutes les idées provenant des sens, elles sont fortement changeantes puisque les impressions se succèdent et changent sans cesse. La mémoire et l’imagination participent également au mouvement incessant du « moi ». Finalement, le moi devient synonyme de flux, de mouvements de perceptions.

Hume compare alors le moi à un théâtre (« une sorte de théâtre »). On a relevé auparavant le lien étymologique entre la personne et le théâtre. L’analogie prend donc ici tout son sens. Le moi est un théâtre où se succèdent les perceptions (ex : chaud / froid), où elles repassent plusieurs fois. Les perceptions changent sans cesse : elles entrent et sortent comme des personnages sur une scène de théâtre. Cette image utilisée par Hume sert à appuyer l’idée qu’il n’y a pas d’unité, que rien ne reste le même : l’esprit, tout comme ce qui se passe sur scène, n’est jamais le même. Que ce soit à un moment précis ou continûment, il n’y a pas d’unité. Tout se passe donc comme dans théâtre où les acteurs bougent, changent de place, sont plusieurs, plus ou moins nombreux, etc. Mais le problème de cette image réside dans la notion de « lieu ». L’esprit serait un lieu comme le théâtre est situé physiquement ? Y a-t-il une notion d’esprit comme substance ?

Hume précise alors les limites de l’image utilisée : « La comparaison du théâtre ne doit pas nous égarer« . L’esprit n’est, encore une fois, que ses perceptions, c’est-à-dire multiplicité, mouvement et diversité. On ne doit pas le considérer comme un lieu, une chose unifiant. Il n’y a pas de connaissance possible ni d’idée du lieu où s’enchaînent les perceptions (« ces scènes »), ni de la façon dont est constitué l’esprit (si c’est une substance). L’image du théâtre peut donc être trompeuse, et c’est pour cette raison que Hume avance immédiatement ces précisions. En outre,Hume ne le dit pas ici, mais on peut penser au problème du spectateur qui voit cet enchaînement de scène et en fait la synthèse (ex : intrigue commune)… Bref, l’illustration est imparfaite.

Dans ce dernier temps, Hume a donc comparé l’esprit à une sorte de scène de théâtre où entrent et sortent en permanence les acteurs (impressions), tout en en pointant les limites. L’esprit n’est pas le lieu, l’unité du divers des perceptions : l’esprit reste flux, mouvement de perceptions sans unité ni identité.

Hume a donc rejeté l’idée du moi et de l’identité personnelle dans le rang des idées métaphysiques, c’est-dire dénuées de sens grâce à sa théorie empiriste de la connaissance. L’esprit n’est que diversité de perception et non unité substantielle. En ce sens, le moi disparaît : il est évincé. C’est un non lieu, un nulle part, un rien où se déroulent pourtant toutes les scènes de notre vie, comme dans un théâtre virtuel.

Hume s’attache, à la suite de cet extrait, à montrer les raisons qui font pourtant que l’on a propension naturelle à poser une identité personnelle (on réduit les ressemblances à l’unité en délaissant les différences).

source :  http://djaphil.fr/textes/lecture-david-humetraite-de-la-nature-humaine-i-4-6-lidentite-personnelle-126

Partager cet article

dissertation qu'est ce que le moi

Vous aimerez aussi :

Justice, Etat & morale : A. SCHOPENHAUER, "Le monde comme volonté et comme représentation" (1819, 1844)

Commenter cet article

Abonnez-vous pour être averti des nouveaux articles publiés.

  • Top articles
  • Signaler un abus
  • Cookies et données personnelles
  • Préférences cookies

Les Sherpas, média étudiants

  • Donner des cours
  • Cours particuliers
  • Comment bien apprendre
  • Réussir ses examens et concours
  • Se motiver et s'inspirer
  • Méthode et organisation des études
  • Booster sa productivité
  • Techniques de mémorisation
  • Gérer son mental
  • Techniques de révision efficaces
  • Se préparer à l'oral
  • Portraits inspirants
  • Conseils et astuces pour la motivation
  • Matières litteraires
  • Matières scientifiques
  • Langues vivantes
  • Sociologie et Sciences politiques
  • Économie & Gestion
  • Philosophie
  • Culture générale
  • SVT - Biologie
  • Physique-chimie
  • Informatique - NSI
  • Techno – Sciences de l’ingénieur
  • Géopolitique
  • Sciences Politiques
  • SES - Économie - ESH
  • Arts plastiques
  • Classements
  • Orientation et Parcoursup
  • Diplômes & Formations
  • Écoles & Établissements
  • Alternance et stages
  • Études à l'étranger
  • Financement des études
  • Classement prépas
  • Classement écoles
  • Classement lycées
  • Classement universités
  • Classement PISA
  • Conseils d'orientation
  • Test d'orientation
  • Fiches diplômes
  • Fiches formations
  • Choisir son école
  • Fiche écoles & établissements
  • Fiches métiers
  • Fiches secteurs
  • Formations à l'étranger
  • Aides et bourses pour étudier
  • Prêts etudiants
  • Devenir indépendant
  • Prendre soin de toi
  • Loisirs et bons plans
  • Actu et Société
  • Vie associative et engagement
  • Vivre ou voyager à l'étranger
  • Argent & budget
  • Vie professionnelle
  • Permis de conduire
  • Amour et amitié
  • Psychologie
  • Cuisine étudiante
  • Les dates à retenir
  • Annales et corrigés
  • Plannings à télécharger
  • Modèles de lettres de motivation
  • Nos ebooks étudiants
  • Nos webinaires
  • Tests de revision
  • Tests d'orientation
  • Tests de personnalité
  • Bac & Brevet

15 mai : Journée nationale des révisions !

Tu t’apprêtes à plonger dans tes révisions pour le bac, le brevet, les concours, ou n’importe quelle autre épreuve bien stressante ? Les Sherpas se mobilisent en lançant la Journée nationale des révisions le 15 mai !

journee-revisions

Notre newsletter 💌

Tu ne veux pas perdre une miette de nos articles et vidéos ? Inscris-toi à notre newsletter et reçois toutes nos nouveautés, deux fois par mois dans ta boîte mail !

dissertation qu'est ce que le moi

Nos cours particuliers 📚

Tu savais que les Sherpas proposent des cours de soutien scolaire adaptés à ton niveau ? Découvre-les vite !

Cours de soutien scolaire

Trouve le bon prof particulier pour réussir ! 🧑‍🏫

🧑‍🏫 Tu cherches le prof particulier idéal ?

🧑‍🏫 Je cherche un prof particulier de

  • Apprends par matière

La figure du moi et la question du sujet en philosophie 🤓

Partage cet article :

Tu es en première année de prépa HEC (commerciale) ? Alors ton programme de Lettres et Philosophie est constitué de thèmes très variés. Celui intitulé « Les figures du moi et la question du sujet en philosophie depuis la Renaissance » n’en est qu’un parmi tant d’autres !

Si la philosophie, c’est vraiment pas ton truc (et encore moins quand ça parle de conscience, d’inconscient, de surmoi…), cet article te donnera les clés pour tout comprendre à ce chapitre !

À lire aussi

Pour t’aider à travailler cette matière, découvre nos articles :

✅ Comment travailler la culture générale en prépa HEC

✅ La dissertation de culture générale (+ corrigé) en prépa HEC

Le Moi en philosophie : l’affirmation du sujet

Ce chapitre porte sur le Moi en philosophie, alors ça serait déjà bien de commencer par se demander : «  mais au fait, qu’est-ce que le Moi en philosophie ?  » !

Sache que le sujet, le Moi, la conscience…, c’est un vaste concept qui a fait beaucoup débat parmi nos amis philosophes, ne serait-ce que sur le fait qu’il soit réel ou non ! Pendant longtemps, la tendance générale a été d’affirmer que oui (mais tu verras plus loin que ce n’est pas l’avis de tout le monde), on va donc commencer par là. 😉 

La conscience de soi, un trait propre à l’Homme 😇

La question du sujet en philosophie, c’est un peu la base. C’est pour ça que beaucoup de penseurs ont voulu définir ce que pouvait bien être le sujet.

👉 Ainsi, pour Descartes , le sujet, c’est un être doté de subjectivité, c’est-à-dire qui a sa propre vision de la réalité, contrairement à l’objet. Le sujet est donc une chose pensante . Il a une conscience de lui-même, de son identité propre (le Moi). Il est capable de dire « Je » en parlant de lui-même.

La conscience, c’est tout simplement le fait que tu saches de façon intuitive que tu existes, que tu es un « je » par rapport à un monde extérieur . C’est en fait une connaissance innée. Ça retourne le cerveau, quand t’y réfléchis un peu trop 😆

Pour Descartes, l’existence du sujet est la seule vérité absolue du monde . En effet, Descartes pratique ce qu’on appelle le doute méthodique : il considère que rien n’est absolument certain, puisque nos sens (qui sont les outils avec lesquels on perçoit le monde, en fait) peuvent nous tromper. La preuve, tu t’es déjà fait avoir par des illusions d’optiques !

Descartes n’a donc qu’une seule certitude : celle d’être conscient (logique, puisqu’on a vu que c’était une connaissance innée). Le sujet est donc bel et bien une réalité pour lui… c’est même la seule ! Il le résume dans son Discours de la méthode par une formule célèbre :

Je pense donc je suis .

René Descartes

Philosophe et scientifique français

✅ Pour briller dans tes copies, va lire notre article qui présente 16 citations philosophiques expliquées !

👉 Cette capacité qu’on a de pouvoir se « penser soi-même », d’avoir conscience d’être un « je », est un super-pouvoir propre à l’Homme. En tout cas, c’est ce que pense Kant dans son Anthropologie du point de vue pragmatique  (oui, Kant est fan des mots super compliqués).

Une chose qui élève infiniment l’ homme au-dessus de toutes les autres créatures qui vivent sur la terre, c’est d’être capable d’avoir la notion de lui-même, du Je .

Emmanuel Kant

Philosophe allemand

C’est vrai, après tout, tu ne t’es jamais demandé si ton chien ou ton chat avait conscience d’être lui-même ? Généralement, quand il se voit dans le miroir, un animal prend son reflet pour un autre que lui, alors que les humains, même bébés, comprennent très vite le principe. Fais le test si tu as un animal de compagnie, et tu pourras nous dire en commentaire si Kant avait raison ou non 😆

💡 En littérature

Tu l’as remarqué (ou pas), la question du sujet en philosophie est très présente à l’époque des Lumières : Descartes et Kant font partie des penseurs stars de cette période. Or, la philosophie des Lumières influence beaucoup les arts : le livre des Confessions de Rousseau (son autobiographie) est une des œuvres marquantes sur la figure du Moi en littérature .

Logo Sherpas

ENS Paris-Saclay

Aix-Marseille Université

Télécom Paris

Sciences Po Bordeaux

Sciences Po Paris

Besoin d’un prof particulier niveau prépa ? ✨

Nos Sherpas sont là pour t’aider à progresser et prendre confiance en toi.

L’unité du sujet : qu’est-ce qui fait notre identité ? 🧐  

Affirmer que chacun de nous est un sujet pensant, ça suppose qu’on ait tous une identité propre. Tu n’es pas la même personne que ta voisine de palier, logique. Mais si nous avons tous conscience d’exister, qu’est-ce qui fait vraiment de nous une personne ? Nos caractéristiques propres ne restent pas figées : le corps vieillit, les goûts changent, même le caractère peut évoluer… On ne peut donc pas se baser sur elles pour définir notre identité profonde. Alors qu’est-ce qui fait chez toi que tu es… toi ? 🤔 

👉 Pour Locke , ce qui fait de toi la personne que tu es, c’est la conscience de tes actes, non seulement présents, mais aussi passés. Autrement dit, la mémoire . Eh oui, c’est elle qui fait le lien entre ce que tu as été avant et ce que tu es maintenant : voilà pourquoi même si tu as beaucoup changé depuis ton enfance, tu es toujours la même personne !

💡  Le Moi est donc lié à la mémoire : on est ce qu’on a été.

La question du sujet en philosophie : un produit d’influences extérieures

L’affirmation du sujet comme quelque chose d’inhérent à la personne n’est pas un avis partagé par tous les philosophes. En effet, vers le XIX-XXe siècle, d’autres penseurs voient le Moi en philosophie surtout comme le résultat de circonstances extérieures. C’est pas faux, après tout : au cours de ta vie, tu es en permanence influencé par des facteurs qui ne viennent pas de toi, et qui peuvent peser sur tes opinions, tes choix, ton physique, ta situation de vie…

👉 Pour Marx , le sujet est un produit de la société : il est construit par ses relations sociales, par sa place dans la société, par le poids des normes extérieures… Évidemment, la société peut avoir une influence sur ton Moi, par exemple en établissant des standards de beauté que tu vas intégrer inconsciemment.

👉 En parlant du loup, pour Freud, c’est l’inconscient qui nous influence , ce qui fait donc que l’on n’est pas entièrement maître de soi. 

📌  Freud, médecin avant d’être philosophe, est le fondateur de la psychanalyse : c’est la discipline qui s’intéresse à l’inconscient, c’est-à-dire, ben… tout ce dont tu n’as pas conscience !

📌  Freud a élaboré une théorie d’organisation de l’appareil psychique (c’est-à-dire, en gros, l’esprit : « psychique » vient du grec psukhê qui veut dire « âme » !). Elle contient deux éléments qu’on appelle topiques :

  • la première topique de Freud divise l’appareil psychique en trois systèmes : le conscient, l’inconscient et le préconscient (la mémoire)
  • la seconde topique de Freud le divise en trois instances : le Ça (les pulsions inconscientes), le Moi (la personnalité) et le Surmoi (l’intériorisation des interdits, des lois et des normes, qui empêche le Ça de faire n’importe quoi)

👉 Donc, en psychanalyse, ton Surmoi (c’est lui, la petite voix raisonnable dans ta tête) est là pour empêcher tes pulsions de prendre le pas. Malgré tout, ton Ça est très puissant et il a quand même une influence sur ton Moi (ouf, tu suis toujours ?). La preuve, pour Freud : les actes manqués, les lapsus, tous ces petits accidents révélateurs qui trahissent parfois le contraire de ce qu’on voulait faire ou dire !

Notre expérience quotidienne la plus personnelle nous met en présence d’ idées qui nous viennent sans que nous en connaissions l’ origine .

Sigmund Freud

Neurologue autrichien

✅ La notion d’inconscient en philosophie

La Sorbonne

Arts et Métiers ParisTech

CentraleSupélec

Ton premier cours particulier est offert ! 🎁

Nos profs sont passés par les meilleures écoles et universités.

Le Moi, une illusion ? La négation du sujet

Vu que le Moi peut être un produit de facteurs extérieurs, tu peux désormais comprendre que certains philosophes nient carrément l’existence du sujet ! On te résume les principaux points de vue là-dessus.

👉 Pour Nietzsche (dont la pensée est aussi complexe que l’orthographe de son nom 😆), le concept d’un Moi souverain est une illusion. Il pense que la conscience n’a qu’une importance très secondaire, car c’est un organe encore inachevé, avec un rôle mineur.

👉 Pour le linguiste Emile Benveniste , le sujet existe seulement dans la parole. Il se construit à travers le langage uniquement : tu dis « je » quand tu parles de toi et pas des autres, mais ça s’arrête là. Quand on y pense, c’est vrai que les animaux, qui ne seraient donc pas des sujets, ne parlent pas… 😇

👉 Pour Leibniz , ça va encore plus loin : le Moi n’est personne. Nous ne sommes qu’un ensemble de perceptions en perpétuel changement , une agrégation de ce qu’il appelle des « monades » (des unités). 

👉 Ça rejoint un peu la théorie philosophique de Hume , selon qui le Moi n’est qu’un mot, une collection d’états de conscience successifs. 

La vision du poète Rimbaud (XIXe siècle) rejoint cette idée de négation du sujet. Il se demande qui parle vraiment quand il dit « Je ». Est-ce lui, ou un autre ? Et qu’est-ce que ça veut dire au fond, « être soi » ? (Oui, Rimbaud se posait beaucoup de questions existentielles 😆). Pour lui, le poète est un être à multiples facettes, un kaléidoscope de personnalités. Difficile de concevoir un Moi unique et singulier là-dedans, donc.

Je est un autre .

Arthur Rimbaud

Poète français

La réhabilitation du sujet : le Moi est une conquête

Un peu triste de se dire que le Moi en philosophie n’est qu’une illusion et que le sujet n’existe pas… Mais d’autres philosophes ont encore une idée différente là-dessus. Ils pensent en fait que le sujet existe bel et bien, que le concept de Moi ne serait pas inné, mais acquis (contrairement à ce qu’on t’avait présenté dans la première partie).

👉 En effet, le Moi se manifeste pendant l’activité volontaire du sujet, comme par exemple l’activité de la réflexion. C’est aussi ce que voulait dire Descartes avec son fameux «  Je pense donc je suis  » : c’est ce travail volontaire de pensée qui, en fait, fait de l’humain un sujet et non un objet.

👉 Il y a donc bien un Moi, mais c’est une réalité à créer. C’est un effort pour essayer de s’unifier soi-même, entre passé et présent (tu te souviens du rôle de la mémoire ?). On retrouve cette idée d’ effort chez le philosophe Husserl , qui dit que le Moi est une intentionnalité . En gros, ça veut dire que la conscience sait qu’elle est consciente, et qu’elle fait l’effort de « modifier » le Moi pour unifier ton identité. On est d’accord, c’est un peu complexe. 🤯 

👉 Cette idée philosophique du Moi comme conquête réhabilite certes l’existence du sujet, mais elle le considère autrement. Si le Moi en philosophie est une conquête, alors logiquement, l’homme n’est que ce qu’il veut être . 

Le plus représentatif de cette théorie est Sartre , philosophe du XXe siècle. Dans son ouvrage L’ existentialisme est un humanisme , il soutient l’idée que l’homme est un « faire » avant d’être un « être ». 

L’ existence précède l’ essence .

Jean-Paul Sartre

Auteur et philosophe français

Contrairement à un objet, chaque personne dispose d’une conscience, d’une raison, d’une autonomie, etc. C’est donc super cool, mais il y a deux conséquences : la liberté et la responsabilité de l’individu dans toute sa vie.

👉 Pour Sartre, le sujet n’est donc pas le produit d’influences extérieures , comme le pensent Marx ou Freud. Il considère que se reposer sur ça, c’est faire preuve de mauvaise foi : facile de rejeter la cause de ses échecs sur des facteurs externes ! Tu es ce que tu fais, rien d’autre . Et le fait d’en être conscient devrait te pousser à être acteur de ta vie, à faire usage de ta volonté. Pas de passivité avec Sartre ! 😉  

💡  Le Moi en philosophie, c’est ce qui est à créer.

On te laisse avec une dernière citation qui donne une belle leçon de vie ! 🚀

Faire , et en faisant, se faire .

Jules Lequier

Philosophe français

Polytechnique

Sciences Po Lyon

Mines ParisTech

Ton premier cours particulier de philosophie est offert ! 🎁

Tous nos profs sont passés par les meilleures écoles de France !

Teste tes connaissances sur le Moi en philosophie !

Partagez le quiz pour voir vos résultats !

Inscrivez-vous pour voir vos résultats, j’ai eu %%score%% sur %%total%%..

Chargement…

Søren Kierkegaard : le philosophe de l’individu face à l’infini ‍

Ton premier cours est offert ! 🎁

4 points de plus sur ta moyenne en prenant des cours particuliers avec l’un de nos Sherpas ! 👇

profile picture

Laisse-nous un commentaire !

Des questions ? Des bons plans à partager ? Nous validons ton commentaire et te répondons en quelques heures ! 🎉

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Commentaire *

Enregistrer mon nom, mon e-mail et mon site dans le navigateur pour mon prochain commentaire.

Autant pour moi ou au temps pour moi ?

Notre ebook pour réussir ta Prépa HEC

dissertation qu'est ce que le moi

Télécharge notre guide et découvre comment réussir tes années en Prépa HEC grâce à nos conseils et nos méthodes ! 👩🏻‍🎓

à notre newsletter

Tu galères à organiser tes révisions ?

Dernière ligne droite pour les révisions !

Les épreuves approchent : c’est l’heure des révisions.

Découvre nos plannings de révisions !

👉 Ils sont gratuits et disponibles pour tous les niveaux !

Avec ça, tes révisions ne seront plus une prise de tête 😉

Tu galères à organiser tes révisions ?

  • Site de WordPress-FR
  • Documentation
  • Forums de support
  • Vos retours

Le blog philo de Hervé MOINE, professeur de philosophie itinérant – laphilo.com ©

Pascal. « Qu’est-ce que le moi ? »

Exercice proposé à l’occasion d’un travail en autonomie (sur le principe de la classe inversée) pour le groupe B de TL. Ce groupe est divisé en deux équipes. La quatrième équipe devra réaliser une émission de radio philosophique à partir d’un travail sur un extrait des Pensées de Pascal.

Assurément, l’une des formules les plus connues de était le fameux . Mais qu’est-ce donc que le « moi » ? Par ce précepte Socrate faisait de la réflexion du moi sur lui-même le socle originel de toute méditation philosophique. Cette dernière étant avant tout réflexion sur l’être dans son universalité, le

« Moi » qu’il faut connaître ne peut être seulement le moi particulier. Le moi particulier est siège de tous mes penchants, passions et autres affections individuelles, ce moi-là est fugace, changeant, variable et par conséquent je ne puis en tirer qu’une connaissance provisoire, incertaine et possédant tous les défauts de la connaissance purement subjective. Il faudrait faire abstraction de toutes les attributions du « Moi ». Mais qu’est le « Moi » indépendamment de toutes ses affections particulières ? Que reste-t-il du « Moi » lorsque j’en ai ôté toutes les qualités accidentelles dont je puis être porteur ?

Telle est la question que pose dans ses , à la recherche de ce qui en chacun de nous dépasse les particularités individuelles et constitue la substance même de notre être. La question est question capitale, puisque la possibilité même de la poser nous met en présence de cette capacité que possède le moi de dépasser ses particularités par la pensée en en faisant abstraction.

est ce qui demeure permanent au sein d’un être. sont les propriétés qui n’affectent pas la substance de cet être. Pascal soutient qu’aucune propriété ne permet à elle seule de définir le « Moi » : le corps et l’âme de la personne ne cessent de changer, tout comme ses qualités, mais la personne demeure la même.

 

Blaise PASCAL, (1669)

Contenu de l’exercice inspiré du Manuel « Philosophie » Magnard. www.magnard.fr

TRAVAIL EN AUTONOMIE du Vendredi 23 septembre 2016

Partie individuelle : 1°) Lire le texte en tenant de le comprendre en vous aidant de l’introduction. 2°) A partir de la structure du texte, répondez aux questions posées correspondant à chacune des parties du texte. 3°) Quelles réponses ce texte de Pascal permet-il de fournir à la question suivante :

  • Le « moi » est-il une fiction ?

Partie en équipe : 1°) Partagez votre compréhension du texte. Y a-t-il des points de désaccords ? Le partage doit vous permettre de compléter, d’éclaircir, d’approfondir. 2°) Travaillez la mise au point d’un enregistrement d’une émission philosophique portant sur ce texte : Trouver un titre (philosophique ex : l’identité du sujet) ; partagez les rôles : 1 animateur, 1 lecteur et 4 intervenants / surtout ne pas donner l’impression de lire votre papier / Aidez-vous de la trame ci-dessous et rédigez un conducteur.

Titre et présentation Animateur : Bonjour, Vous écoutez PhiloWebRadio. Aujourd’hui, nous évoquerons la question de la réalité du « moi » à travers une célèbre Pensée de Pascal : « Qu’est-ce que le moi ? » Pour en parler, nous avons sur le plateau, ….
Lecture de la partie 1 Lecteur :
Question 1 Animateur L’animateur donne la parole à
Réponse à la question 1 Intervenant 1
Lecture de la partie 2 Lecteur
Question 2 Animateur
Réponse à la question 2 Intervenant 2
Lecture de la partie 3 Lecteur
Question 3 Animateur
Réponse à la question 3 Intervenant 3
Question 4 Animateur Pourquoi Pascal a-t-il choisi l’exemple de l’amour pour montrer que l’identité constituait un problème philosophique ?
Réponse à la question 4 Intervenant 4
Conclusion Animateur « On n’aime personne que pour des qualités empruntées, nous dit Pascal» c’est par cette parole quelque peu pessimiste que nous quittons. Nous vous donnons rendez-vous pour une prochaine émission. Vous étiez sur PhiloWebRadio. A bientôt !

📚 Révise ton bac en podcast ici ! 🎧

Qu'est-ce le moi ?

La tradition qui associe le « moi » à l’esprit, support des pensées, tombe dès le xix e  siècle sous les coups de la philosophie du soupçon. C’est pour le moi sinon une disparition, du moins une métamorphose.

I Un noyau immatériel

Le « moi » est la forme substantivée d’un pronom traduisant le latin ego , « je », « moi ». Son affirmation est traditionnellement rattachée à Descartes , qui le rapporte à l’esprit ou « substance pensante » : le moi est le support des pensées , par lequel je reste celui ou celle que j’ai conscience d’être en dépit des changements qui affectent mon corps.

« Ce moi, c’est-­à‑dire l’âme par laquelle je suis ce que je suis » (Descartes, Discours de la méthode , 1637)

Schopenhauer reconnaît lui aussi « un noyau de notre être qui n’est pas dans le temps », mais il le situe dans la volonté et le caractère plutôt que dans la conscience qui laisse échapper tant de souvenirs. La persistance de l’ identité se manifeste dans le « regard », auquel on reconnaît infailliblement une personne même après un grand nombre d’années ( Le Monde comme volonté et comme représentation , 1819-1859).

Du latin idem , « même », l’identité désigne le caractère unique et permanent de la personne en dépit de ses changements

II Une fiction

Constater l’existence de la pensée ne permet pas de conclure à celle d’une chose qui pense . À bien observer en soi-­même, on ne trouve qu’un flux ininterrompu d’impressions et de sensations – une « rhapsodie de perceptions », dit Hume – mais aucun principe fixe qui en serait le support : « nous n’avons aucune idée du moi » ( Traité de la nature humaine , 1739-1740).

Pour Nietzsche, l’emploi du pronom « je » nourrit une « illusion grammaticale » . Notre confiance spontanée dans la grammaire nous pousse à introduire, dans ce flux du devenir et des apparences, l’idée d’un sujet comme support stable des pensées : « On a inventé le sujet, le moi » ( La Volonté de puissance , 1886).

La philosophie du sujet est également contestée par le marxisme puis le structuralisme, où le moi est reconnu comme le produit de multiples influences sociales et culturelles. De fait, on parle bien aujourd’hui de nos « identités mêlées » dans le contexte d’une société multiculturelle.

III Une instance en construction

Inventeur de la psychanalyse, Freud réduit le moi à une mince partie de l’esprit chargée de ménager la relation entre monde intérieur et monde extérieur . La deuxième topique distingue le moi , partie consciente de la personnalité, le ça , réservoir des pulsions inconscientes, et le surmoi qui se constitue sous l’influence de l’éducation.

Du grec topos , « lieu », les topiques sont des schémas dans lesquels Freud présente les différentes instances du psychisme. Il formule la première vers 1900 et la seconde vers 1920.

« Le moi n’est pas maître dans sa propre maison » : sommé de satisfaire trois tyrans aux exigences incompatibles, le moi est constamment menacé d’angoisse (« réelle » devant le monde extérieur, « morale » devant le surmoi, « névrotique » devant le ça). Le but de la psychanalyse est de renforcer ce moi au départ bien fragile ( Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse , 1932).

Pour Ricœur, les trois « maîtres du soupçon » que furent Marx, Nietzsche et Freud ont fait éclater l’unité et l’assurance du cogito cartésien. Mais l’histoire du moi ne se réduit pas pour autant à celle d’un déclin : si l’identité n’est pas donnée d’emblée, elle peut être construite par un sujet fragile, certes, mais capable d’agir, d’assumer, de se raconter, d’où le concept d’ « identité narrative » ( Temps et récit , 1983-1985).

Pour lire la suite

Et j'accède à l'ensemble des contenus du site

Et je profite de 2 contenus gratuits

CAIRN.INFO : Matières à réflexion

  • Les Études philosophiques
  • Numéro 2009/1 (n° 88)
  • Qui est le moi ?

dissertation qu'est ce que le moi

  • Suivre cet auteur Vincent Carraud
  • Dans Les Études philosophiques 2009/1 (n° 88) , pages 63 à 83

Cité par

Sur un sujet proche.

  • file_download Télécharger

1 Le projet d’une histoire du concept de « moi » intéresse-t-il la philosophie ? Non pas l’histoire de ce qu’ont désigné et signifié « je », « moi » ou leurs équivalents dans d’autres langues à telle ou telle époque, mais l’histoire de la nominalisation du pronom de sorte que l’on ait pu dire « le moi », c’est.à-dire l’employer comme un substantif, et parler de lui comme d’un objet. Cette histoire a, en français, un commencement, auquel on peut assigner une date et un lieu : 1655 ou à peu près, dans un texte – un brouillon – que nous lisons aujourd’hui dans ce qui a été publié alors comme des Pensées . « Le moi » est une invention de Pascal, qui prend acte en français d’une étonnante expression latine de Descartes, ego ille  : ce moi ? le moi ?... « Qu’est-ce que le moi ? » : si nette fût l’irruption de cette expression, si inaugurale se fût-elle voulue, si expéditive fût la critique de la substance pour laquelle elle était faite, « le moi » n’en est pas moins d’abord l’interprétation d’une première insatisfaction cartésienne, et par là d’une première question : affirmer la vérité de « je suis, j’existe », ce n’est pas suffisant pour comprendre qui je suis, moi qui suis, « Nondum vero satis intelligo, quisnam sim ego ille, qui jam necessario sum » (AT, VII, 25, 14-15). La Meditatio II est le déploiement de cette question liminaire – que, sitôt ouverte, Descartes lui-même a peut-être perdue de vue en cours de méditation, que Pascal en tout cas a voulu hâtivement refermer, du moins en métaphysique, pour la rouvrir ailleurs, dans ce qu’il appelle « morale ». Quoi qu’il en soit, si je suis sûr que j’existe – qui en a jamais douté ? –, « le moi » n’a pas toujours existé. Or l’histoire des concepts est seule en mesure de rendre compte des faits de la langue philosophique. Si l’expression « le moi »  [1] est une invention cartésienne de... Pascal, et si telle invention lexicale n’a de sens qu’à être l’effet d’une innovation conceptuelle, reste à rendre raison de cette décision à la fois textuelle et philosophique.

2 Descartes n’était pas homme à revêtir d’un nom nouveau un concept ancien – Pascal ne l’était pas davantage. La nouveauté est ici l’indice de ce que le moi n’est comme tel identifiable à aucun des concepts avec lesquels il est ordinairement confondu : le sujet, l’esprit, l’âme, l’intellect, l’individu, la personne, etc., tous autrement plus anciens. Il est donc requis de les distinguer pour prendre la mesure non seulement de l’apparition du moi en philosophie, mais encore de l’inversion à laquelle elle donne lieu dès lors que c’est du moi que tel ou tel concept de cette liste reçoit ensuite une élucidation nouvelle, comme « mens, sive animus, sive intellectus, sive ratio » la reçoivent de la compréhension du moi comme res cogitans . On ne confondra pas non plus le moi avec le soi, self, Selbst, marqué par la réflexivité, que les Sextae Responsiones refusent explicitement de tenir pour un préalable à la connaissance de la cogitatio (AT, VII, 422). Que si ensuite le moi prolifère, c’est précisément parce qu’il a cessé d’être premier, et qu’il s’agit d’en rendre compte en recourant aux vieux concepts qu’il devait pourtant éclairer : l’âme intelligente, la conscience, la personne, capables de « réflexion sur elles-mêmes », que Dieu est censé conserver au même titre, peut-être, que « notre substance ». Cette régression problématique s’atteste dans ces préfaces à la modernité que sont le Discours de métaphysique ou le petit traité de l’identité qui est au cœur d’ An Essay concerning Human Understanding (II, XXVII). Il est facile alors – cette facilité fût-elle extrêmement subtile – de soumettre, comme si de rien n’était, c’est-à-dire comme si rien n’était advenu, le moi au problème de l’individuation et de l’identité. « Moi, qui suis le sujet », dit Leibniz : mais ce moi-là n’est plus que le sujet. « Ce moi, qui dit beaucoup », ne dit cependant que ce qui peut aussi bien être dit du voyageur ou d’Adam : une essence, dont la notion complète enveloppe tous les prédicats. Arnauld déjà avait « de la peine à croire que ce soit [là] bien philosopher »  [2] . Non seulement Leibniz, mais encore Malebranche (l’âme), Locke (la personne), Spinoza (l’homme : homo cogitat ), pour ne citer qu’eux, ont en commun de ne pas vouloir de moi, à tout le moins de ne pas vouloir de sa primauté. Kant en voudra-t-il davantage, à qui suffit le sujet désubstantialisé = x pour accompagner toutes mes représentations ( Kritik der reiner Vernunft, B 131) ? On peut bien écrire une histoire du sujet ou une histoire de l’intellect et en suivre tous les avatars, une histoire de l’individu aussi bien, jamais elles ne rendront raison de l’invention du moi, puisque la manière dont elles le conçoivent s’appuie sur tout ce dont cette invention avait voulu, et cru pouvoir, au moins a priori, se dispenser. Faire l’histoire du sujet, de l’intellect, de la personne, etc., ce n’est pas se donner les moyens de comprendre l’avènement du moi, c’est au contraire se rendre aveugle à son événementialité. À ce premier titre, le projet d’une histoire du moi intéresse la philosophie. C’est pourquoi, quand il faudra mettre en lumière, pour en penser l’existence, un moi sans le moi, c’est-à-dire désencombré du fonds catégorial de l’ontologie, il faudra de nouveau sinon un mot nouveau (il a une longue histoire philosophique), du moins l’emploi radicalement nouveau d’un mot étranger à l’histoire de la subjectivité : Dasein . Pour autant, ce n’est pas (seulement) en distinguant le Dasein de l’esprit, de la personne, etc., que Heidegger engage sa détermination existentiale, mais par excellence en le démarquant de ce qu’il appelle l’ ego cogito de Descartes. À ce second titre, le projet d’une histoire du moi intéresse la philosophie : il impose prioritairement de rendre compte de ce paradoxe décisif.

  • L’ego sans privilège

3 La destruction de ce que Heidegger appelle l’histoire de l’ontologie, telle que la tâche en est fixée au début de Sein und Zeit – je ne m’appuierai ici que sur le maître livre, et sur quelques textes qui l’éclairent, de 1924 à 1928  [3]  –, disqualifie au même titre l’ ego cartésien et les concepts anciens mentionnés plus haut, exemple parmi d’autres d’un régime commun à l’histoire de l’ontologie : « (...) au cours de cette histoire [celle qui va de l’ontologie grecque, via la métaphysique d’un Suarez, à la philosophie transcendantale], ce sont des régions d’être déterminées et privilégiées qui sont prises en vue, et même qui guident primairement la problématique (l’ ego cogito de Descartes, le sujet, le moi, la raison, l’esprit, la personne) (...) » (§ 6, 22  [4] ) ; le § 10, 46 énumère le sujet, l’âme, la conscience, l’esprit, la personne, auxquels il ajoute la vie (au titre de la psychologie et de la biologie) et l’homme (au titre de la théologie et de l’anthropologie). Si ces concepts se distinguent sans doute entre eux et par là distinguent les formes historiques que l’ontologie a pu prendre en privilégiant tel ou tel et en le choisissant pour fil conducteur (Descartes, Kant, Fichte ou Schelling, Hegel, Husserl pour la première liste, à laquelle la seconde ajoute Dilthey, Bergson et Scheler avant d’évoquer la tradition de la théologie réformée), ils ont en commun d’être des régions de l’être (Seinsbezirke), qui, comme telles, « demeurent non questionnées quant à l’être et à la structure de leur être » (§ 6, 22). Qu’une ontologie ait pour fondement une région de l’être suffit à marquer son incapacité à accéder à la question du sens de l’être d’un tel étant distingué par sa primauté ( ausgezeichnet, § 4, 11 ; Vorrang, § 4, 13). Du point de vue de la question du sens de leur être, qui ne leur est précisément jamais posée, il n’y a aucune différence entre l’ ego et le sujet, la raison, etc. Il n’y a donc pas de privilège, quant à la tâche de destruction de l’histoire de l’ontologie, de l’ ego cartésien sur d’autres moments de l’histoire de l’ontologie, si ce n’est peut-être de mettre en évidence de façon plus saisissante que chez quiconque l’écart entre la prétention d’accéder à un fondement et l’indétermination ontologique de ce fondement : « Avec le cogito sum, Descartes prétend procurer à la philosophie un sol nouveau et sûr. Mais ce qu’il laisse indéterminé dans ce commencement “radical”, c’est le mode d’être de la res cogitans, plus exactement le sens d’être du “sum”. L’élaboration des fondations ontologiques implicites du cogito sum, voilà donc ce qui marque la seconde étape sur le chemin du retour destructif vers l’histoire de l’ontologie » (§ 6, 24) ; «  Descartes, à qui l’on attribue la découverte du cogito sum comme point de départ du questionnement philosophique moderne, a examiné – dans certaines limites – le cogitare de l’ ego . En revanche, il laisse le sum totalement inélucidé, quand bien même il le pose tout aussi originellement que le cogito  (...) » (§ 10, 45-46). C’est pourquoi cette destruction préalable peut et doit s’opérer sur d’autres figures principielles, ou sur d’autres régions, et y repérer l’omission de la question de l’être. Ainsi en va-t-il de Kant, même dans son analyse du temps, dès lors que « la connexion essentielle entre le temps et le “je pense” reste enveloppée dans une totale obscurité, si tant est qu’elle soit même problématisée » (§ 6, 24). En dépit de différences doctrinales pour le moins importantes, Kant et Descartes, de ce point de vue, c’est du pareil au même : «  Kant se borne à reprendre dogmatiquement, quitte à lui imprimer des développements essentiels, la position de Descartes  » (§ 6, 24 ; voir surtout le § 64, qui retourne contre Kant sa critique adressée à Descartes en montrant que sa détermination du je comme sujet continue de le « poser comme un toujours-déjà-sous-la-main »). L’analytique existentiale, elle, posera « la question ontologique de l’être du sum . C’est seulement si celui-ci est déterminé que le mode d’être des cogitationes devient saisissable » (§ 10, 46).

4 Qu’est-ce qui indifférencie au regard de l’analytique, par-delà les caractérisations singulières de ses avatars historiaux (fussent celles qui en dénoncent la substantialité), l’ ego et les autres figures évoquées ? C’est que, tant que le Dasein est pensé dans et par ces régions, il « se comprend lui-même et l’être en général à partir du “monde” » (§ 6, 22). Or une telle compréhension n’en est pas une, qui se meut dans une évidence ontologiquement aveuglante en lui attribuant ce que Heidegger appelait en 1922 un « sens indifférent (...), formellement objectif »  [5]  : celle qui pense l’ ego, le sujet, la personne, etc., comme toutes les choses du monde (la table, la maison, l’arbre), en leur attribuant ce que l’histoire de l’ontologie appelle existentia, conçue par Descartes, sur ce point parfaitement médiéval, comme ens creatum  [6] . Comme on le sait, Heidegger interprète l’ existentia comme être-sous-la-main, Vorhandenheit (« der interpretierende Ausdruck », § 9)  [7] . Pour être res cogitans, l’ ego n’en est pas moins res, comme toutes les res du monde, et le pas qui attribuera la substantialité à cette res sera vite franchi, conformément à la critique husserlienne d’ Erste Philosophie puis des Cartesianische Meditationen  ; plus, il a toujours déjà été franchi. C’est pourquoi la critique se retournera instantanément contre Husserl lui-même, qui ne pense pas plus que Descartes le mode d’être de l’ ego  : de ce point de vue, Husserl et Descartes, c’est encore, plus encore, du pareil au même  [8]  : on pourrait aller jusqu’à dire que, sous le nom de Descartes, c’est d’abord et fondamentalement de Husserl qu’il s’agit  [9] . Ce sujet qu’est l’ ego et ses prédicats se révèlent alors être de même nature que tous les étants sous-la-main et leurs propriétés, elles aussi étants-sous-la-main, comme le rendent patent les formulations leibniziennes mentionnées plus haut : le sujet logique est le possesseur de ses prédicats  [10] . Leibniz, chez qui se déploiera toute la pensée moderne de l’existence, est alors la vérité de Descartes  [11] , malgré Descartes lui-même – au point que le cours d’été 1928 va jusqu’à faire de la monade une anticipation du Dasein en la surinterprétant volontairement pour y saisir des structures intentionnelles qui annoncent l’être-au-monde  [12] .

5 En fonction d’une réciprocité ou d’une circularité dont je n’ai pas à restituer la teneur ici, mais dont il suffit à mon propos de dire qu’elle tient à la manière commune de concevoir l’ ego et l’étant intramondain, c’est-à-dire à l’univocité de la substantialité  [13] impliquée dans la res cogitans comme dans la res extensa (§ 19-20), l’occultation du sens d’être du Dasein s’accompagne constitutivement d’une cécité corrélative devant le phénomène du monde  [14]  : « Son interprétation et les fondements sur lesquels elle repose ont conduit à sauter par-dessus le phénomène du monde aussi bien que par-dessus l’être de l’étant intramondain de prime abord à-portée-de-la-main » (§ 21, 95). Descartes entend l’être du Dasein à partir de son monde (impropre) ; puis « il dicte pour ainsi dire son être “propre” au monde » (§ 21, 96). Si Descartes a eu une si longue postérité ontologique, c’est précisément parce que sa philosophie se fonde à l’évidence sur une compréhension du Dasein pris dans la quotidienneté moyenne, c’est-à-dire sur la façon dont nous interprétons tous d’abord notre existence : et la compréhension du Dasein comme ego et la compréhension de l’étant intramondain en termes de Vorhandenheit devront être ramenées à l’impropriété comme modalité. Ainsi le concept d’être-au-monde dans Sein und Zeit se distinguera-t-il du monde comme l’existence de l’ existentia – j’y reviendrai in fine avec un autre cartésien, le premier penseur peut-être de ce que Heidegger nommera existence. Mais faisons pour l’instant, comme Heidegger lui-même l’autorise, « abstraction du problème spécifique du monde » (§ 21, 99) pour nous en tenir à ceci : l’ ego n’est pas le Dasein .

6 L’ ego certes. Et ne le sont pas plus, ne le sont ni plus ni moins, l’homme de l’anthropologie théologique, l’individu leibnizien, le sujet kantien, la raison hégélienne, la conscience husserlienne, la personne husserlienne ou schelerienne ou la vie selon Dilthey ou Bergson  [15] , même si l’on met en évidence d’une façon que l’on croit décisive que la personne n’est pas un objet, ou si l’on y ajoute ces « compléments » qu’est censée apporter l’affirmation des valeurs d’un Lotze – car la personne reste fondée sur cette « anthropologie théologique antico-chrétienne » qui définit l’homme comme image de Dieu. En effet, « si tous ces titres nomment autant de domaines phénoménaux [Phänomenenbezirke] et “explorables”, leur usage ne va jamais sans une indifférence remarquable à s’enquérir de l’être de l’étant ainsi désigné » (§ 10, 46). Tout ce que désignent ces concepts insuffisamment critiqués ne relève que du « mode d’être du pur être-sous-la-main », toutes choses qui « se meuvent fondamentalement sur la même base dogmatique que Descartes  » (§ 21, 100). Heidegger conclut : « Nos considérations sur Descartes voulaient faire apercevoir que prendre pour point de départ – comme cela s’impose apparemment avec “évidence” – les choses du monde ou s’orienter sur la connaissance réputée la plus rigoureuse de l’étant [la mathématique] ne garantit nullement la conquête du sol sur lequel sont phénoménalement rencontrables les constitutions ontologiques prochaines du monde, du Dasein et de l’étant intramondain » (§ 21, 101). Dans la mesure où ce ne sont toujours que des régions d’être déterminées qui sont prises en vue et qui orientent la problématique, les considérations postérieures sur Leibniz, Kant, Hegel, Husserl et al. eussent pu tout aussi bien être des considérations sur Descartes : dans tous ces cas, elles reconduisent au même point de départ faussé – exemplairement visible chez le premier de la série, Descartes – et eussent semblablement montré que la question de l’être du Dasein restait ininterrogée. Descartes constitue une exemplification historique du projet analytique, exemplification  [16] dont le risque serait précisément celui de se laisser détourner par les considérations historiques  [17] . C’est pour conjurer un tel risque que Heidegger évite tous les concepts énumérés (âme, conscience, esprit, personne, vie, homme) au profit du Dasein  : « Ce n’est donc point l’effet d’un arbitraire dans la terminologie si nous évitons ces titres (...) pour désigner l’étant que nous sommes nous-mêmes » (§ 10, 46).

7 Dès lors qu’en pensant tous ces étants selon la Vorhandenheit, comme les étants intramondains, y reste impensé le sens d’être du sum et par conséquent le sens d’être du Dasein, la distinction entre le moi et l’âme, l’individu, la personne, etc., à laquelle j’essaie d’être sensible est non seulement seconde, mais encore parfaitement secondaire.

  • Du quid au quis

8 Reste que si, pour n’avoir pas accédé à la question du sens de l’être, l’individu leibnizien, le sujet kantien, la raison hégélienne, la personne husserlienne, etc., sont disqualifiés avec l’ ego, c’est bien l’ ego que l’analytique existentiale se devait de disqualifier comme le concurrent le plus qualifié du Dasein . L’ ego est-il un simple exemple de la destruction, ou s’y offre-t-il exemplairement ? À l’évidence, il s’y offre exemplairement, se distinguant par là même des autres titres évités par Heidegger. Pourquoi ? Parce que, si l’ ego n’est pas le Dasein, le Dasein est l’ ego – à certains égards du moins. Jean-Luc Marion s’est efforcé de dégager quatre traits de l’ ego dans lesquels le Dasein peut « se reconnaître »  [18]  : – la finitude ; – la possibilité de l’impossibilité (commune à la liberté cartésienne et à l’être-envers-la-mort) ; – l’indétermination ontologique (provisoire pour le Dasein ) ; – la mienneté (die Jemeinigkeit) . Je ne retiendrai que la dernière pour le présent propos, rigoureusement textuelle, et même ne retiendrai d’elle que ce à quoi on la repère d’emblée et sur quoi elle se fonde : la Jeweiligkeit .

9 Le § 9 énonce, en effet : « L’étant que nous avons pour tâche d’analyser, nous le sommes à chaque fois nous-mêmes. L’être de cet étant est à chaque fois mien . (...) L’être dont il y va pour cet étant en son être est à chaque fois mien » (41-42). Pour qu’il saisisse qu’il échappe au régime de la Vorhandenheit, il faut et il suffit que le Dasein prenne conscience, en quelque guise d’être que ce soit, de sa mienneté – ce qui a lieu avec le pronuntiatum ego sum : « L’advocation du Dasein, conformément au caractère de mienneté de cet étant, doit donc toujours inclure le pronom personnel  : “je suis”, “tu  [19] es” » (§ 9, 42). Dire « je suis »  [20] , c’est en un sens toujours déjà révoquer l’ existentia au profit de l’existence, c’est révoquer le quid au profit du quis  : « Le titre Dasein par lequel nous désignons cet étant n’exprime pas son quid, comme dans le cas de la table, de maison, de l’arbre » (§ 9). Le § 25 reprend : le § 9 a « déjà fourni la réponse à la question de savoir qui cet étant (le Dasein ) est à chaque fois. (...) La question qui ? puise sa réponse dans le Je lui-même, dans le “sujet”, le “Soi-même” »  [21] (114). Autrement dit, il y a deux manières d’interroger l’étant : « L’étant est un qui (existence) ou un quoi (être-sous-main au sens le plus large) » (§ 9, 45). Le Dasein est cet étant qui, exprimant ego sum, répond à la question qui  ?

10 Pour autant, ce changement de question, du que (quid) au qui (quis), suffit-il à trouver dans le « je suis » la constitution ontologique du Dasein  ? Certainement pas. Il n’y a là qu’apparence ( scheinbar, 114), car à la question qui ? on répond par « ce qui se maintient identique dans le changement des comportements et des vécus » (§ 25, 114) – à savoir, un sujet ou un soi-même. Ainsi retombe-t-on dans le quid, et par là dans la Vorhandenheit, perdant immédiatement ce que la mienneté semblait avoir fait gagner : « On peut bien récuser l’idée de substance de l’âme, de la choséité de la conscience ou d’objectivité de la personne, il n’en reste pas moins que, du point de vue ontologique, l’on continue de poser quelque chose dont l’être conserve explicitement ou non le sens de l’être-sous-la-main. La substantialité, tel est le fil conducteur ontologique de la détermination de l’étant à partir duquel la question du qui ? [die Werfrage] reçoit une réponse » (§ 25, 114)  [22] – la retombée dans la substantialité est vraie de Kant lui-même, en dépit de sa critique du paralogisme de la substantialité, qui ne voit pas que « le dire-Je vise l’étant que je suis à chaque fois en tant que “Je-suis-dans-un-monde” » (§ 64, 321). En répondant je à la question qui ?, ou plutôt en interrogeant le je selon la question qui ?, a-t-on alors tout perdu, à commencer par le Dasein lui-même, encore implicitement présupposé être-sous-la-main à la manière du premier ego venu, ou de l’esprit, ou de la personne, etc. ? Non, car cette apparence, tout en fournissant l’information (Angabe) ontique évidente selon laquelle « le Dasein est un étant que je suis à chaque fois moi-même » (le Dasein est bien l’ ego ), n’en indique (anzeigt) pas moins quelque chose de la constitution ontologique du Dasein (§ 25, 114).

11 Sans doute la proximité, acquise par la mienneté, entre l’ ego et le Dasein, se révèle-t-elle n’être qu’un malentendu, voire une illusion, si séduisante soit-elle  [23] , puisqu’elle n’a de validité qu’ontique : « L’on peut toujours dire ontiquement avec une certaine légitimité de cet étant que “je” le suis. Et pourtant, l’analytique ontologique qui fait usage de tels énoncés doit les soumettre à des réserves fondamentales. Le “moi” ne peut être compris qu’au sens d’une indication formelle non contraignante [ im Sinne einer unverbindlichen formalen Anzeige] de quelque chose qui, pour peu qu’on le rétablisse dans le contexte phénoménal d’être où il prend place à chaque fois, est peut-être appelé à se dévoiler comme son “contraire”. Un “non-moi”, dans ce cas, ne signifiera pas un étant essentiellement dépourvu de l’ “égoïté”, mais un mode déterminé de l’être du “moi” lui-même » (§ 25, 116)  [24] . Le § 63 rappellera, à propos du pouvoir-être : « L’indication formelle [die formale Anzeige] de l’idée d’existence était guidée par la compréhension d’être qui se trouve dans le Dasein lui-même. Car, même sans aucune transparence ontologique [ohne jede ontologische Durchsichtigkeit], une chose au moins se dévoile à nous : l’étant que nous appelons Dasein, je le suis à chaque fois moi-même » (313). Mais si l’ ego, soumis à la question qui ?, n’est en mesure de fournir qu’une « indication formelle », et à ce titre tout à fait lâche, de la constitution ontologique du Dasein, il n’ en fournit pas moins cette indication : et cette indication suffit à lancer la question existentiale du qui du Dasein  (§ 25).

« La réalité [ Sachheit ], realitas ou quidditas, est ce par quoi on répond à la question : quid est res, qu’ est la chose ? Une considération élémentaire le montre d’emblée : l’étant que nous sommes nous-mêmes, le Dasein, ne peut nullement être interrogé comme tel avec la question : qu’ est-ce que c’est... ? Nous ne trouvons accès à cet étant qu’en demandant : qui est-il ? Ce n’est pas la quiddité [Washeit], mais – s’il est permis de forger le terme – la quiité [Werheit] qui constitue le Dasein . La réponse ne fournit pas une chose [eine Sache], mais un Je, un Tu, un Nous. Cependant nous demandons par ailleurs : qu’ est-ce que ce qui et qu’ est-ce que cette quiité du Dasein – qu’est le “qui” par différence avec ledit “quoi”, au sens strict de la réalité du sous-la-main ? C’est sans aucun doute en ces termes que nous formulons les questions. Mais cela prouve seulement que ce “quoi” avec lequel nous interrogeons l’essence du “qui” ne peut manifestement pas coïncider avec le “quoi” au sens de la quiddité [Washeit] (...). Il faut montrer, de façon positive, en quel sens chaque étant peut être interrogé sur son “quoi”, en quel sens au contraire un étant doit nécessairement être abordé à travers la question “qui ?”. »  [26]

13 Le Dasein entretient donc à l’ ego un rapport ambivalent, dont sont démunis l’individu, l’esprit ou la personne : par son caractère de mienneté, la réponse ontique que l’ ego fournit à la question qui ? n’en indique pas moins – quoique « sans transparence » – la constitution ontologique du Dasein, là où tous les autres prétendants, y compris la personne, l’occultent. L’ ego n’est pas le Dasein, mais lui et lui seul permet d’amorcer la question existentiale de son qui ? . C’est bien ce qui confère à Descartes, selon l’expression d’Emmanuel Martineau, une « position historiale unique »  [27] .

  • La Werfrage cartésienne

14 La singularité de l’ ego cartésien dans la tâche d’une destruction de l’ontologie lui vient donc de sa mienneté, plus exactement du privilège que lui confère sa mienneté sur tous les autres titres, de fournir une indication ambiguë, ontico-ontologique, sur la constitution du Dasein . Or la mienneté, au § 9, est strictement corrélative du « je suis », par quoi une réponse formelle est apportée à la question qui ? . S’il ne fait guère de doute que l’on trouve chez Descartes le prononciatum ego sum – constat qui semble suffire à l’analyse préparatoire du Dasein  –, ne peut-on prolonger un peu le trait commun au Dasein et à l’ ego en recherchant si la question qui ? se laisse lire dans les Meditationes  ? Autrement demandé, s’il est radicalement non pertinent de soumettre le Dasein à la question « qu’est-ce que... ? » et s’il requiert proprement la question qui ?, qu’en est-il de l’ ego cartésien ? Descartes n’eût-il pas dû interroger l’ ego selon la Werfrage, anticipant d’un pas supplémentaire l’analyse préparatoire du Dasein vers l’amorçage de sa question existentiale ? Dût-il se contenter d’une réponse purement ontique, puisque le doute impose a priori à l’ ego d’être « sans monde », n’eût-il pas dû en somme demander à l’ ego qui il était ? – Mais c’est précisément ce que Descartes a fait !

15 Et ce qu’ont méconnu trois siècles et demi de lecteurs, de traducteurs et de commentateurs, sinon obnubilés par le préjugé qui identifie précipitamment res et substantia, du moins subjugués par la puissance doctrinale de la chaîne ontologique qui relie les Meditationes II et  III  : ego sum = res cogitans = substantia (AT, VII, 45,7). Les plus grands interprètes – Kant, Husserl, Heidegger – furent en cela du moins imités par les traducteurs qui se sont voulu les plus fidèles et les commentateurs apparemment les plus méticuleux. Jamais à ma connaissance l’un d’eux n’a vu dans la Meditatio II autre chose que la question : quid sum ?. Or, conformément aux exigences requises par l’analyse du Dasein moyen (quotidien), c’est bel et bien à travers la question qui ? que l’ ego s’interroge. Relisons la Meditatio II.

16 Sitôt établi comme vrai « hoc pronuntiatum, Ego sum, ego existo  », l’ ego se demande «  quisnam sim ego ille, qui jam necessario sum »  [28] (AT, VII, 25, 14-15 ; je souligne, ainsi que plus bas), répété dans les Quintae Responsiones  : « Me nondum satis intelligere quis sit ille qui cogitat » (351, 12-13 et, en un sens, encore dans les Principia philosophiae, I, 8  : « Examinantes enim quinam simus nos [...] », AT, VIII, 7, 11-12) : – Luynes traduit, comprenant ce quis comme un quid : «  Ce que je suis, moi qui suis certain que je suis »  [29] , et Clerselier, pis : « Je ne connaissais pas encore assez ce que c’est qu’une chose qui pense. »  [30] La question cartésienne revient, insistante : « Novi me existere ; quaero quis sim ego ille quem novi » (27, 28-29), puis à propos de l’imagination, inapte – et donc inepte – à connaître qui je suis : « ineptire videor, dicendo : imaginabor, ut distinctius agnoscam quisnam sim » (28, 10-11). Luynes de nouveau : « J’ai reconnu que j’étais, et je cherche quel je suis, moi que j’ai reconnu être », puis, enfin (!) : « J’aurais aussi peu de raison en disant : j’exciterai mon imagination pour connaître plus distinctement qui je suis. »  [31]

17 Mais il y a plus. L’important, dans ce premier temps de la recherche de qui je suis, est de ne pas assumer trop et trop vite, c’est-à-dire de ne pas prendre, «  in locum mei », «  aliquid aliud », ce qui serait se méprendre : « deincepsque cavendum est ne forte quid aliud imprudenter assumam in locum mei  » (25, 15-17). Ainsi Descartes pose-t-il explicitement que les réponses à la question quid – et partant la question elle-même – sont très exactement ce dont il ne veut pas. En effet, la recherche de « ce que » je suis, c’est exactement la recherche qui l’a conduit, avant le doute, à l’inutile et à l’incertain. Il faut donc examiner ces réponses à la question quid ? à la lumière nouvelle de la seule vérité de l’ ego sum  : « Quare jam denuo meditabor quidnam me olim esse crediderim, priusquam in has cogitationes incidissem » (25, 19-20) ; puis : « Sed hic potius attendam, quid sponte et natura duce cogitationi meae antehac occurrebat, quoties quid essem considerabam » (25, 31-26, 2). Si je dois être désormais attentif au quid ?, et le méditer de nouveau, c’est pour en retrancher (subducam) les réponses prévenues et imprudentes : «  Quidnam igitur antehac me esse putavi ? » (25, 25). Les réponses à la question quid ? sont très exactement ce dont je dois me défaire si je veux avancer dans la question quis ? et ne pas prendre quelque chose d’autre pour moi. L’enquête que vise le quid ? n’était pas seulement menée trop tôt : induisant de simples opinions (putavi), elle est mal menée, inadéquate à élucider le sens de l’ ego . C’est pourquoi elle a conduit Descartes, et avant lui tant de philosophes, à des réponses indues, et prématurément substantialistes : homo – c’est-à-dire encore la question «  quid (est homo) » ? –, animal rationale (25, 26-27), question indéfiniment dupliquée, «  quidnam animal sit et quid rationale » (25, 27-28), questions qui se présentaient spontanément et naturellement (préjugés donc) à ma pensée ( cogitationi, 26, 1) plutôt qu’elles n’interrogeaient directement l’ ego . À la question quid ?, Descartes répondait encore avec les scolastiques d’abord corpus (26, 5), avec toutes ses parties, corps objectivé tel une machine ou un cadavre (26, 2-5) puis une étendue figurée (26, 11-23) ; anima ensuite, question elle-même réitérée, «  quid esset haec anima » (26, 8), âme à laquelle il rapportait toutes ses actions, ou celles du corps, comme des propriétés (referebam, me habere, 26, 7-8 et 27), et imaginée comme un « nesquio quid  » bien subtil, un vent, un feu, l’éther, une vapeur, un souffle (26, 8-11 puis 27, 21). Rien de tout cela ne fournit la moindre « notitiam de me » (28, 16-17). Le doute a tout emporté des réponses à l’inadéquate question quid ?. Tout diffère « ab eo me quem novi » (27, 26). Même « mens, sive animus, sive intellectus, sive ratio » (27, 14) ne répondraient pas davantage immédiatement à la question quis ?, puisqu’ils n’apparaissent, dans leur indistinction scandaleuse à tout scolastique, que comme des synonymes, mots de prime abord insignifiants (27, 15) et comme tels inutiles à la res cogitans, qui, elle, non pas tant res que cogitans, va élucider qui je suis. Tout aliquid échoue donc à dire qui je suis, « non sum [...] quidquid mihi fingo » (27, 20-22).

18 On ne manquera pas de m’objecter l’ aliquid sonore de la position : « ego aliquid sum ». Je répondrai que cet aliquid ne marque pas tant une chosification qu’il n’est appelé par l’opposition avec le nihil qui précède immédiatement : « ista nihil esse : –   nihilominus tamen ego aliquid sum » (27, 22-23). Aliquid signifie ici non nihil, en l’occurrence non corpus, qui réitère l’affirmation absolue de l’existence sans préjuger le moins du monde de ce que je suis, mais au contraire qui tente d’avancer dans la recherche explicite du quis qui suit : « quaero quis sim ego ille quem novi » (27, 28-29). Ainsi la position de l’ ego sum s’oppose-t-elle à la supposition effectuée par le doute que l’âme et le corps ne sont rien  [32] . Il en va semblablement de la répétition du cogito à laquelle donne lieu l’analyse du morceau de cire : « fieri plane non potest (...) ut ego ipse cogitans non aliquid sim » (33, 13-14), où aliquid signifie non nihil, par différence d’avec l’inexistence réelle de la cire, c’est-à-dire son existence attribuée, mais non déduite, par mon seul jugement.

19 On m’objectera plus sérieusement l’avancée décisive : « Sed quid igitur sum ? Res cogitans » (28, 20). La question contredit-elle notre hypothèse ? Nullement. On sera sensible à la force rhétorique de l’anaphore « Quid autem nunc »  [33] , « Quid praeterea », « Sed quid igitur sum » (26, 24 ; 27, 18 ; 28, 20) qui relance à chaque fois l’investigation : mais quoi ? Qu’en est-il ? Où en est notre affaire, moi qui..., « Quid, inquam, ego qui... » (33, 3) ? Mais la rhétorique est dans les Meditationes au service de la pensée, et non l’inverse. Nullement donc, car : 1 / la réponse de Descartes reprend de façon obvie : « Sum autem res vera, et vere existens ; sed qualis res ? Dixi, cogitans » (27, 15-17). En rigueur d’argumentation, le sed de 28, 20 ne marque aucune opposition, puisque les lignes précédentes ont pour résultat de devoir ne pas se fier à d’éventuelles compréhensions par l’imagination de la connaissance de ce qui me concerne. Moins que d’une opposition, « sed quid igitur sum ? » relance l’enquête (d’où sa part de rhétorique néanmoins) en mettant fin à l’excursus anti-imaginatif qui précède et en reprenant 27, 15-17. Or, dans ce passage, res est un pur support lexical pour vera – ce n’est pas Heidegger qui me contredirait sur ce point (voir supra, n. 2, p. 65) –, existens, cogitans . Ce sont les épithètes qui la qualifient qui emportent tout son sens. Res est « le terme le plus dépouillé de toute signification spécifique », comme André Combes le disait en relevant le choix que Richard de Saint-Victor en fait pour nommer ce sur quoi se porte le regard pénétrant de la contemplation  [34] , un « élément très remarquable d’indécision », je dirai ici d’indétermination : res est admirablement vague. Si Descartes a choisi res et s’y tient tout au long de la Meditatio II, c’est précisément pour sa remarquable insignifiance – il est pour le moins discutable d’y anticiper la substantia  : la « déduction égologique de la substance » ne lui devra rien, mais tout à cogitans  [35] . 2 / Comment s’explicite ce cogitans  ? Comme « dubitans, intelligens, affimans, negans, volens, nolens, imaginans quoque, et sentiens » (28, 11-12). A-t-on affaire là, avec ce que Descartes appellera pour la première fois dans la Meditatio III des modi cogitandi (34, 23), à des choses, dont le mode d’être serait la Vorhandenheit  ? Évidemment non  [36] . C’est pourquoi cette liste ne constitue pas une définition, mais réunit, de façon du reste provisoire, non exhaustive et dans une pluralité réductible ( affirmans/negans, volens/nolens, à quoi il ajoutera intelligens/ignorans, 34, 19-20), ce que j’appellerai des effets de reconnaissance, éprouvés tout au long des deux premières Meditationes  : quand je doute, quand je comprends, quand j’affirme, etc., je pense, sum (res) cogitans . C’est pourquoi Descartes peut conclure l’analyse qu’ouvre cette liste : « Ex quibus equidem aliquanto  [37] melius incipio nosse quisnam sim » (29, 19). C’est bien à la question quis ? que répondait la liste des futurs modes de la pensée, pensés en première personne. C’est donc sans aucun scrupule que je m’autorise à interpréter «  quid igitur sum ? » comme signifiant rigoureusement «  quis igitur sum ? ». 3 / Durant toute l’analyse qui suit, les modes de la pensée ne se rapportent pas à l’ ego à la façon d’un avoir, comme des propriétés à leur possesseur  [38] . Autre chose, du moins en ce premier temps, les modi cogitandi, autre chose les cogitationes  [39] . Le choix du verbe pertinere est ici significatif : « Non pauca sane haec sunt, si cuncta ad me pertineant. Sed quidni pertinerent ? » (28, 23-24). Plus que d’avoir ou d’appartenance, il s’agit de pertinence, c’est-à-dire de convenance, voire, si j’ose ce mot en un sens très faiblement heideggérien ( Betroffenheit, § 29), de concernement : il s’agit moins de définir ce que je suis que d’énumérer ce qui me concerne et à quoi je me reconnais et reconnais qu’il en va de ma pensée. La pensée, sous toutes ses formes, ne m’appartient pas tant qu’elle ne peut être détachée de moi, « cogitatio est, haec sola a me divelli nequit » (27, 8), « quid est quod a me ipso separatum dici possit ? » (29, 4). L’élucidation de l’ ego comme cogitans ne délivre pas tant une définition de l’ ego qu’elle ne vise un je ne sais quoi de moi, « istud nescio quid mei » (29, 23-24), non distinguable de moi, qui engage la connaissance de qui je suis.

20 Pour autant, cette reconnaissance des modes de la pensée au moment même où ils sont effectués conduit l’ ego à éprouver qu’en eux il est bien toujours le même : « Idem ego sum qui dubito, intelligo, volo (...), imaginor (...), sentio » (29, 5-11). Si toute l’analyse ne procède pas de la question quid ?, car elle ne recherche pas ce que je suis, elle n’en pose pas moins, en cherchant qui je suis, que je suis le même pensant, doutant, comprenant, etc., c’est-à-dire qu’elle affirme l’identité et la constance de l’ ego – au moins à chaque fois que je pense, « quoties a me profertur, vel mente concipitur » (25, 12-13) ou aussi longtemps que je pense (« quandiu cogito », 27, 10). Or peut-on concevoir l’identité et la constance autrement que sous le mode de la Vorhandenheit ( Sein und Zeit, § 64 de nouveau) ? C’est ici précisément que tout bascule  [40] , ou plutôt que les voies de l’ ego et du Dasein bifurquent : si, pour Heidegger, ce que je figure comme une bifurcation a lieu dès le cogito (le point où le Dasein se reconnaît dans la mienneté de l’ ego ), entre la voie de la conscience (l’ ego ) et celle de l’être-au-monde (le Dasein ), c’est lui-même qui nous permet de la situer plus loin dans la Meditatio II, au moment précis où à la Werfrage Descartes répond par l’identité de la mens . L’enquête que l’ ego mène sur lui-même l’interroge bien à travers la question quis ?, mais sa réponse reconduit subrepticement à la Vorhandenheit, et désormais l’ ego (res) cogitans, sive mens . Mais dans cette déviation, ou dans ce glissement, ce n’est pas la res qui impose à l’ ego de se penser ontiquement, comme un étant-sous-la-main, mais la cogitatio elle-même, dans la constance de son identité.

21 Revenons à notre page des Grundprobleme der Phänomenologie  :

22 « L’étant que nous sommes nous-mêmes, le Dasein,  ne peut nullement être interrogé comme tel avec la question : qu’ est-ce que c’est... ? Nous ne trouvons accès à cet étant qu’en demandant : qui est-il ? (...) Cependant nous demandons par ailleurs : qu’ est-ce que ce qui et qu’ est-ce que cette quiiité du Dasein – qu’est le “qui” par différence avec ledit “quoi”, au sens strict de la réalité du sous-la-main ? C’est sans aucun doute en ces termes que nous formulons les questions. Mais cela prouve seulement que ce “quoi” avec lequel nous interrogeons l’essence du “qui” ne peut manifestement pas coïncider avec le “quoi” au sens de la quiddité [Washeit]  » ( GA, 24, 171).

23 Ce texte – qui n’entretient aucun rapport explicite avec Descartes – décrit littéralement le redoublement que j’ai commenté : « Sed quid igitur sum ? Res cogitans. Quid est hoc ? », soit, tel que nous l’avons compris : « Sed quis igitur sum ? Res cogitans. Quid est hoc  ? » Il décrit exactement, mais a contrario, la situation du questionnement cartésien. Dans la Meditatio II, l’ ego est bien interrogé à travers la question quis ?, mais le quid qui à son tour interroge ce quis va coïncider avec le quid au sens de la quiddité. Non certes qu’il coïncide avec lui immédiatement : les modes de la pensée ne sont pas, comme tels, des étants-sous-la-main. Mais l’identité et la constance de la pensée elle-même, dans tous les modes dans lesquels elle se reconnaît, affectent à ce second quid son sens de « quiddité », au point que l’ ego se découvrira mens (27, 14 ; 28, 17-18 ; jusqu’à l’équivalence « Quid autem de hac ipsa mente, sive de me ipso ? », 33, 1-2), avant de se déclarer, via l’examen des idées en moi, substantia (45, 7). C’est exactement à ce point de la Meditatio II que le Dasein se sépare de l’ ego, quand la Werheit qui le constitue s’explicite comme existence, c’est-à-dire quand il est saisi, selon le mode d’être propre que qualifie l’existence, comme être-au-monde. Si la Werfrage interroge bien initialement l’ ego de la Meditatio II, la Werheit y cesse d’en gouverner l’analyse, empêchant ainsi l’ ego de se comprendre comme constitué par l’être-au-monde et figeant là, dans son ambivalence ontico-ontologique, sa progression vers l’analytique existentiale. Soumise à la Werfrage, l’évidence ontique de la mienneté cartésienne se double donc de l’ indication d’une constitution ontologique du Dasein qui va plus loin, en ce qu’elle s’explicite comme Werfrage, que la simple position de l’ ego sum et de cette mienneté. Comme j’ai cru l’avoir montré, cette indication reste formelle, puisque l’ ego, n’accédant pas à la compréhension de son être-au-monde, c’est-à-dire à la transcendance dont le sens d’être est le souci, reste bloqué dans l’immanence. Pour autant, elle ne se limite pas au seul premier pas auquel Heidegger l’assigne, elle ne se borne donc pas à n’être qu’une première indication sur la voie d’une interprétation ontologique du Dasein .

24 Que conclure ? La question n’est pas de savoir si Heidegger, qui la cite fort peu, a lu la Meditatio II. Le paradoxe est qu’il impute à Descartes l’omission de ce qui pourtant, grâce à lui, saute aux yeux : la primauté de la Werfrage dans la Meditatio II, et le progrès que permet sa récurrence insistante. Si Heidegger a méconnu ce à quoi son interprétation de Descartes ouvrait la voie, c’est parce que cette interprétation même était gouvernée par la tâche de montrer que la question du qui ? devait recevoir une résolution analytico-existentiale : l’essence du Dasein se fonde dans son existence. De cela, en dépit de la Werfrage, il n’y a certes pas trace dans la Meditatio II, ce qui suffit à fixer toute la différence entre l’ ego, aussi bien husserlien que cartésien, et le Dasein  : rien de moins que l’être-au-monde ! Sans doute cependant eût-il été possible de décrire plus avant l’ambivalence de la constitution ontico-ontologique de l’ ego, de préciser l’indication ontologique que nonobstant elle pointe, de mettre en lumière que la Werheit, fût-elle assez vite abandonnée dans la Meditatio II, confère à l’ ego et au Dasein un trait commun plus long et plus fin que celui que Sein und Zeit ne reconnaît, d’en conclure que l’interrogation cartésienne n’était peut-être pas restée totalement « apparente » et sans « transparence » ontologique ; bref, il eût sans doute été possible de détruire plus rigoureusement encore l’ ego en vue d’une analytique du Dasein . C’est en tout cas ce vers quoi me conduit le projet de rendre compte de l’invention cartésiano-pascalienne du moi, et par conséquent la tâche de distinguer le moi de l’individu, de la personne, de l’âme, etc. Plus l’ ego se laisse reconnaître dans le Dasein, plus il se différencie des titres et avatars métaphysiques avec lesquels, à tort et à raison comme j’ai essayé de le montrer, il est souvent confondu.

  • L’existence humaine

25 Est-il possible d’envisager que l’enquête sur le moi et à partir de lui avance d’un second pas en direction de l’analytique existentiale ? Je voudrais simplement, pour terminer, esquisser une réponse positive à partir de la double condition qu’une telle avancée exige. Que, dans les Meditationes, la question du quid ? se soit clandestinement glissée sous la question du quis ? au point de s’y substituer, c’est ce à quoi j’ai essayé plus haut d’assigner son lieu exact. Tenir à distance la Washeit, et même la mettre définitivement de côté, pour éviter que la recherche ne glisse subrepticement sous son emprise, telle est donc la première condition. « La libération de l’ a priori “qui” doit nécessairement devenir visible pour que la question “qui est l’homme ?” puisse recevoir une élucidation philosophique » (§ 9, 45). Ce que Heidegger indiquait comme une tâche, et même une tâche urgente, est-il absolument exclu de pouvoir en trouver chez quiconque quelques traits dans lesquels le Dasein se reconnaîtrait autrement qu’il ne s’est reconnu et méconnu dans l’ ego des Meditationes  ? N’y a-t-il vraiment aucune tentative d’élucidation de la question « qui est l’homme ? » qui ne se fonde sur la détermination préalable de son essence ou de sa nature ? N’y a-t-il aucun philosophe pour avoir vu qu’il appartient à la structure du Dasein de pouvoir passer à côté de son propre sens d’être ? La seconde condition, qui ne redouble la première que si celle-ci est bien entendue ( Sein und Zeit, § 12, pt 2, 53), requiert d’esquisser certains des caractères de l’être-au-monde. Que la seconde condition ne soit pas davantage remplie par Descartes, et même que la voie dans laquelle la Meditatio III s’engage, après la bifurcation que j’ai essayé de situer précisément, s’y oppose radicalement, c’est ce sur quoi Sein und Zeit a insisté : l’ ego cartésien est sans monde, « weltlose Ich » (§ 63, 316 et § 75, 388). C’est donc à un double titre que Descartes ne saurait être l’homme de ce second pas  [41] .

26 Pour autant, ce pas est bien le second : il ne peut être entrepris qu’à partir du premier, à partir donc de l’ ego et de sa mienneté, et de rien d’autre : c’est dire que seul un « cartésien » pouvait l’entreprendre. Mais un cartésien qui du même coup vît, ou entrevît, que c’est hors de ce que Heidegger appelle l’ontologie, c’est-à-dire hors de la question de l’ essentia, qu’il fallait interroger le moi – non seulement quelles que fussent la part de compréhension effective et la part de désinvolture dans cette vue, mais encore quels qu’en fussent les motifs véritables, à commencer par le déplacement de son propre projet fondé sur la considération de l’essence de l’homme. Voilà pour la première condition. Quant à la seconde, elle impose d’avoir vu que l’être-au-monde était constitutif du moi, ce qui requiert la mise en évidence de ce que Heidegger nomme des existentiaux, c’est-à-dire des caractères d’être du Dasein déterminés à partir de la structure d’existence (§ 9). Elle ne pouvait être remplie, pour continuer de parler dans les termes de Sein und Zeit, que par qui aurait eu assez de lucidité phénoménologique pour mettre au jour certains des caractères de l’être-au-monde pour l’étant qui l’est sous le mode de la quotidienneté : qui aurait vu, par exemple, que l’aliénation est un des caractères de l’être-au-monde quotidien, et, ce faisant, aurait décrit ce mode impropre d’être-au-monde. Dans ce cartésien anti-cartésien, on pourra reconnaître Pascal, plus exactement le dernier Pascal, et les « thèmes » qui font l’objet de ses « discours de l’existence humaine », selon le titre sous lequel Emmanuel Martineau a réuni les discours consacrés principalement à la gloire (humaine), à l’imagination, à l’injustice et au divertissement. L’édition des Discours sur la religion et quelques autres sujets  [42] rend manifeste que les analyses que Pascal mène dans ce « quatuor de l’existence humaine » ne doivent plus rien à la définition abstraite, essentialiste, de l’homme comme « sujet de contradictions » – au titre de laquelle on peut inscrire le projet apologétique pascalien, fondé sur l’antagonisme augustinien en l’homme de la dignitas et de la miseria, dans la longue tradition de la quaestio hominis  –, et qu’il en va avec ces textes de « l’une des premières fois dans l’histoire de la pensée occidentale [où] l’existence humaine est prise en vue en et pour elle-même »  [43] . Les phénomènes de l’imagination prise comme telle et de l’injustice peuvent, ou plutôt doivent, être compris comme des existentiaux, au même titre que le phénomène de l’ennui, dont le divertissement est le corollaire  [44] . Car si l’ ego cartésien est sans monde « weltlose Ich », il n’en va pas de même du moi pascalien. J’ai, de mon côté, opposé à la première anthropologie, celle de la Conférence APR, une seconde anthropologie  [45] , existentielle – le terme d’ « anthropologie » est sans doute inadéquat pour qualifier cette première analytique existentiale –, et j’ai essayé d’en proposer une esquisse positive à partir des deux thèmes que sont la gloire et le divertissement. – Avec l’analyse de la gloire humaine et de l’imagination, Pascal met en lumière la puissance d’aliénation de l’imagination, qui requiert d’être rapportée au mode d’être quotidien du On . C’est l’échéance (ou le dévalement, Verfallen ) qui éclaire le plus adéquatement l’impropriété comme mode d’être du Dasein . L’échéance est ce mouvement dans lequel le Dasein suit la ligne de plus grande pente, en se laissant à chaque fois absorber par sa préoccupation, c’est-à-dire en se dispersant à chaque instant dans les mille et une tâches quotidiennes qu’il a toujours à accomplir. Ce mouvement dévalant le rend toujours plus étranger à lui-même, en aliénant son propre pouvoir-être. L’être-au-monde ouvre à la possibilité de l’aliénation – possibilité à laquelle nous avons tous toujours déjà succombé, parce qu’elle est tentante (versucherisch)  ; et elle est tentante, parce qu’elle est rassurante et tranquillisante (beruhigend) . – Le divertissement enfin : ce discours, après trois siècles de commentaires aveugles, attend toujours d’être lu, c’est-à-dire lu comme le seul texte du XVII e  siècle qui indique de façon parfaitement claire que c’est la temporalité qui constitue le sens ontologique du divertissement.

27 Comme on le voit, les dernières lignes de cette étude résument moins de récents acquis qu’elles ne circonscrivent une recherche future. Ce retour à Pascal – à un autre Pascal – consiste-t-il à dessiner grossièrement et a posteriori les traits modernes d’une épopée de l’histoire de la philosophie qui culminerait en 1927 ? Certainement pas. Il vise seulement à répondre à la question initiale. Le projet d’une histoire du moi ne se réduit pas au simple relevé d’un fait textuel. Il impose non seulement de mesurer la part de rupture et d’innovation qu’impliquent l’ ego sum et le développement de la question quis ? que l’ ego s’adresse à lui-même, mais aussi de restituer, en marge de la métaphysique, l’histoire de l’existence  [46] .

  • [1] On ne fera pas aisément droit en philosophie aux rarissimes occurrences hellénistiques de “ ?? ??: », puis à celles, médiévales, de al-anâ ou de illud ego, qui précèdent le trop célèbre das Wort « ich  » eckhartien. Pour un premier repérage, et une première disqualification, je me permets de renvoyer à « L’invention du moi », dans mon Pascal : des connaissances naturelles à l’étude de l’homme, Paris, Vrin, 2007, p. 105-126.
  • [2] Respectivement Leibniz à Arnauld, 14 juillet 1686, GPS, II, 52, et Discours de métaphysique, § 34, GPS, IV, 459 ; Arnauld à Leibniz, 13 mai 1686, GPS, II, 31.
  • [3] Dans lesquels je soutiendrais volontiers que tout est déjà dit de son rapport à l’ ego cartésien et, avec lui, à l’ ego husserlien, en dépit des périodisations auxquelles il est habituel de soumettre Heidegger, voire qu’il esquisse lui-même, comme dans le protocole du séminaire du Thor, quand il s’agira de « parvenir à penser le sens grec de l’??: » (séance du 31 août 1968, Questions, IV, Paris, Gallimard, 1976, p. 222 – notes que GA, 15 (Curd Ochwadt) donne en allemand !).
  • [4] Je citerai Sein und Zeit en indiquant le paragraphe suivi de la page de la dixième édition, parue à Tübingen chez Niemeyer en 1960, dans la traduction d’Emmanuel Martineau, être et temps, Paris, Authentica, 1985 ; je ne donnerai le texte allemand des citations que quand cela me paraîtra nécessaire – dans la présente citation, la traduction E. M. omet « Subjekt », admirabilis praetermissio  !
  • [5] Phänomenologische Interpretation zu Aristoteles, GA, 61, 173.
  • [6] Sein und Zeit, § 6, 24, et GA, 64, 97-99. Sur le rapport de l’ existentia à la causalité efficiente, en particulier chez Suarez et Descartes, voir mon Causa sive ratio. La raison de la cause, de Suarez à Leibniz, Paris, PUF, 2002, chap. I.
  • [7] Je ne peux pas faire droit ici à la médiation capitale du concept de certitude, sur lequel Heidegger fonde dès 1924 toute sa lecture de Descartes dans Der Begriff der Zeit ( GA, 64, 97-99, qui articule (Umschlag) le sens d’être comme vrai et comme créé). Sur la séquence Ich = ego = res cogitans = Vorhandensein et le rôle que joue la certitude dans cette série d’équivalences, voir les récapitulations particulièrement nettes du cours d’été 1934, Logik als die Frage nach dem Wesen der Sprache, GA, 38, 146-150 (c’est dans ces pages que l’on trouve la formule « kantienne » « das Ich ist Subjekt », 147). Heidegger reviendra sur le rapport de la certitude à la subjectivité dans plusieurs ouvrages majeurs : voir en particulier Nietzsche, II, « Der Wandel der Wahrheit zur Gewiheit », GA, 6 . 2, 383-391, et Holzwege, « Die Zeit des Weltbildes », GA, 5, 87 sq. et 110-111 ; sur le rapport chez Descartes de l’évidence, de la vérité et de la certitude, et sur la critique de la thèse selon laquelle c’est dans les Regulae que s’élabore proprement le concept de certitude, voir désormais Gilles Olivo, Descartes et l’essence de la vérité, Paris, PUF, 2005, chap. V.
  • [8] Voir Jean-Luc Marion, « L’ ego et le Dasein  », chap. III, § 2, de Réduction et donation. Recherches sur Husserl, Heidegger et la phénoménologie, Paris, PUF, 1989, qui lit en particulier les Prolegomena zur Geschichte des Zeitbegriffs, GA, 20, § 11 (1925, un an donc après le cours de Husserl d’où proviendra Erste Philosophie ). « Détruire l’ ego ouvre l’accès au Dasein  » (p. 130) : en fait, à travers l’ ego cartésien, c’est le mode d’être de la conscience husserlienne qui est visé, en tant qu’elle constitue le monde selon l’intentionnalité, alors que le Dasein est constitué par son être-au-monde ; c’est pourquoi le souci est la forme première de l’intentionnalité heideggérienne (voir le § 64, décisif entre tous, auquel je ne peux faire ici qu’une référence homéopathique). Sur la critique heideggérienne de l’intentionnalité, voir Arion Kelkel, « Immanence de la conscience intentionnelle et transcendance du Dasein », in Heidegger et l’idée de la phénoménologie, éd. F. Volpi, Dordrecht, Kluwer, 1988, p. 165-193.
  • [9] Voir le séminaire du semestre d’hiver 1923-1924, Einführung in die phänomenologische Forschung, GA, 17, en particulier les étonnantes p. 132-133 qui identifient les tentatives de Descartes et de Husserl, et même qui font de Descartes un Husserl plus radical encore (voir, infra, n. 3, p. 76).
  • [10] Voir le cours du semestre d’été 1927, Die Grundprobleme der Phänomenologie, § 13, GA, 24, en particulier 178, puis les analyses de Leibniz menées par Heidegger dans le cours du semestre d’été 1928, Metaphysische Anfangsgründe der Logik, I, GA, 26. C’est là ce qu’Alain de Libera appelle attributivisme, Archéologie du sujet, I : Naissance du sujet, Paris, Vrin, 2007, chap. II. – Sur le rapport de l’ ego cogito au varia a me cogitantur, voir Michel Fichant, « De l’individuation à l’individualité universelle », in Science et métaphysique dans Descartes et Leibniz, Paris, PUF, 1998, p. 143-162.
  • [11] Leibniz « voit dans le je, dans l’ ego cogito, la dimension de laquelle tous les concepts fondamentaux doivent être tirés. (...) Or chez Leibniz, comme chez son prédécesseur et chez ses successeurs, ce retour au je reste ambigu, parce que le je n’est pas saisi dans sa structure d’essence et dans son mode d’être spécifique » ( Aus der letzten Marburger Vorlesung (1928), in Wegmarken, GA, 9, 89-90).
  • [12] Metaphysische Anfangsgründe der Logik, § 12, GA, 26, 270-271 ; voir Pierre Teitgen, « Heidegger et Leibniz : les Fonds métaphysiques initiaux de la logique  », à paraître dans Philosophie en 2009. Sur le § 39 de Sein und Zeit et Leibniz, voir Emmanuel Martineau, « La modernité de Sein und Zeit  », in La provenance des espèces, Paris, PUF, 1982, p. 174-177.
  • [13] « Ainsi, chez Descartes, l’élucidation des accès possibles à l’étant intramondain passe-t-elle sous la domination d’une idée de l’être qui a elle-même été empruntée à une région déterminée de cet étant. (...) L’idée de l’être comme être-sous-la-main constant ne motive pas seulement une détermination extrême de l’être de l’étant intramondain et son identification avec le monde en général, elle empêche en même temps de porter les comportements du Dasein sous un regard ontologiquement adéquat. (...) L’être du Dasein, à la constitution fondamentale duquel l’être-au-monde appartient, Descartes ne veut le saisir que sur le même mode que l’être de la res extensa, comme substance » (§ 21, 97-98). Cette circularité n’a rien qui doive nous surprendre : car, qu’il s’agisse de l’ ego ou de l’étant sous-la-main, ce qui est manqué, c’est le sens d’être du Dasein (qui sera saisi comme souci, et donc la temporalité).
  • [14] « Que Descartes non seulement ait voulu, grâce aux concepts de res cogitans et de res extensa, poser le problème du “Moi” et du “monde”, mais encore qu’il ait prétendu lui apporter une solution radicale, c’est ce dont ses Méditations (surtout la première et la sixième) témoignent clairement. Les élucidations précédentes auront montré que son orientation, dépourvue de la moindre critique positive, sur l’ontologie traditionnelle aura interdit à Descartes la libération d’une problématique ontologique du Dasein et l’aura nécessairement rendu aveugle au phénomène du monde, l’ontologie du “monde” se réduisant alors à l’ontologie d’un étant intramondain déterminé » (§ 21, 98).
  • [15] Est-il nécessaire de souligner que cela ôte toute valeur proprement phénoménologique à la tentative de Michel Henry ? Car, si le Dasein est constitutivement orienté comme être-au-monde, ce n’est pas une immanence, proclamée en deçà de l’intentionnalité mais toujours décrite en termes de perception, qui pourra élucider le sens d’être de la vie – la confusion de la manifestation et de la révélation en est le premier indice. Pour penser une vie qui n’ex-siste pas, il faut certes nier un concept d’existence « traditionnel », c’est-à-dire objectivant, mais cette négation même laisse intact le concept heideggérien d’existence. Il n’y a là que le dernier avatar d’une lignée intimiste (Malebranche, Maine de Biran, Bergson, Merleau-Ponty) qui double en mode à tous égards mineur (et d’abord non intentionnel) la voie royale Descartes, Kant, Husserl. Comprendre, comme le fait Rudolf Bernet, l’intentionnalité non objectivante du rapport au monde comme une réponse anticipée de Husserl à Heidegger a sans doute plus de validité ( La vie du sujet, Paris, PUF, 1994).
  • [16] L’ ego cartésien constitue à la fois plus qu’un exemple et simplement un exemple. – Plus qu’un exemple, parce que, quand les Grundprobleme der Philosophie (I, 3) entreprennent d’accomplir la destruction programmatique de Sein und Zeit, « la thèse de l’ontologie moderne » est formulée en termes explicitement cartésiens ; que les successeurs de Descartes se meuvent dans la direction qu’il a impulsée n’autorise pas plus à en faire un cas parmi les autres que de compter un père au nombre des fils. Pour Heidegger, alors, Descartes est bien d’abord l’auteur d’une rupture (d’où la mise en parallèle des Meditationes et de la philosophie première d’Aristote) ; c’est ensuite que Heidegger inscrira Descartes dans une évolution plus lente et plus vaste, à partir de Platon puis de Duns Scot. – Un exemple, car il importe peu finalement de savoir qui a initié le mouvement : l’analytique existentiale a d’abord pour tâche de montrer comment et pourquoi le Dasein peut passer à côté du sens de son propre être. De ce point de vue, que la compréhension de l’homme en tant que sujet (logique) ait été initiée par Descartes ne fait rien à l’affaire : il fallait qu’elle fût présente à titre de possibilité dans la constitution du Dasein lui-même. – Enfin, le Dasein n’est, à ma connaissance, nommé qu’une fois exemplaire ; ou l’inverse plutôt : c’est l’étant recherché de sorte que s’y déchiffre le sens de l’être, et à ce titre exemplaire (§ 2, 7), qui est nommé Dasein. 
  • [17] « Cette exemplification historique de l’intention de l’analytique [celle qui prend Descartes pour exemple] risque en même temps d’égarer. Car l’une de ses premières tâches sera de montrer que la position initiale d’un moi ou d’un sujet d’emblée donné manque radicalement la réalité phénoménale du Dasein. Toute idée de “sujet” persiste – à moins qu’elle n’ait été clarifiée par une détermination ontologique fondamentale préalable – à poser ontologiquement le subjectum (?????B?????), et cela quelle que soit l’énergie avec laquelle on se défend, sur le plan ontique, de toute “substantialisation de l’âme” ou “chosification de la conscience”. Mais il est tout d’abord besoin d’assigner à la choséité elle-même sa provenance ontologique si l’on veut pouvoir poser la question de savoir ce qu’il faut comprendre positivement par un être non chosifié du sujet, de l’âme, de la conscience, de l’esprit, de la personne » (§ 10, 46).
  • [18] Voir « L’ ego et le Dasein  », in Réduction et donation, op. cit., p. 119-161, en particulier les § 6-7, que je suis ici partiellement – se reconnaître, c’est-à-dire faire l’objet d’une « inversion » avant de requérir une « confirmation ontologico-phénoménologique » qui consistera à montrer que sum a le sens de « je-suis-à-un-monde » ( Sein und Zeit, § 43, 211).
  • [19] Que la présente étude ait pour objet l’ ego n’implique pas qu’il faille tenir pour négligeable le « tu » – loin s’en faut ! –, puisqu’il en va avec le « tu » de la forme de l’appel de la conscience qui rend le Dasein à une existence propre (au contraire du « je » par lequel le Dasein pense se saisir lui-même au cœur même de l’impropriété) : dans l’appel de la conscience, je m’appelle comme un autre, « tu ».
  • [20] Voir le § 64, 318 : « L’éclaircissement de l’existentialité du Soi-même prendra son point de départ “naturel” dans l’auto-explicitation quotidienne du Dasein, qui s’ex-prime sur “soi-même” dans le dire-Je.  (...) Par “Je”, cet étant se vise lui-même. La teneur de cette expression passe pour absolument simple. Ce qu’elle désigne, c’est à chaque fois moi, et rien d’autre » (318).
  • [21] Comme on le voit, ce concept de soi-même n’implique ici aucune réflexivité, au contraire de celui dont je distinguais le moi en commençant ; voir aussi le § 60, 297 : « (...) le Soi-même que cet étant est en tant que “Je suis”. » Dès avant Sein und Zeit, Heidegger s’est montré très critique envers la « réflexivité » comme capacité supposée de faire retour à des « vécus », ce qui supposerait la possibilité de s’en abstraire pour les contempler comme de l’extérieur.
  • [22] C’est pourquoi le critère de la commune indétermination de l’ ego et du Dasein reste lui-même sujet à caution, puisqu’elle n’est que l’effet d’une « interprétation immédiate » du Dasein par lui-même (« eine naheliegende Selbstauslegung seiner », § 25, 116). Autrement dit, ce n’est que comme on que le Dasein peut se comprendre comme je, n’ayant ainsi que l’apparence du soi – apparence qui ne sera levée qu’avec le souci : voir la note marginale b du Handexemplar à la p. 317 (« Das “Ich” als das im gewissen Sinne “nächste”, vordergründliche und so scheinbare Selbst », 445) et le commentaire de Jean-Luc Marion, Réduction et donation, op. cit., p. 158.
  • [23] « L’ “évidence” ontique de cet énoncé : c’est moi qui à chaque fois suis le Dasein, ne doit pas créer l’illusion que la voie d’une interprétation ontologique de cette “donnée” se trouverait du même coup univoquement tracée [Die ontische Selbstverständlichkeit der Aussage, da ich es bin, der je das Dasein ist, darf nicht zu der Meinung verleiten, es sei damit der Weg einer ontologischen Interpretation des so “Gegebenen” unmiverständlich vorgezeichnet]  » (§ 25, 115). — L’impropriété étant première, le Dasein est d’abord l’étant que je ne suis pas ! S’il est si tentant de croire qu’il suffit de dire « je suis » pour être le Dasein, c’est parce que cela évite de voir que l’existence est d’abord impropre, c’est-à-dire que le Dasein est d’abord et le plus souvent l’étant que je ne suis pas, donc de voir que je ne suis pas moi-même.
  • [24] Voir aussi le rappel du § 64 : « La présente analytique, quant à elle, s’est heurtée dès sa caractérisation préparatoire de la quotidienneté à la question du qui du Dasein. De prime abord et le plus souvent, est-il apparu, le Dasein n’est pas lui-même » (317).
  • [25] Pierre Teitgen me confirme que le mot Werheit n’apparaît, dans l’état actuel de la publication de la GA, que dans les p. 169-170 de GA, 24 : si le thème de l’impossibilité d’accéder au Dasein par la Washeit est fréquent entre 1924 et 1928, le mot Werheit semble être un hapax.
  • [26] GA, 24, 171. Jean-François Courtine, dans sa traduction des Problèmes fondamentaux de la phénoménologie, Paris, Gallimard, 1985, p. 151, passe par le latin pour traduire Werheit, « quissité », sur le modèle de Washeit, « quiddité » ; si l’incongruité du néologisme français « quoiité », doublon inutile de « quiddité », est indiscutable, l’improbable et insupportablement aigu « quiité » dispense du détour latin de la « quissité ».
  • [27] Note à Umschaltung, in § 21, 96, p. 88 d’ être et temps  : l’expression est prononcée cependant à propos du « déplacement de l’influence de l’ontologie traditionnelle vers la physique mathématique moderne ».
  • [28] Je vois dans cette syntaxe inouïe (et rigoureusement intraduisible en français) : ille (masculin) ego (substantivé) qui gouverne le verbe sum (à la première personne), un indice textuel de la primauté du quis (que je suis) sur l’objet quid ; voir mon Pascal : des connaissances naturelles à l’étude de l’homme, op. cit., p. 121-122.
  • [29] Michelle Beyssade glose : «  Ce qu’ est ce moi, ce que je suis, moi qui à présent de toute nécessité suis » ( Méditations métaphysiques / Méditations de philosophie première, Paris, Le Livre de poche, 1990, p. 53, puis p. 61). Picot : « Examinant ce que nous sommes (...). »
  • [30] Édition de 1661 des Méditations métaphysiques, p. 451.
  • [31] Le quel (qualis) de Luynes est sans doute appelé par « qualis res ? » (27, 16).
  • [32] « Supposui enim ista nihil esse. Manet positio : nihilominus tamen ego aliquid sum » (27, 22-23). J’ai pour moi, contre Luynes qui lit cette positio comme le rappel de la supposition qui précède, l’hypallage d’Arnauld, qui explicite l’opposition en déplaçant le nihilominus  : « Etiam si obstinata mente contendam, nullum esse omnino corpus, manet nihilominus positio, ego aliquid sum, non sum igitur corpus » (198, 17-19).
  • [33] Luynes corrige en un sens ses inadvertances précédentes en traduisant à présent « Quid autem nunc... » (26, 24) par un « Mais moi, qui suis-je... » : « correction » tardive, et non repentir, car, tout aussi fautive, elle confirme sa cécité envers la question qui m’occupe.
  • [34] Jean Gerson commentateur dionysien, Paris, Vrin, 2 e  éd., 1973, p. 106.
  • [35] Voir Jean-Luc Marion, Sur le prisme métaphysique de Descartes, Paris, PUF, 1986, § 13. Contra Sein und Zeit, § 15, 67-68 : « L’advocation de l’étant comme “chose” (res) suppose déjà une caractérisation ontologique anticipée et implicite. L’analyse qui, partant d’un tel étant, pousse jusqu’à son être rencontre les concepts de choséité et de réalité, puis l’explication ontologique de celles-ci s’achemine jusqu’à des caractères d’être comme la substantialité. » En ligne
  • [36] Comme on le sait, le coup de force heideggérien requiert l’interprétation du cogito en termes de représentation ( vor-stellen, et même de sich vor-stellen compris comme Vor-sich-stellen ), donc des modi cogitandi en termes de modes de la représentation, compris par conséquent comme des modalités de la présence à soi. Cette interprétation, fondée sur celle du cogito comme cogito me cogitare, appartient déjà au cours du semestre d’hiver 1923-1924, Einführung in die phänomenologische Forschung, GA, 17, 132-133. Elle est développée plus tard, en particulier dans le Nietzsche, II, GA, 6 . 2 (133-139), qui reprend une page parfaitement explicite du séminaire d’été 1937, Arbeitskreis zur Ergänzung der Vorlesung : Nietzsches metaphysische Grundstellung (Sein und Schein) GA, 87, 254 : « Med. III, 1. Cogito. Vor-stellen. Ego sum res cogitans, id est dubitans, affirmans, negans, pauca intelligens, multa ignorans, volens, nolens, imaginans, quoque et sentiens. Co-agito –  zusammen treiben  – vorstellen –  logos als Einigen, Sammeln. / Princip. I, 9. cogito = cogito me cogitare. Cogitationis nomine, intelligo illa omnia, quae nobis consciis in nobis fiunt, quatenus eorum in nobis conscientia est. Atque ita non modo intelligere, velle, imaginari, sed etiam sentire, idem est hic quod cogitare. Sein ist Bewutsein. / Vor-stellen jetzt : das sichere Zustellen des Vor-stellbaren (Vorausberechnen) ; in diesem Vorstellen Vorliegen » (on remarquera que c’est à la Meditatio III que Heidegger emprunte la liste que je commente).
  • [37] Aliquanto me paraît signifier ici, plutôt que « un peu » : « assez », « assez nettement ».
  • [38] « Les caractères de cet étant [le Dasein ] qui peuvent être dégagés ne sont donc pas des “propriétés” sous-la-main d’un étant sous-la-main présentant telle ou telle “figure”, mais, uniquement, des guises à chaque fois possibles pour lui d’être » ( Sein und Zeit, § 9, 42 ; voir aussi § 15, 67).
  • [39] « Descartes (...) dit : des cogitationes sont sous-la-main et en elles est conjointement sous-la-main un ego comme res cogitans sans monde » (§ 43 b), 211 – cela peut-il s’entendre avant la Meditatio III  ?
  • [40] Je veux bien dire : la position de l’identité fait basculer le questionnement cartésien. Heidegger ne pût être sensible à ce point d’inflexion, puisque pour lui tout est joué dès la compréhension de l’ ego cogito comme conscience, donc comme réflexivité, et de la cogitatio comme intentio  : « Descartes caractérise le concept de la cogitatio de telle sorte qu’il tombe à peu près d’accord avec le concept de vécu intentionnel actuellement utilisé en phénoménologie » ( Einführung in die phänomenologische Forschung, semestre d’hiver 1923-1924, GA, 17, 132). C’est du reste à ce titre que Descartes est un véritable prête-nom pour Husserl : dans Sein und Zeit certes, mais déjà, et avec quelle violence théorique, dans le cours de 1923-1924 cité plus haut : les vécus intentionnels demeurent prisonniers de la détermination cartésienne, ils ne sortent pas de l’immanence de la conscience comme présence à soi. Husserl manque donc tout autant que Descartes le phénomène du monde : puisque le phénomène du monde requiert une élucidation de l’intentionnalité qui se fonde dans la transcendance du Dasein, dont le sens d’être est le souci. – La bifurcation, si je puis dire, entre les voies du Dasein et de l’ ego, c’est-à-dire entre l’être-au-monde et la conscience, a lieu, pour Heidegger, dès ce qu’il appelle « le cogito sum  » : c’est sans doute pourquoi il a méconnu la Werfrage dans la Meditatio II.
  • [41] Resterait cependant à se demander en quel sens – et s’il y a un sens, la question de l’être-au-monde étant omise – on peut considérer que la doctrine de la liberté et les Passions de l’âme prolongent l’investigation de la question quis ?. La tâche est assez ardue, qui engage en particulier l’examen des textes cités supra, n. 2, p. 65, trop en tout cas pour l’instant et pour moi, a fortiori dans les limites de cet article.
  • [42] Restitués et publiés par Emmanuel Martineau, Paris, Fayard-Armand Colin, 1992, p. 119 sq.
  • [43] Discours, notice XIII, p. 247.
  • [44] Voir Jean-Luc Marion, Réduction et donation, op. cit., VI, § 15, « L’ennui des profondeurs », qui compare l’ennui (Pascal) et l’angoisse (Heidegger). En ligne
  • [45] Pascal : des connaissances naturelles à l’étude de l’homme, IV, III. – Une étude de la lecture heideggérienne de Pascal (cité deux fois dans Sein und Zeit ), qui envisage l’ensemble du corpus, nous fait encore défaut.
  • [46] Cet article a bénéficié de la relecture de Pierre Teitgen, que je remercie.

Qui est le moi ?

Lorsqu’elle apparaît au milieu du XVII e  siècle, l’expression « le moi » vise-t-elle un phénomène nouveau ou son sens est-il réductible aux concepts anciens que sont l’âme, l’esprit, le sujet, l’individu, la personne, etc. ? Si les faits de la langue philosophique sont gouvernés par des décisions philosophiques, le moi doit se distinguer de ces concepts. Notre hypothèse est que le rapport ambivalent que le Dasein entretient avec l’ ego cartésien peut nous éclairer sur cette distinction. D’une part, en effet, l’ ego n’est pas le Dasein, en ce que, se pensant lui-même selon la Vorhandenheit, il reste aveugle au phénomène du monde : de ce point de vue l’ ego n’est, dans l’histoire de l’ontologie, qu’un exemple parmi d’autres, tous disqualifiés. D’autre part, le Dasein peut se reconnaître dans l’ ego, ne fût-ce qu’au titre de la mienneté : mais cette reconnaissance tourne court, dès lors que l’ ego est interrogé, comme tous les étants intramondains, avec la question quid ? et non pas avec la question quis ?, de laquelle seule part l’analytique existentiale. Or, même si, dans les Meditationes, la première question en vient à se substituer subrepticement à la seconde, c’est bien en demandant quis sum ? que l’ ego s’interroge initialement lui-même : le déploiement de cette question suffit à distinguer radicalement le moi de l’âme, la conscience, l’individu, etc. – même si l’incapacité de l’ ego à saisir son mode d’être comme être-au-monde exclut de voir dans la pertinence de la question initiale plus qu’une indication de la constitution ontologique du Dasein . Il appartiendra en revanche à la description pascalienne de l’existence humaine d’anticiper l’analyse heideggérienne de l’être-au-monde impropre du Dasein .

Allorché, alla metà del secolo XVII, l’espressione « il me » fa la sua comparsa, essa indicherà un fenomeno nuovo o il suo senso sarà riconducibile a vecchi concetti come quelli di anima, spirito, soggetto, individuo, persona, e cosî via ? Se i fatti della lingua filosofica sono governati da decisioni filosofiche, il me si deve distinguere da questi concetti. La mia ipotesi è che il rapporto ambivalente che il Dasein intrattiene con l’ ego cartesiano può chiarire questa distinzione. Da una parte, infatti, l’ ego non è il Dasein, in quanto, pensandosi secondo la Vorhandenheit, resta cieco al fenomeno del mondo : da questo punto di vista, l’ ego non è, nella storia dell’ontologia, che un esempio tra altri, tutti rifiutati. D’altra parte, il Dasein si può riconoscere nell’ ego, almeno per l’aspetto della meità : ma questo riconoscimento cade non appena l’ ego viene interrogato, come tutti gli enti intramondani, con la questione : quid ? e non con la questione : quis ?, dalla quale soltanto muove l’Analitica esistenziale. Ora, nelle Meditazioni, anche se la prima questione si sostituisce surrettiziamente alla seconda, è proprio domandandosi quis sum ? che l’ ego si interroga inizialmente su se stesso : il dispiegarsi di tale questione basta a distinguere radicalmente il me dall’anima, dalla coscienza, dall’individuo e cosî via, anche se l’incapacità dell’ ego di conoscere il suo modo di essere come essere-nel-mondo interdice di vedere nella pertinenza della questione iniziale più che un’indicazione della costituzione ontologica del Dasein . Spetterà invece alla descrizione pascaliana dell’esistenza umana anticipare l’analisi heideggeriana dell’essere-nel-mondo inautentico del Dasein .

dissertation qu'est ce que le moi

  • Philosopher avec Dante : autour d’un anniversaire (1321-2021)
  • Avec Bruno Pinchard
  • Dans Les Études philosophiques 2023/4 (N° 147)

Citer cet article Français

ISO 690 FR CARRAUD Vincent, « Qui est le moi ? », , 2009/1 (n° 88), p. 63-83. DOI : 10.3917/leph.091.0063. URL : https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2009-1-page-63.htm
MLA FR Carraud, Vincent. « Qui est le moi ? », , vol. 88, no. 1, 2009, pp. 63-83.
APA FR Carraud, V. (2009). Qui est le moi ?. , 88, 63-83.

Exporter la citation Français -->

Mon cairn.info.

Aujourd’hui, Cairn diffuse plus de 400 000 articles de revues et en ajoute 2 500 nouveaux tous les mois. Comment repérer l’essentiel ? Comment ne rien laisser passer ?

Connexion fermée

Vous avez été déconnecté car votre compte est utilisé à partir d'un autre appareil.

dissertation qu'est ce que le moi

Les philosophes

  • Traité de la nature humaine

Résumé du Traité de la nature humaine (page 12)

Il convient de citer en entier ce texte, dans lequel Hume, en quelques lignes, dénonce une illusion liée à ce qu’il y a en nous de plus intime, de plus personnel, et probablement de plus cher : le moi .

Il est des philosophes qui imaginent que nous sommes à chaque instant intimement conscients de ce que nous appelons notre MOI, que nous en sentons l’existence et la continuité d’existence, et que nous sommes certains, avec une évidence qui dépasse celle d’une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites. La sensation la plus forte, la passion la plus violente, disent-ils loin de nous détourner de cette vue, ne la fixent que plus intensément et nous font considérer par la douleur ou le plaisir qui les accompagne, l’influence qu’elles exercent sur le moi. Tenter d’en trouver une preuve supplémentaire serait en atténuer l’évidence, puisqu’on ne peut tirer aucune preuve d’un fait dont nous sommes si intimement conscients, et nous ne pouvons être sûrs de rien si nous en doutons. Malheureusement, toutes ces affirmations positives sont contraires à cette expérience même que l’on invoque en leur faveur et nous n’avons aucune idée du moi de la manière qu’on vient d’expliquer. De quelle impression, en effet, cette idée pourrait-elle provenir ? Il est impossible de répondre à cette question sans une contradiction et une absurdité manifestes et pourtant, c’est une question qui doit trouver une réponse si nous voulons que l’idée du moi passe pour claire et intelligible. Toute idée réelle doit provenir d’une impression particulière. Mais le moi, ou la personne, ce n’est pas une impression particulière, mais ce à quoi nos diverses idées et impressions sont censées se rapporter. Si une impression donne naissance à l’idée du moi, cette impression doit nécessairement demeurer la même, invariablement, pendant toute la durée de notre vie, puisque c’est ainsi que le moi est supposé exister. Mais il n’y a pas d’impression constante et invariable. La douleur et le plaisir, le chagrin et la joie, les passions et les sensations se succèdent et n’existent jamais toutes en même temps. Ce ne peut donc pas être d’une de ces impressions, ni de toute autre, que provient l’idée du moi, et en conséquence il n’y a pas une telle idée 1 .

On le voit : en quelques tours de passe-passe, Hume escamote le principe même de notre identité personnelle, ce qui se trouve à la racine de notre personnalité : le moi.

Le syllogisme est imparable :

Il n’y a pas d’i mpression du moi, c’est bien plutôt ce à quoi se rapporte toutes nos impressions.

Il n’y en a donc pas d’ idée , car toute idée provient d’une impression.

Puisqu’il n’y a ni idée ni impression du moi, il nous faut congédier le moi comme simple fiction.

Ce raisonnement simple suffirait, mais Hume le complexifie ainsi, en une sorte de seconde ligne d’argumentation :

Le moi doit être entendu comme quelque chose d’identique, qui demeure fixe et stable : d’où la notion d’ identité personnelle .

Or nous ne trouvons en notre esprit que succession des idées et impressions, rien de fixe et identique.

Et derechef, il nous faut congédier le moi comme simple fiction.

On aboutit alors à une sorte d’ atomisme de l’esprit, au sens où rien ne vient rassembler ces perceptions séparées en quelque chose qui serait comme un Moi substantiel :

Qu’advient-il de toutes nos perceptions particulières, d’après cette hypothèse ? Elles sont toutes différentes, elles peuvent toutes être distinguées et séparées, elles peuvent être considérées séparément, peuvent exister séparément et n’ont besoin de rien pour soutenir leur existence. De quelle manière appartiennent-elles au moi et comment lui sont-elles reliées ? Pour moi, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j’appelle moi-même, je tombe toujours sur une perception particulière ou sur une autre, de chaleur ou de froid, de lumière ou d’ombre, d’amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne parviens jamais, à aucun moment, à me saisir moi-même sans une perception et je ne peux jamais observer d’autre que la perception 2 .

Le moi se résout tout entier dans ces perceptions éparses : il disparaît comme un vain terme dont on n’a plus besoin pour expliquer ce que nous livre la conscience intime.

Pour finir, Hume nous propose une expérience de pensée : Si toutes mes perceptions étaient supprimées par la mort, si je ne pouvais plus penser, ni éprouver, ni voir, aimer ou haïr après la destruction de mon corps, je serais entièrement anéanti et je ne conçois pas du tout ce qu’il faudrait de plus pour faire de moi une parfaite non-entité 3 .

Hume tire simplement la conséquence d’une idée émise bien plus tôt : s’il n’y a pas de substance , ou plutôt si une substance n’est en réalité autre chose qu’une collection d’idées particulières 4 , alors cette prétendue substance qu’est le moi se dissout lui aussi en une simple collection de perceptions .

Telle est précisément la conclusion de Hume : Les autres hommes ne sont qu’un faisceau ou une collection de perceptions différentes, qui se succèdent avec une rapidité inconcevable et sont dans un flux et un mouvement perpétuels 5 .

Si l’esprit est une sorte de théâtre , et qu’ il n’y a pas en lui à proprement parler de simplicité à un moment donné, ni d’identité à différents moments , la question se pose : Qu’est-ce donc qui nous donne une si grande tendance à attribuer une identité à ces perceptions successives et à supposer que nous possédons une existence invariable et ininterrompue pendant tout le cours de notre vie 6 ?

Encore une fois, selon un procédé que nous connaissons bien maintenant, il convient de trouver l’origine d’une illusion, d’identifier ce qui peut nous amener à forger une telle fiction.

Et c’est encore et toujours le même processus qui est à l’œuvre : la ressemblance entre des impressions successives facilite la transition de l’esprit d’un objet à l’autre et la rend aussi aisée que s’il contemplait un objet continu. Cette ressemblance est la cause de la confusion et de l’erreur et elle fait que nous substituons la notion d’identité à celle d’objets reliés 7 .

Mais comme nous sentons qu’il est absurde de parler d’un seul et même objet, là où nous ne voyons que différents objets reliés […] discontinus et variables , pour justifier cette absurdité à nos propres yeux, nous feignons souvent quelque principe nouveau et inintelligible qui relie entre eux les objets et en prévient la discontinuité ou la variation. Ainsi nous feignons l’existence continue des perceptions de nos sens pour en supprimer la discontinuité, et nous aboutissons aux notions d’âme, de moi et de substance pour en déguiser la variation 8 .

C’est, on le voit, toujours le même mécanisme, qui nous a mené à d’autres fictions : les notions de cause, de substance, ou encore celle d’un monde extérieur continu et indépendant.

Si Berkeley rejette lui aussi ces trois fictions, le moi est quelque peu épargné dans sa doctrine : si être c’est être perçu, esse est percipi , l’esprit accède chez lui à la suprême dignité de ce qui perçoit.

Une intelligence est un être actif, simple, non divisé […]. En tant qu’il perçoit des idées, on l’appelle entendement, et en tant qu’il en produit ou opère autrement sur elles, on l’appelle volonté 9 .

Hume va donc plus loin sur ce point que Berkeley. Et que tout autre penseur de son époque, en réalité.

Son système, de par ses conclusions extraordinaires, l’a mené à une solitude intellectuelle profonde.

Ce qui l’amène, dans la conclusion de ce premier livre, à nous livrer cette longue lamentation, que l’on pourrait qualifier de « blues du sceptique » :

Je suis tout d’abord effrayé et confondu de la solitude désespérée où me place ma philosophie, et je m’imagine être un monstre étrange et grotesque qui, incapable de se mêler à autrui et de se fondre dans la société, a été exclu du commerce des hommes et reste totalement abandonné et inconsolé. […] Je me suis exposé à l’inimitié de tous les métaphysiciens, logiciens, mathématiciens et même théologiens ; puis-je encore m’étonner des insultes que je dois souffrir ? J’ai déclaré que je désapprouvais leur système ; puis-je m’étonner qu’ils expriment leur haine du mien et de ma personne ? Quand je regarde à l’entour, je prévois de tous côtés la dispute, la contradiction, la colère, la calomnie et le dénigrement. Quand je tourne mes regards vers moi-même, je ne trouve que le doute et l’ignorance. Le monde entier conspire pour s’opposer à moi et me contredire 10 .

1 P.342-343 2 P.343 3 Ibid. 4 P.60 5 P.344 6 Ibid. 7 P.345 8 P.346 9 §27, p.80 10 P.357

logo 20aubac

Pascal, Pensées: "Qu'est-ce que le moi ?"

Texte étudié

Qu'est-ce que le moi ? Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants, si je passe par là, puis-je dire qu'il s'est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier. Mais celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il ? Non; car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus. Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime-t-on, moi ? Non ; car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'âme ? Et comment aimer le corps ou l'âme, sinon pour ces qualités qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont périssables ? Car aimerait-on la substance de l'âme d'une personne abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualités. Qu'on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n'aime personne que pour des qualités empruntées.

Ce corrigé est disponible sur sos.philosophie.free.fr, un site externe à 20aubac. En cas de problème d'accès à la page originale, vous pouvez accéder aux copies enregistrées.

Corrigés liés disponibles

Les corrigés similaires disponibles

  • Kant, Qu'est-ce que les lumières ?
  • Fichte, Système de l'éthique: Ce qu'est le moi
  • Saint Augustin, Confessions: «Qu'est-ce que le temps ?»
  • De tout ce que j'ai, que puis-je considérer comme vraiment à moi ?
  • Être libre, est-ce faire ce que l'on veut ?

Proposez votre corrigé pour ce sujet

Philochar élèves

"je bachote donc je suis".

Philochar élèves

Qu’est-ce que le moi ?

Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants ; si je passe par là, puis-je dire qu’il s’est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu’un à cause de sa beauté, l’aime-t-il ? Non : car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus. Et si on m’aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m’aime-t-on, moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps, ni dans l’âme ? et comment aimer le corps ou l’âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu’elles sont périssables ? car aimerait-on la substance de l’âme d’une personne, abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualités. Qu’on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualités empruntées.

Pascal,  Pensées , « Qu’est-ce que le moi ? » Laf. 688, Sel. 567. 

Le Moi n’est pas l’affirmation d’Un être face à plusieurs (instincts, pensées, etc.), au contraire, l’ego est une pluralité de forces personnalisées dont tantôt l’une tantôt l’autre passe au premier plan en qualité d’ego et considère les autres de loin, comme un sujet considère le monde extérieur qui influe sur lui et le détermine. Le sujet est instable, nous ressentons probablement le degré d’intensité des forces et des instincts comme proximité ou éloignement, et nous interprétons pour nous-mêmes sous la forme d’un paysage, d’une plaine, ce qui est en réalité une multiplicité de degrés quantitatifs. L’élément le plus rapproché, nous l’appelons « moi » de préférence à ce qui est plus lointain, et accoutumés à la désignation imprécise « moi et tout le reste, tu 1 », nous faisons instinctivement, de l’élément dominant momentanément, tout l’ego, nous repoussons l’ensemble des tendances plus faibles dans une perspective plus lointaine et nous en faisons le domaine entier d’un « Tu » ou « Ça ». Nous nous traitons comme une pluralité et transportons dans ces « rapports sociaux » toutes les habitudes sociales que nous avions envers les hommes, les animaux, les pays et les choses. Nous nous déguisons, nous nous faisons peur, formons des factions, représentons des procès, nous agressons nous-mêmes, nous torturons, nous glorifions, faisons de tel ou tel de nos traits de caractère notre dieu ou notre diable et nous montrons aussi déloyaux et aussi loyaux que nous avons coutume de l’être en société. Friedrich Nietzsche, Fragment posthume, (Automne 1880), Fragment 6 [70], traduction de Julien Hervier (légèrement remaniée). Question d’interprétation philosophique : Dans ce texte, quelle réalité Nietzsche attribue-t-il au moi ?

buy windows 11 pro test ediyorum

Un blog gratuit et sans publicité pour votre classe !

Apprendre la philosophie

Découvrir la philosophie pas à pas

Exemple de dissertation de philosophie rédigée

Bienvenue sur Apprendre la philosophie ! Si vous êtes nouveau ici, vous voudrez sans doute lire mon livre qui vous explique comment réussir votre épreuve de philosophie au bac : cliquez ici pour télécharger le livre gratuitement ! 🙂

Bienvenue sur Apprendre la philosophie ! Comme ça n'est pas la première fois que vous venez ici, vous voudrez sans doute lire mon livre qui vous explique comment réussir votre épreuve de philosophie au bac : cliquez ici pour télécharger le livre gratuitement ! 🙂

dissertation qu'est ce que le moi

Afin que vous compreniez mieux ce que l’on attend de vous dans une dissertation, voici un exemple de dissertation de philosophie. A chaque fois, je précise entre parenthèses juste après à quelle étape de la méthodologie de la dissertation cela correspond. Si vous ne l’avez pas lu, je vous invite à lire d’abord cet article sur la manière de bien commencer sa dissertation de philosophie ou si vous préférez la vidéo c’es t ici.

Sujet : « L’homme est-il à part dans la nature ? » (Exemple de dissertation de philosophie)

Petit rappel de la structure de l’introduction. Pour un exemple d’introduction de dissertation en vidéo c’est ici .

dissertation qu'est ce que le moi

Introduction

Vinciane Despret, philosophe et psychologue, remarque combien les hommes sont enclins à se considérer eux-mêmes comme exceptionnels. Mais, à ses yeux, c’est oublier que nous sommes aussi de grands destructeurs ou si l’on peut dire des êtres particulièrement nuisibles pour les autres, pour nous-mêmes et pour la nature. Ce faisant, elle considère bien les hommes comme « à part » dans la nature, du moins par nos capacités de destruction. Mais, est-il réellement justifié de dire que nous sommes à part dans la mesure où nous restons dépend d’une nature qui peut également nous détruire en tant qu’espèce ? (Accroche qui propose une première réponse au sujet et formule un début d’objection ) Alors, l’homme est-il réellement à part dans la nature ? (Rappel du sujet) A première vue , et si l’on se fie à la manière dont les hommes se considèrent eux-mêmes depuis des siècles, l’homme est bien à part dans la nature car il serait doté de facultés exceptionnelles telles la conscience, un langage riche et articulé, une raison ou encore des cultures variées et complexes qui l’éloignent toujours davantage de la vie animale. Mais, notre tendance à nous considérer comme supérieurs, ne nous fait-elle pas oublier que notre espèce comme toutes les autres est le produit de l’évolution des espèces ? Ainsi, on pourrait dire que l’homme n’est pas particulièrement à part. L’être humain reste une espèce qui, par le fait du hasard, a développé une raison, une conscience de soi, autant de facultés qui sont devenues la norme chez l’homme car elles lui procurent un avantage et lui permettent d’étendre son influence ou peut-être son territoire. Ce mécanisme est le même pour toutes les espèces, pourquoi alors considérer l’homme comme à part ? (Problématique constituée d’une première réponse au sujet « A première vue », puis d’une objection à cette première réponse « Mais »). Nous verrons d’abord que l’être humain peut effectivement être considéré comme à part dans la nature. Puis, nous nous demanderons si cette idée que nous serions une espèce à part n’est pas une pure illusion. Enfin, nous envisagerons bien une spécificité humaine, mais qui au lieu d’être un privilège est plutôt une immense responsabilité. (Annonce du plan en 3 parties) .

Développement

Avant de rédiger le développement de l’exemple de dissertation de philosophie, petit rappel de la structure globale que doit avoir votre devoir. Le nombre des sous-parties est indicatif. Il doit y avoir au moins deux sous-parties par partie et pas plus de trois.

dissertation qu'est ce que le moi

Attention, ci-dessous, je vais mettre des titres Première grande partie / premier paragraphe. Vous ne devez pas les mettre dans vos copies. Je les mets seulement pour que vous compreniez bien la structure. Afin que votre copie soit bien lisible, vous devez passer des lignes entre les grandes parties et revenir à la ligne + alinéa quand vous changez de paragraphe (ou sous-partie).

Première grande partie : l’homme est bien à part dans la nature

Premier paragraphe :.

L’être humain peut semble-t-il être considéré comme à part dans la nature car il est doté de facultés qui le rendent très différent des autres espèces. (Thèse générale du paragraphe qui répond au sujet) Certes, l’être humain appartient en un sens à la nature, car si l’on définit la nature comme l’ensemble de ce qui n’a pas été créé ou transformée par l’homme (définition de la nature) alors l’espèce humaine est bien naturelle. L’homme ne s’est pas créé lui-même, il est donc un être naturel au moins en partie. Mais, l’être humain à ceci de particulier que précisément il a cette capacité à transformer sa nature et à n’être pas totalement soumis à son instinct. Il peut se cultiver c’est-à-dire se transformer si bien qu’il peut devenir réellement très différent d’un autre être humain. (Argument formulé avec mes propres termes pour soutenir la thèse) Aux yeux de Rousseau, ce qui fait la spécificité de l’être humain par rapport aux autres espèces, c’est sa capacité à « se perfectionner ». (Utilisation d’une référence à Rousseau qui justifie la thèse, avec utilisation du vocabulaire de l’auteur). Il remarque ainsi qu’un être humain peut, par les choix qu’il fait, aussi bien devenir un très grand artiste, sportif ou savant, qu’un toxicomane. C’est d’ailleurs lui qui pose la question « Pourquoi l’homme, seul, est-il sujet à devenir imbécile ? » et il y répond que c’est parce qu’il est le seul à être libre, c’est-à-dire à pouvoir ne pas suivre un programme inscrit à l’avance dans ses gènes et qui décide de son mode de vie. Ce que l’on appelle communément un instinct. L’homme peut donc se perfectionner toute sa vie, là où l’animal va très rapidement cesser de changer dès lors qu’il est adulte. (Développement en utilisant les arguments que l’auteur utilise pour justifier sa thèse) Nous pouvons donc dire que l’homme est bien à part dans la nature, car il a cette capacité de se perfectionner que n’ont pas les autres espèces. (Retour au sujet : le but est de rappeler en quoi ce que l’on vient de dire répond au sujet)

(Suite à venir)

▶️ Je vous montre comment développer une sous-partie en vidéo ci-dessous :

Articles similaires

Une réflexion sur “  exemple de dissertation de philosophie rédigée  ”.

' data-src=

Je trouve vos articles très intéressants. Dommage, quelques coquilles!!!

Laissez un commentaire Annuler la réponse.

LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC

  • Archives du BAC (43 529)
  • Art (11 060)
  • Biographies (6 177)
  • Divers (47 453)
  • Histoire et Géographie (17 971)
  • Littérature (30 268)
  • Loisirs et Sports (3 295)
  • Monde du Travail (32 157)
  • Philosophie (9 543)
  • Politique et International (18 653)
  • Psychologie (2 956)
  • Rapports de Stage (6 974)
  • Religion et Spiritualité (1 441)
  • Sante et Culture (6 435)
  • Sciences Economiques et Sociales (23 576)
  • Sciences et Technologies (11 297)
  • Société (10 929)
  • Page d'accueil
  • / Archives du BAC
  • / BAC Philosophie

Le « moi » s’identifie-t-il à la conscience ?

Par Dany01000110   •  6 Mai 2021  •  Dissertation  •  809 Mots (4 Pages)  •  3 005 Vues

Dissertation – Philosophie

Sujet : Le « moi » s’identifie-t-il à la conscience ?

S’identifier c’est comprendre deux choses sous une même idée. En philosophie, ce qu'on appelle le moi désigne l'identité d'un sujet, d'un individu, ce qui fait de lui un être unique et irréductible à ses semblables. Ce "moi", même s'il se caractérise d'abord par une histoire, est bien difficile à cerner. La conscience est l'ensemble de tous les états et de tous les actes de notre esprit, il s'agit donc de se demander si la conscience s'identifie-t-elle au moi ? Enfin, dans le domaine moral, la conscience désigne le fait d’agir en comprenant la portée de son acte et en envisageant les conséquences. Agir avec conscience, c’est agir en pensant en termes de bien et de mal. Ainsi nous allons nous intéresser à la conscience avant de nous tourner vers l'inconscience.

Tout d’abord, la conscience désigne trois réalités différentes, la conscience morale – être conscient de ce que l’on fait, la conscience comme éveil – être conscient que l’on existe – et la conscience comme savoir – par opposition à l’ignorance. On peut donc affirmer que le « moi » s’identifie à la conscience parce-que le « moi » de l’individu est le résultat de l’équilibre entre le ça et le surmoi. Le ça étant les désirs primitifs les plus fréquents de nature sexuelle ou relevant de l’agressivité, selon Freud et le surmoi étant une sorte de barrière bâtie par notre conscience morale, qui censure certains désires qu’elle ne juge pas convenables. Ainsi, on dit que la conscience est réflexive, c’est-à-dire que l’esprit est simultanément l’initiateur qui a décidé de faire quelques chose, l’exécutant qui fait agir le corps et le critique qui juge et corrige en cas d’erreur.

Ensuite, selon Descartes la conscience est ce qui fonde en partie le sentiment d’existence et la pensée de la mort. Ces pensées se concentre sur le « moi », Descartes disait par exemple « je pense, donc je suis », dans cette citation, nous pouvons relever l’insistance sur le pronom je, donc forcé de constater une insistance sur le « moi » ou en tous cas sur sa personne. Il identifie donc également le « je », ou son « moi » au fait qu’il est lui, par le biais de sa capacité à penser. C’est donc grâce à cette capacité de penser, par le fait qu’il a douté de sa propre existence, qu’il a conscience de sa possible existence et donc la conscience comme savoir, la conscience comme éveil et la conscience de ce que l’on fait, c’est-à-dire, la conscience morale.

Cependant, le « moi » ne s’identifie pas seulement à la conscience parce-que, la conscience d’éveil est souvent incompréhensible si on ne la rapporte pas à des phénomènes inconscients. En effet, certaines de nos actions, de nos paroles ou encore de nos rêves ne sont compréhensibles qu’à la condition de poser l’hypothèse de l’inconscient psychique, c’est-à-dire de l’existence en nous-mêmes de pulsions et de représentations cachées et qui restent ignorées de notre conscience.

Pour Freud,         la conscience n'est que la surface d'un iceberg entièrement immergé et constitué par le pouvoir de l'inconscient. C’est-à-dire que la conscience n’occupe qu’une infime partie du « moi » et la partie submergée est l’inconscient. L’inconscient dans le domaine moral désigne le fait d’agir sans comprendre la portée de son acte et sans en envisager les conséquences. Agir avec inconscience, c’est agir sans penser en termes de bien et de mal. Ce qui va contre la théorie des trois réalités différentes et le principe du ça/surmoi/moi. En outre, l’équilibre entre le ça, le surmoi et le « moi » est rompue lors de l’entrée dans l’inconscience.

Dissertation sur La Rage de l’expression !

Annonce importante :, mon stage express pour obtenir 20/20 à l'oral de français ferme dans 4 jours 18 minutes 19 secondes.

Clique ici pour t'inscrire !

dissertation qu'est ce que le moi

Voici une dissertation sur La Rage de l’expression de Francis Ponge (parcours au bac de français : Dans l’atelier du poète).

Important : Pour faciliter ta lecture, le plan de cette dissertation est apparent et le développement est présenté sous forme de liste à puces. N’oublie pas que le jour J, ton plan et ton développement doivent être intégralement rédigés. Tu trouveras ici un exemple de dissertation rédigé comme tu dois le faire le jour du bac.

Sujet de dissertation

En quoi la rage de l’expression peut-il être considéré comme un recueil en cours d’élaboration .

Pour que ce corrigé te sois utile, entraîne-toi d’abord à réaliser toi-même un plan sur ce sujet. Aide-toi de ma fiche et vidéo sur La rage de l’expression .

Introduction

À l’automne 1870, Rimbaud ordonne à Paul Demeny – qui ne l’écoutera pas : « Brûlez tous les vers que je fus assez sot pour vous donner  ». Sous sa plume, la création poétique apparaît comme un acte à cacher voir à faire disparaître à jamais. Traditionnellement, le processus de création apparaît en effet tour à tour difficile, inavouable, honteux, insatisfaisant. Mais au XXème siècle, notamment avec Francis Ponge , la perspective se renverse.

Ainsi, dans La Rage de l’expression publié en 1952, le poète montre un travail inachevé , et assume les difficiles strates de création quitte à surprendre le lecteur.

En quoi La Rage de l’expression peut-il ainsi être considéré comme un recueil en cours d’élaboration ? De quelle manière le fait de découvrir un travail poétique à l’œuvre change-t-il la réception du lecteur ?

Après avoir montré qu’on a affaire aux linéaments d’une œuvre en construction , nous verrons que Francis Ponge nous convie à un atelier poétique de la rupture . Enfin, nous étudierons combien le rôle du lecteur est essentiel dans l’élaboration de ce recueil.

I – La Rage de l’expression donne à voir les linéaments d’une œuvre en construction

A – une oeuvre inachevée.

  • Francis Ponge assume ses expérimentations poétiques au point de présenter son œuvre comme inachevée . Le recueil se présente donc comme un ensemble de notes qui concernent des sujets variés, des textes accompagnés de commentaires.

Exemple : Le lecteur comprend parfois explicitement d’après les titres qui comprennent les termes « note » ou « carnet » que les poèmes présentés sont en cours d’élaboration (« Notes prises pour un oiseau », « Le Carnet du Bois de pins » ou « La Mounine ou Note après coup sur un ciel de Provence »)

  • Ponge affirme ne pas vouloir composer une œuvre finie . Son but est de respecter la primauté de l’objet.

Exemple : Dans « Berges de la Loire » qui peut se lire comme un manifeste poétique, il écrit : «  Que rien désormais ne me fasse revenir de ma détermination : ne sacrifier jamais l’objet de mon étude à la mise en valeur de quelque trouvaille verbale que j’aurai faite à son propos, ni à l’arrangement en poème de plusieurs de ces trouvailles  ».

B – Les notes d’un scientifique

  • Ponge affiche clairement son objectif de connaître les objets qu’il analyse, de l’étymologie de l’objet à ses évocations. Il part souvent d’une définition du Littré , ce qui donne davantage l’impression de lire des notes de recherche qu’un poème.

Exemple : Les poèmes sur la faune et la flore (« Guêpe », « Mimosa ») témoignent du regard que Francis Ponge porte sur le monde. Il part littéralement des définitions du dictionnaire Le Littré .

  • La méthode qu’il utilise est celle d’un scientifique  : observation minutieuse, analyse rigoureuse, évaluation précise par le langage, approche objective.

Exemple : Dans « Berges de la Loire », Ponge lance : « ne jamais essayer d’ arranger les choses  ». Par cette typographie en italiques, il montre que son objectif n’est pas d’améliorer ou de rendre beau, mais d’observer.

Exemple 2 : Les définitions sont souvent reproduites intégralement , ce qui donne l’impression de lire les notes d’un chercheur. Dans « Le Mimosa » : «  Florilège : 1° Synonyme d’anthologie. 2° Titre de quelques ouvrages qui traitent de plantes remarquables par la beauté de leurs fleurs. « 

C – L’exhibition du processus de création

  • Mais face à cette volonté affichée de cerner les objets, Ponge ne cache pas les méandres de sa réflexion poétique, faite d’hésitations inhérentes à l’écriture.

Exemple : Dans « La Mounine », il écrit : «  Je désire moins aboutir à un poème qu’à une formule, qu’à un éclaircissement d’impressions  ».

  • Le processus de création fait partie du recueil  : le lecteur est donc confronté à des répétitions, à des corrections, à des textes proposés avec plusieurs versions.

Exemple : Dans « Le Carnet du Bois de pins », Ponge numérote les «  éléments indéformables  » puis multiplie les combinaisons chiffrées . Au centre de ce poème, on trouve également un long texte intitulé «  Formation d’un abcès poétique  » ; cette métaphore péjorative confirme que les ajouts successifs de textes sont des protubérances qui augmentent le texte initial sans le remplacer. Dès lors, les différentes versions cohabitent et s’enrichissent.

II –   Un atelier poétique de la rupture

A – une expérimentation nouvelle.

  • Ponge prend ses distances avec la poésie traditionnelle lyrique : il veut expérimenter une matière (les objets) et une nouvelle posture (savant et artiste).

Exemple : Dans « La Mounine », il écrit «  j’ai besoin du magma poétique, mais c’est pour m’en débarrasser  ». Il s’agit donc bien de rompre avec ce qui a été fait précédemment.

Exemple : Dans « Berges de la Loire » : De façon imagée et presque humoristique, la dernière phrase ancre dans le concret la posture de Ponge : «  le moindre soupçon de ronron poétique m’avertit seulement que je rentre dans le manège, et provoque mon coup de reins pour en sortir  ».

  • Les expérimentations audacieuses du poète ne sont pas dénuées de doutes .

Exemple : Dans « L ‘œillet », Ponge écrit «  il est fort possible que je ne possède pas les qualités requises pour mener à bien une telle entreprise-en aucun cas. / D’autres viendront, qui utiliseront mieux que moi les procédés que j’indique. Ce seront les héros de l’esprit de demain.  »

B – Une réflexion métalinguistique

  • Ponge interroge sans cesse les ressources du langage pour cerner les objets.

Exemple : Les premières lignes de « L’œillet » exposent de façon prophétique l’objectif du poète : «  Relever le défi des choses au langage  ». Cette dialectique entre le langage (en termes linguistiques, le signifiant) et les choses (le signifié) est essentielle dans le recueil.

  •   Il brise le mythe de l’inspiration poétique et se montre au travail sur le langage .

Exemple : «  En ce qui concerne le bois de pins, je viens de relire mes notes. Peu de choses méritent d’être retenues. – Ce qui importe chez moi, c’est le sérieux avec lequel j’approche de l’objet, et d’autre part la très grande justesse de l’expression.  »

III – Le rôle prépondérant du lecteur dans l’élaboration du recueil

A – le lecteur devient témoin d’un travail difficile et chronophage.

  • Ponge se place aux antipodes du poète inspiré par les dieux ou une muse. Il répète que l’écriture poétique est un labeur chronophage .

Exemple : Dans « Tout cela n’est pas sérieux » :  Francis Ponge brise les codes de la poésie traditionnelle pour juger sa propre écriture qui prend du temps. À la question en apparence humoristique (« qu’ai-je gagné ») répond la remarque sarcastique du poète : «  Pas grand-chose pour la peine que je me suis donnée.  » Là encore, il souligne l’écart entre le travail du poète, le temps passé et le résultat.

B – Francis Ponge crée une relation de complicité avec le lecteur

  • Ponge construit l’œuvre avec son lecteur . Il établit une relation de complicité avec lui en le provoquant ou en le faisant rire.

Exemple : Dans « L’œillet », Ponge répond à l’interrogation rhétorique («  est-ce là la poésie ?  ») par un pied-de-nez : «  Je n’en sais rien, et peu importe  ».

Exemple : Dans « Le mimosa », on peut lire «  Ex-martyr du langage, on me permettra de ne le prendre plus tous les jours au sérieux. Ce sont tous les droits qu’en ma qualité d’ancien combattant — de la guerre sainte — je revendique. — Non, vraiment ! Il doit y avoir un juste milieu entre le ton pénétré et ce ton canaille.  »

  • A plusieurs reprises, il évoque sa soif de connaissance des objets. Il superpose à ce terme celui de co-naissance , jeu de mot présent grâce à la typographie dans « Le Carnet du bois de pins ». Ecrire et lire la poésie vont donc de pair.

En définitive, à la lecture de La Rage de l’expression , le lecteur prend conscience d’être face à un recueil poétique en cours d’élaboration .

En effet, les formes utilisées sont inachevées  : on y trouve des notes, des versions répétées, enrichies, corrigées, des parenthèses et accolades.

Le recueil est le fruit du travail d’un scientifique qui expose ses objets d’étude, sa méthode en ne cachant nullement ses hypothèses. Le processus de création est exhibé dans ses expérimentations nouvelles et ses difficultés.

Le rôle du lecteur est donc prépondérant dans l’élaboration-même du recueil : il détermine le ton tantôt provocateur tantôt nonchalant de l’écriture, il fait naître une réflexion sur le langage et sur le rôle de la poésie, il permet de connaître/co naître.

Dans sa Lettre à Gabriel Audisio du19 octobre 1941, Francis Ponge se présente comme un apprenti chimiste qui a travaillé tout l’été : «  D’innombrables cahiers, carnets ont ainsi été noircis d’élucubrations diverses. Rien de tout cela n’est d’ailleurs susceptible d’intéresser les gens. C’est de l’expression à tâtons.  » Ces tâtonnements ravissent encore le lecteur aujourd’hui.

Analyses linéaires de poèmes issus de La Rage de l’expression :

  • Berges de la Loire
  • L’oeillet
  • Le carnet des bois de pins
  • Tout cela n’est pas sérieux

Autres dissertations :

  • Dissertation sur La Peau de chagrin
  • Dissertation sur Sido et Les Vrilles de la vigne
  • Dissertation sur Manon Lescaut
  • Dissertation sur Juste la fin du monde
  • Dissertation sur Le Malade imaginaire
  • Dissertation sur Les Fausses confidences
  • Dissertation sur Gargantua
  • Dissertation sur Les Caractères
  • Dissertation sur La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne
  • Dissertation sur Cahiers de Douai
  • Dissertation sur Mes forêts

Print Friendly, PDF & Email

Les 3 vidéos préférées des élèves :

  • La technique INCONTOURNABLE pour faire décoller tes notes en commentaire [vidéo]
  • Quel sujet choisir au bac de français ? [vidéo]
  • Comment trouver un plan de dissertation ? [vidéo]

Tu entres en Première ?

Commande ton livre 2024 en cliquant ici ⇓.

dissertation qu'est ce que le moi

Qui suis-je ?

' src=

Amélie Vioux

Je suis professeur particulier spécialisée dans la préparation du bac de français (2nde et 1re).

Sur mon site, tu trouveras des analyses, cours et conseils simples, directs, et facilement applicables pour augmenter tes notes en 2-3 semaines.

Je crée des formations en ligne sur commentairecompose.fr depuis 12 ans.

Tu peux également retrouver mes conseils dans mon livre Réussis ton bac de français 2024 aux éditions Hachette.

J'ai également publié une version de ce livre pour les séries technologiques ici.

Laisse un commentaire ! X

Merci de laisser un commentaire ! Pour des raisons pédagogiques et pour m'aider à mieux comprendre ton message, il est important de soigner la rédaction de ton commentaire. Vérifie notamment l'orthographe, la syntaxe, les accents, la ponctuation, les majuscules ! Les commentaires qui ne sont pas soignés ne sont pas publiés.

Site internet

Aide en Philo

Rechercher dans 505997 documents

Résumé du cours: La liberté

Qu'est-ce qui, en moi, me dit ce que je dois faire ?

Extrait du document.

« [Introduction] Face à un choix moral que je dois accomplir, il m'arrive d'avoir le sentiment que c'est bien en moi que résonne une « voix intérieure » m'indiquant la solution à adopter. Cette expérience, que chaque homme peut faire un jour ou l'autre, semble indiquer que ce que je repère comme mon devoir est formulé dans mon intimité. Mais cet espace est-il aussi la source du devoir ? On pourrait en effet concevoir qu'il ne fasse qu'accueillir un commandement venant de l'extérieur. Il peut donc être utile de tenter de préciser la nature de ce qui, en moi, me dit ce que je dois faire. [I. Devoir et « voix intérieure »] Lorsqu'il doit se défendre des accusations portées contre lui, Socrate fait valoir, dans son Apologie telle que nous la rapporte Platon, qu'il obéit à ce qu'il nomme son « démon » : donneur d'ordres qui l'empêche de faire telle ou telle chose, et lui recommande parfois de poser une question plutôt qu'une autre, d'adopter un comportement plutôt qu'un autre. Dans ce « démon », qui pour Socrate lui-même n' avait sans doute rien de religieux, la philosophie trouve volontiers l'origine de la notion de conscience, du moins dans son acception morale, qui se manifeste ainsi bien avant son versant psychologique. Avec le christianisme, cette voix intérieure se réaffirme pleinement puisque, dès lors, c'est la parole de Dieu qu'elle peut transmettre : la conscience est un espace accueillant le Verbe divin et ses commandements, et l'on conçoit qu'elle soit bien présente chez tout homme, puisque c'est à chacun que Dieu doit pouvoir s'adresser. Lorsque saint Augustin affirme que Dieu est intimior intimo meo (« le plus intime de mon intimité »), il souligne clairement la relation existant entre la conscience de l'être humain et la présence, en elle, de Dieu qui en constitue la dimension la plus profonde. Faut-il dès lors penser que la conscience morale n'est ainsi que la capacité à accueillir la formulation d'un devoir provenant de l'extérieur de moi-même ? N'est-il pas, à l'inverse, possible de la concevoir comme directement capable de dire, par ses propres ressources, en quoi consiste le devoir, tel que je le saisis comme ce que j'ai à faire ? [II. La conscience comme conséquence] Dans l'histoire de la philosophie et de la réflexion sur la morale, c'est la première solution qui a d'abord été admise, et dans différentes versions. Car ce qui m'est extérieur peut désigner des réalités très diverses, toutes également susceptibles, en apparence, de m'aider à savoir ce que je dois faire. On peut ainsi décliner, outre Dieu, l'éducation reçue, aussi bien que mon existence corporelle ou affective, la société (quelle qu'en soit l'étendue) ou un principe métaphysique qui supposerait la perfection du monde pour m'inviter à en suivre le cours. Toutes ces hypothèses ont pu être soutenues, et c'est bien elles que Kant rassemble, dans ses Fondements de la métaphysique des moeurs puis dans sa Critique de la raison pratique, à l'intérieur d'un tableau qui recense ce qu'il nomme les « principes hétéronomiques de la volonté ».

Cette expression nous enseigne que la saisie du devoir joue sur la volonté : c'est bien cette dernière qui, ensuite, détermine mon acte. Quant à l'«hétéronomie », elle désigne le fait que la volonté se règle sur une loi (comme principe moral) qui est reçue de l'extérieur du sujet (et on peut-être tenté, dans ce cas, de lui reconnaître un poids particulier, précisément dû au fait qu'elle émanerait d'une instance collective ou « supérieure » au sujet : Dieu, la société, la métaphysique). [III. La conscience comme source du devoir] Néanmoins, le recensement effectué par Kant a pour objet d'indiquer que les principes hétéronomiques sont difficilement compatibles entre eux. Le fait qu'ils aient été soutenus par des philosophes éventuellement respectables (Montaigne, Épicure, les stoïciens, Wolf, etc.) ne doit pas nous masquer l'incapacité où l'on se trouve, en fin de parcours, pour unifier par exemple le rôle de l'éducation avec les exigences du corps ou ces dernières avec l'enseignement religieux. De surcroît, concevoir que ce que je dois faire ne m'est indiqué que par un « discours » extérieur à ma propre décision fait de cette dernière un simple effet, une conséquence : de ma morale, je ne suis guère responsable si elle consiste seulement à obéir à une autorité. C'est pourquoi Kant privilégie, comme on le sait, une tout autre source, qu'il nomme « autonomie de la volonté », pour désigner sans ambiguïté le fait que c'est moi-même qui formule la loi à laquelle je dois obéir. Affirmer cette capacité en chaque homme, c'est concevoir que sa conscience morale est de nature avant tout rationnelle, puisque la relation à la notion de loi définit la raison elle-même (dans ses deux versants complémentaires et en fait peu dissociables : soit qu'elle cherche les lois de la nature, soit qu'elle énonce les lois du devoir, qui sont aussi, pour Kant, celles de la liberté). L'autonomie morale me révèle comme mon propre législateur (en même temps que comme législateur pour toute l'humanité, puisque la loi que je trouve, si elle est authentique, est par définition universelle). C'est donc à moi seul que je dois obéir — non plus à un pouvoir extérieur —, et plus précisément à la façon dont je participe de l'humanité. Ce qui me dit ce que je dois faire est bien encore intimior intimo meo, mais désigne désormais le noyau rationnel de ma pensée. [Conclusion] Concevoir que je ne perçois en moi de devoir qu'indiqué par l'extérieur, c'est me considérer comme un simple espace accueillant au(x) pouvoir(s) qui, à tort ou à raison, entendent me diriger. L'analyse kantienne a l'avantage d'assimiler ma conscience morale à la présence d'une liberté, capable de juger précisément ce que l'on peut prétendre m'imposer. Du même coup, elle rend le sujet intégralement responsable de sa conduite : celui qui prétendra rester sourd à ce qui, en lui, lui dit ce qu'il doit faire ne pourra trouver d'excuse dans les circonstances extérieures. Il apparaîtra comme volontairement sourd à sa propre raison, et donc à sa propre humanité.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Prévisualisation du document Qu'est-ce qui, en moi, me dit ce que je dois faire ?

Télécharger gratuitement ce document

Liens utiles.

  • Que dois-je faire ? (Kant)
  • Kant: "Que dois-je faire ?", le devoir, la morale et la raison
  • Qu'est ce qui en moi me dit ce que je dois faire ?
  • Que dois-je faire ?

Obtenir ce document

Le document : " Qu'est-ce qui, en moi, me dit ce que je dois faire ? " compte 4552 mots (soit 1 page). Pour le télécharger en entier, envoyez-nous l’un de vos travaux scolaires grâce à notre système gratuit d’échange de ressources numériques ou achetez-le pour la somme symbolique d’un euro.

Le paiement a été reçu avec succès, nous vous avons envoyé le document par email à .

Le paiement a été refusé, veuillez réessayer. Si l'erreur persiste, il se peut que le service de paiement soit indisponible pour le moment.

Payer par Allopass

Les annales de philosophie bac 2024, sujets corrigés le jour J. bac général, bac technologique, métropole, DOM-TOM, à l'étranger

Sujets corrigés philosophie bac général , amérique du nord 2024 - consultez les corrections du site et entraînez-vous avec les corrigés proposés, centres de baccalauréat ouverts à l’étranger . entraînez-vous avec les corrections proposées du site pour le jour j, sujets du bac général 2024.

Filière du bac : Voie générale Epreuve : Philosophie Niveau d'études : Terminale Année : 2024 17 mai  Session : Normale Centre d'examen : Amérique du Nord Durée de l'épreuve : 4 heures

  • Consultez les sujets en ligne

Téléchargez les sujets  

  • Dissertations

Comment être heureux si rien ne dure ?

Peut-on parler sans savoir ?

  • Commentaire philosophique

Entretiens, Epictète

  • Vous pouvez aussi consulter les sujets et les corrigés du groupe 2 dont Amérique du nord bac général 2022
  • La conscience fait-elle obstacle au bonheur ?
  •  La technique permet-elle de ne plus avoir peur de la nature ?
  •  MONTAIGNE, Les Essais, livre II, (XVIè siècle)
  • Correction des sujets bac 2022

Dissertation n° 2

Concepts à définir et problématisation  Parler = Proférer, prononcer, articuler des mots. L'homme est la seule créature qui ait véritablement le don de parler, exprimer sa pensée en articulant les mots d'une langue.  Parler est un acte de communication, il suppose naturellement un échange d'informations et d'idées.  Savoir = Avoir dans l'esprit (des connaissances organisées rationnellement). Parler sans savoir est une expression, une ellipse de la locution "ne pas savoir les choses que l'on dit". Cela signfie que quelqu'un énonce des contre-vérités. Parler sans savoir veut dire "ne pas savoir ce que l'on dit". Parler en l'air pour dire parler sans fondement, sans être bien instruit, sans savoir de quoi il est question, à la légère, sans réflexion. Comment comprendre que l'on puisse parler sans savoir? Que signifie parler pour transmettre un discours vide de sens, d'intérêt? Une parole creuse?  A quelles conditions peut-on parler en connaissance de cause? 

I - parler sans savoir est une tromperie, une manipulation car c'est parler sans vraiment communiquer

Une pensée obscure empêche la communication  Parler sans savoir peut s'expliquer par une pensée  confuse, non clarifiée. A l'inverse, comme le disait Boileau dans son Art poétique , « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisèment ». Ici, l’obscurité dans la forme cache une confusion, une contre-vérité, voire, une  volonté d’obscurantisme. - Parler sans véritablement communiquer, sans transmettre d'informations et retirer à la parole vide de sens sa fonction communicative faute de savoir ce dont on parle. C’est ce que Wittgenstein exprime dans son Tractatus Logico-Philosophicus lorsqu’il affirme que  « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire »

- La parole sophistique n'est pas associée au savoir , incapable de rendre compte de ses idées, elle est dénoncée par Platon dans le Phèdre pour sa redondance, n'ajoutant rien d'intéressant, répétant les mêmes idées sans apporter de véritable connaissance. La belle parole et les raisonnements fallacieux (sophismes) peuvent nous induire en erreur: c’est ce que dénonce Platon ( Gorgias, 465b-e) en comparant la rhétorique à une «cuisine» et les sophismes à une «cosmétique», un art de maquiller le faux par une apparence de vérité. - Parler sans savoir est assimilé par Nietzsche à un discours vide, sans substance, celui des prêtres et des moralistes par exemple que le philosophe dénonce dans Ainsi parlait Zarathoustra

- Les implications éthiques et sociales : parler sans savoir est une tromperie, une manipulation car c'est parler sans vraiment communiquer, chercher à tromper l'auditeur en lui faisant croire que l'on sait. C'est l'objet de la critique de Kant dans la Critique de la raison pure au sujet des discours vides de sens des métaphysiciens. C'est une forme d'aliénation de parler sans savoir car aucune véritable communication ne peut s'engager. Jean-Paul Sartre parle d'aliénation de l'homme dans la société moderne dans L'Etre et le Néant.

- L'ultracrépidarianisme tire son origine d’une locution latine « Sutor, ne ultra crepidam » qui signifie  le cordonnier (sutor en latin) non au-delà de la sandale (crepidam en latin), autrement dit « le cordonnier ne devrait pas parler au-delà de ce qu’il connaît, à savoir de la sandale ». Ce mot qualifie celui qui va littéralement « très au-delà de la sandale », autrement dit qui s’exprime sur un sujet pour lequel il n’a aucune compétence. Ainsi celui qui fait profession de parler de tout sans connaissance devient à la mode dans le monde médiatique, les célébrités sont invités à s’exprimer à chaud sur des sujets d’actualité. Ainsi, on demande à des personnalités (chanteur, écrivain, sportif…) de donner leur avis sur des sujets à propos desquels ils n'ont pas de compétences avérées. Ces personnalités ne sont pas naturellement ultracrépidarianistes mais sont poussées à le devenir. Cette tendance naturelle des médias de masse à encourager l’ultracrépidarianisme s’amplifie avec les réseaux sociaux. On se sert de la célébrité et de l'influence des personnalités, les informations sont relayées et cela peut en encourager d’autres à se prononcer sur les sujets qu’ils connaissent très peu, et, par-là, faire preuve d’ultracrépidarianisme. La parole des experts sur leur domaine propre de compétence est de plus en plus remise en question par ceux qui pratiquent l’ultracrépidarianisme.   II - Tout art de la parole nécessite une rhétorique, c’est-à-dire une technique pour bien parler et convaincre son public.

 De nombreux auteurs de l’Antiquité ont donné de précieux conseils en la matière (Aristote, Rhétorique, I, 3, 46 ; Isocrate, De la permutation, § 254-257 ; Cicéron, De l’Orateur, I, 46). 

Mais ainsi que l'affirme George Orwell dans « 1984 », « Ne parle pas la langue du pouvoir, parle le langage de la vérité ». Un échange bien mené s'apparente davantage à un discours philosophique qui se saisit lui-même, s'élabore. Parler signifie penser, penser sa pensée en convoquant les idées dont on peut anticiper les implications. 

Bien parler suppose l'exigence première du rapport à sa propre parole.  Mobiliser sa parole renvoie à un acte voulu conscient de lui-même dans le but d'être entendu. On ne peut parler sans savoir en ce sens que la pensée est le lien, le rapport articulé entre les idées. Aussi, plutôt que de se précipiter sur d’autres idées, ou plutôt d’autres intuitions, avant d’empiler plus de mots, pourquoi ne pas prendre le temps de déterminer et d’évaluer le rapport entre les concepts et les idées, afin de prendre conscience de la nature et de la portée de nos propos. Le tout n’est pas de dire, mais de déterminer de manière délibérée ce que l’on veut dire, de dire effectivement ce que l’on veut dire, et de savoir ce que l’on dit

« La parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui écoute. » Posséder une bonne maîtrise du langage est souvent synonyme de clarté d’esprit et d’aptitude au raisonnement. En effet, c’est par le langage que nous structurons et catégorisons notre compréhension du monde. Il est le filtre à travers lequel nous percevons et interprétons la réalité. Dans ce sens, la maîtrise du langage joue un rôle crucial dans notre capacité à organiser, analyser et exprimer efficacement nos pensées. Une pensée claire et cohérente en découle généralement. Comme le souligne Montaigne : « La parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui écoute. »  

 Dissertation n° 1

  • Le corrigé de la dissertation
  • Toutlebacdefrancais.com 
  • Tous les corrigés bac
  • ToutMonExam

 Le commentaire 

  • Vous pouvez aussi consulter les sujets et les corrigés du groupe 2 dont Amérique du nord  bac général 2021
  • Sujets lecture PDF 
  • Bac 2021 Amérique du Nord, bac général 
  • Sujets corrigés du bac général de philosophie groupe 2
  • Sujets corrigés du bac général 2021 du groupe 1
  • Philo bac général, groupe 1
  • Vous pouvez aussi consulter les sujets et les corrigés du bac général 2021
  • Le candidat traite, au choix, un des quatre sujets proposés.
  • Sujet 1: Discuter, est-ce renoncer à la violence ?
  • Sujet 2: L’inconscient échappe-t-il à toute forme de connaissance?
  • Sujet 3: Sommes-nous responsables de l’avenir ?
  • Sujet 4: Explication de texte autour d'un extrait de l'ouvrage De la Division du travail social, d'Emile Durkheim
  • Tous les corrigés de philosophie du bac 2021
  • Polynésie française
  • Voie générale  
  • Antilles Guyane
  • Vous pouvez aussi consulter les sujets corrigés de philosophie métropole 2019
  • Sujets corrigés nationaux

Bac Général 2024 philosophie métropole, sujets corrigés en ligne dès la sortie de l'épreuve

Bac technologique philosophie 2024 métropole, sujets corrigés en ligne dès la sortie de l'épreuve, sujets corrigés philosophie bac général, centres étrangers, groupe 1 2024 - consultez les corrections du site et entrainez-vous avec les corrigés du bac, sujets corrigés philosophie bac technologique, centres étrangers, groupe 1 2024 - consultez les corrections du site et entraînez-vous, sujets de l'épreuve de philosophie 2024, polynésie française, bacs général et technologique. consultez les corrigés du site, sujets de l'épreuve de philosophie 2024, antilles guyane, bacs général et technologique. consultez les corrigés du site, sujets de l'épreuve de philosophie 2024, asie pacifique, bacs général et technologique., les annales de philosophie bac 2023, sujets corrigés le jour j. bac général, bac technologique, métropole, dom-tom, à l'étranger, bac général 2023 philosophie métropole, sujets corrigés en ligne dès la sortie de l'épreuve, bac technologique philosophie 2023 métropole, sujets corrigés en ligne dès la sortie de l'épreuve, sujets corrigés philosophie bac général , amérique du nord 2023 - consultez les corrections du site et entraînez-vous avec les corrigés proposés, sujets corrigés philosophie bac général, centres étrangers, groupe 1 2023 - consultez les corrections du site et entraînez-vous, sujets corrigés philosophie bac technologique, centres étrangers, groupe 1 2023 - consultez les corrections du site et entraînez-vous, sujets de l'épreuve de philosophie 2023, polynésie française, bacs général et technologique. consultez les corrigés du site, sujets de l'épreuve de philosophie 2023, antilles guyane, bacs général et technologique. consultez les corrigés du site, sujets de l'épreuve de philosophie 2023, asie pacifique, bacs général et technologique. entraînez-vous avec les sujets.

Date de dernière mise à jour : 23/05/2024

Ajouter un commentaire

  • Calendrier bac 2024
  • Le contrôle continu
  • Annales de français
  • Annales de philosophie
  • HLP bac 2024
  • Cinéma Audiovisuel
  • HLP bac 2023
  • Cinéma, audiovisuel

Annales zéro

  • PHILOSOPHIE   
  •   Techno  -  Général   
  •  FRANCAIS   
  •  Sujet 0 B.G 2022
  •   Techno  -  Général 
  • Zéro 1  -  Corrigé
  • Zéro 2  -  Corrigé
  • Zéro 3  -  Corrigé
  • Zéro 4  -  Corrigé

Epreuve de spécialité 

"arts" cinéma-audiovisuel.

  • Bac 2023 
  • Métrople  sujet et corrigé
  • Centres étrangers 
  • Annales bac spé "Cinéma"
  • International
  • Figaro Live

Les conseils de dernière minute d’un professeur agrégé pour le bac de français

Publié le 06/12/2024 à 4:28 PM , mis à jour le 06/13/2024 à 9:54 AM

Jean-Baptiste Wephre est professeur de Français à la maison d’éducation de la Légion d’honneur.

Les élèves de première plancheront sur l’écrit du bac de Français ce vendredi 14 juin. Pour réussir l’examen, il est nécessaire de bien réviser, mais également de savoir gérer son temps et de connaître les modalités d’évaluations. Jean-Baptiste Wephre est professeur de français à la Maison d'éducation de la Légion d'honneur de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et agrégé de lettre moderne. Pour le Figaro Étudiant , il délivre ses conseils de dernières minutes aux élèves qui s’apprêtent à passer le bac.

Trop souvent, les élèves se précipitent sur le commentaire sans regarder les dissertations. Mais ce n'est pas forcément un bon calcul, car cet exercice peut être beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît

LE FIGARO ÉTUDIANT- Comment bien choisir son sujet ?

JEAN-BAPTISTE WEPHRE- Bien choisir son sujet, c'est lire attentivement les intitulés et décider sereinement. Trop souvent, les élèves se précipitent sur le commentaire sans regarder les dissertations. Mais ce n'est pas forcément un bon calcul, car cet exercice peut être beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît. À l’inverse, la dissertation porte sur forcément sur les œuvres étudiées en classe. Elle est souvent valorisée par les correcteurs et peut donc être un choix stratégique. Encore faut-il avoir bien révisé pour l'aborder correctement. Cela signifie avoir lu attentivement l'œuvre, maîtriser son cours et connaître quelques citations.

Combien de pages faut-il écrire ?

Il ne faut pas oublier que l'épreuve dure quatre heures et non pas une deux ou trois. La copie est évaluée en fonction du temps imparti, on attend donc un commentaire suffisamment développé et une dissertation qui ne soit pas indigente. La longueur de la copie dépend évidemment des écritures, mais il me semble qu'un minimum de quatre faces, c'est-à-dire deux pages recto-verso, est nécessaire. À l’inverse, il faut éviter les copies trop longues qui peuvent agacer le correcteur, Il n'y a pas de règle absolue, mais il est déconseillé de dépasser les douze faces.

Comment gérer son temps ?

Trop d'élèves achèvent leur devoir au bout de 2h30 et ils peuvent s'en inquiéter. Il faut prendre de creuser l'analyse pour le commentaire et d'étayer l'argumentation pour la dissertation. Il est aussi conseillé de se munir d'une montre non connectée, car il n'y a pas nécessairement d'horloge dans toutes les salles. En ce qui concerne l'organisation du devoir, on conseille en général de passer entre 1 heure et 1 heure 30 au brouillon et de consacrer entre 2 heures et 2 heures 30 à la rédaction. Il s'agit d'une fourchette et ces chiffres varient d'un candidat à l'autre. Il faut évidemment éviter de rédiger l'intégralité de sa copie au brouillon. Cette étape sert avant tout à la recherche des idées et des arguments pour la dissertation, et des éléments d'analyse pour le commentaire.

Il faut aussi faire attention au vocabulaire de l'analyse, métaphore ne prend pas de h  derrière le « t », personnification prend deux « n » et un champ lexical se termine par un « p » et non un « t » .

Combien de temps accorder à la relecture ?

Il y a une nécessité impérieuse de se relire. On donne souvent comme conseil de se relire dans le dernier quart d'heure, à la fin du devoir. Mais c'est le moment où les élèves sont les moins lucides. Je conseille au contraire de se relire au fur et à mesure, paragraphe par paragraphe. On ponctue l'écriture de son texte d'une relecture faite à des moments charnière, sous-partie par sous-partie. On soigne la syntaxe, l'orthographe, et on vérifie par la même occasion la cohérence du raisonnement et l'enchaînement des idées. Les élèves qui ont le plus de difficultés peuvent même se relire phrase par phrase pour être plus efficaces. Évidemment, on ne relit pas sa copie comme un magazine, il faut s'y prendre de manière dynamique et attentive. On n'attend pas qu'un élève corrige toutes ses erreurs, mais seulement les plus graves. Les fautes d'accord et les grosses fautes d'orthographe par exemple. Il faut aussi faire attention au vocabulaire de l'analyse, métaphore ne prend pas de «h» derrière le «t», personnification prend deux «n» et un champ lexical se termine par un «p » et non un «t» .

Quel style adopter ?

Mieux vaut faire simple. Je demande souvent aux élèves de se souvenir de la règle des 3 C : écrire des phrases claires, courtes et construites. Les lycéens ont l'art d'écrire au fil de la plume. Ils partent d'un premier mot et continent sur 8 lignes en ayant changé trois fois d'idées. Mais au contraire, les phrases ne doivent pas faire plus de 3 lignes, et il ne faut ne pas chercher à tout dire dans une même phrase, sinon c'est indigeste. Tel le peintre, les élèves doivent procéder par petites touches. Il faut aussi éviter les cascades de subornées. Nous attendons simplement un français correct avec des phrases courtes.

Faut-il bannir certaines expressions ?

Cela relève de l'évidence, mais le registre familier est proscrit. Or parfois, les élèves l'utilisent sans même s'en rendre compte. Le mot balade dans le sens d'une marche par exemple ne s'emploie pas à l'écrit et on lui préférera celui de « promenade » . Le mot « glauque » , signifie précisément « qui est d'un vert blanchâtre ou bleuâtre comme de l'eau de mer » , tout autre sens connote un niveau de langue familier. On lit aussi souvent le verbe « rigoler » dans les copies, mais là encore il n'a pas sa place dans une copie de bac, et il vaut mieux le remplacer par « rire » .

Envie de continuer à réviser ?

Inscris-toi et accède gratuitement à toutes nos fiches, quiz, annales du bac !

La rédaction vous conseille

  • Découvrez les sujets du bac de français 2024 proposés dans les centres étrangers
  • Quiz bac de français : révisez Les Fausses Confidences de Marivaux
  • Les comptes TikTok à suivre pour bien réviser son bac

IMAGES

  1. dissertation "Qu'est-ce que le moi ?"

    dissertation qu'est ce que le moi

  2. La dissertation juridique

    dissertation qu'est ce que le moi

  3. Qu'est-ce qu'une dissertation?

    dissertation qu'est ce que le moi

  4. Methodologie de la dissertation

    dissertation qu'est ce que le moi

  5. Comment rédiger une introduction de dissertation

    dissertation qu'est ce que le moi

  6. Guide pour realiser une dissertation

    dissertation qu'est ce que le moi

VIDEO

  1. Explication de texte : ce que l’on attend de moi

  2. Dissertation 3-Trouver la conclusion pour trouver le plan et le fil directeur

  3. Comment rédiger une dissertation juridique ?

  4. Enseignements religieux et psychologie : février 2023 avec Fanny Bauer Motti

  5. Quel est l'intérêt d'une dissertation?

  6. L'analyse du sujet de dissertation en philosophie

COMMENTS

  1. dissertation "Qu'est-ce que le moi

    On ne connaît pas un passant personnellement, le « moi » de quelqu'un qui ne fait que passer dans la rue sans l'avoir connue auparavant ,ce n'est qu'une connaissance superficielle car on ne connaît pas la personne, ni sa vie, ni se qu'elle pense, que son apparence. De plus si l'homme ne le connait pas ou ne sait pas qu'il est au bas de ...

  2. PDF Explication 3

    Blaise PASCAL, Pensées (posth. 1669), « Qu'est-ce que le moi ? Le tournant philosophique que constitue l'œuvre de Descartes, à la première moitié du XVIIe siècle, est associé à l'irruption du « Moi » comme principe premier de la réflexion.

  3. Pascal, Pensées, "Qu'est-ce que le moi

    On considère d'ordinaire que le « moi » représente une personne en son intégrité et qu'il est donc facile à trouver. Pascal veut au contraire montrer que le « moi » est introuvable, car, selon lui, il représente la substance qui demeure permanente au sein d'un être changeant.

  4. Qu'est-ce que le moi ?

    La thèse que propose le philosophe dans ce texte constitue une rupture avec la conception classique affirmant l'identité et la stabilité du moi. L'auteur développe ici une antithèse à la thèse cartésienne.

  5. Philosophie : « Qu'est-ce que le Moi ? » (Libre Savoir)

    S'il est une question qui nous concerne au premier chef et se pose à chacun d'entre nous, c'est bien la suivante : « Qu'est-ce que le Moi ? Table des matières [ cacher] 1. Introduction. 2. Le Moi est un produit de la société. 3. Le Moi est une illusion. 4. Le Moi est une conquête. 5. Conclusion. 1. Introduction.

  6. Le Moi en philosophie et la question du sujet

    Le Moi en philosophie : l'affirmation du sujet. Ce chapitre porte sur le Moi en philosophie, alors ça serait déjà bien de commencer par se demander : « mais au fait, qu'est-ce que le Moi en philosophie ? » !

  7. Pascal, « Qu'est-ce que le moi

    Blaise Pascal - Pensées (688 - Édition Lafuma, 323 - Édition Brunschvicg) I - Présentation du texte et de ses difficultés Ce texte de Pascal est introduit par une question simple : « Qu'est-ce que le moi ? », question qui précède deux paragraphes dans lesquels on peut distinguer deux parties et une conclusion.

  8. Pascal. « Qu'est-ce que le moi ? »

    Mais qu'est-ce donc que le « moi » ? Par ce précepte Socrate faisait de la réflexion du moi sur lui-même le socle originel de toute méditation philosophique. Cette dernière étant avant tout réflexion sur l'être dans son universalité, le « Moi » qu'il faut connaître ne peut être seulement le moi particulier. Le ...

  9. Qu'est-ce le moi ?

    Le « moi » est la forme substantivée d'un pronom traduisant le latin ego, « je », « moi ». Son affirmation est traditionnellement rattachée à Descartes, qui le rapporte à l'esprit ou « substance pensante » : le moi est le support des pensées, par lequel je reste celui ou celle que j'ai conscience d'être en dépit des ...

  10. Qui est le moi ?

    « Qu'est-ce que le moi ? » : si nette fût l'irruption de cette expression, si inaugurale se fût-elle voulue, si expéditive fût la critique de la substance pour laquelle elle était faite, « le moi » n'en est pas moins d'abord l'interprétation d'une première insatisfaction cartésienne, et par là d'une première question ...

  11. HLP : les métamorphoses du moi

    Dans cet article, nous faisons le point avec toi sur l'une des notions au programme de la spécialité Humanités, Littérature et Philosophie (HLP) : les métamorphoses du moi. Qu'est-ce que c'est ? Comment l'expliquer ? Quelles sont les auteurs à citer ? Zoom sur cette notion. Les métamorphoses du moi, qu'est-ce que c'est ?

  12. Le moi et l'identité personnelle : la célèbre critique de Hume

    On le voit : en quelques tours de passe-passe, Hume escamote le principe même de notre identité personnelle, ce qui se trouve à la racine de notre personnalité : le moi. Le syllogisme est imparable : Il n'y a pas d'impression du moi, c'est bien plutôt ce à quoi se rapporte toutes nos impressions.

  13. Pascal, Pensées: "Qu'est-ce que le moi

    Qu'est-ce que le moi ? Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants, si je passe par là, puis-je dire qu'il s'est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier. Mais celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il ?

  14. PDF Qu'est-ce que le MOI

    Qu'est-ce que le MOI ? L'une des formules les plus célèbres de Socrate était « connais toi toi-même », mais qu'est-ce donc que le moi? Quelle est donc la nature de cet objet sur lequel s'exerce la pensée consciente d'elle-même s'interrogeant sur elle-même? Par ce précepte Socrate faisait de la réflexion du moi sur lui ...

  15. Qu'est-ce que le moi ?

    Qu'est-ce que le moi ? Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants ; si je passe par là, puis-je dire qu'il s'est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il ?

  16. Exemple de dissertation de philosophie rédigée

    Afin que vous compreniez mieux ce que l'on attend de vous dans une dissertation, voici un exemple de dissertation de philosophie. A chaque fois, je précise entre parenthèses juste après à quelle étape de la méthodologie de la dissertation cela correspond.

  17. Qu'est-ce que le moi

    : Qu'est-ce que le moi ? La question est posée explicitement au début du texte. Cependant, une autre question est aussi traitée : peut-on aimer une personne ? L'autre peut-il saisir ce que je suis et m'aimer pour ce que je suis ?

  18. Qu'est-ce que le moi?

    C'est le fameux problème de l'identité personnelle, souvent examiné par les philosophes mais envisagé sous un angle original par Pascal : qu'est-ce qu'on aime quand on aime quelqu'un? Qu'est-ce que ce moi qu'on est censé aimer pour lui-même?

  19. Énigmes du moi

    I - Thèse : Qui peut me connaître mieux que moi-même ? a) le moi : ce que chacun connaît le mieux. ex : l'investigation autobiographique du type de celle de Leiris part à la conquête des zones obscures du moi afin de parfaire cette connaissance. « Et qui peut être plus proche de moi que moi-même ? » note de son côté Augustin (X, XVI). .

  20. Le « moi » s'identifie-t-il à la conscience

    En philosophie, ce qu'on appelle le moi désigne l'identité d'un sujet, d'un individu, ce qui fait de lui un être unique et irréductible à ses semblables. Ce "moi", même s'il se caractérise d'abord par une histoire, est bien difficile à cerner.

  21. Dissertation : la méthode simple pour le bac de français

    La dissertation est un exercice argumentatif : tu vas convaincre le correcteur de la pertinence de ta réponse en avançant des arguments illustrés par des exemples. Là où les choses se corsent, c'est que tu ne vas pas argumenter uniquement pour défendre ton point de vue sur la question.

  22. Dissertation sur La Rage de l'expression pour le bac

    Voici une dissertation sur La Rage de l'expression de Francis Ponge (parcours au bac de français: Dans l'atelier du poète).. Important : Pour faciliter ta lecture, le plan de cette dissertation est apparent et le développement est présenté sous forme de liste à puces.N'oublie pas que le jour J, ton plan et ton développement doivent être intégralement rédigés.

  23. Corrigé du sujet suis-je ce que mon passé a fait de moi

    Le moi se comprend avant tout comme son passé, et il n'est en effet rien d'autre que le déploiement de ce passé dans le présent. Cette conception du moi conduit à décrire son développement comme continu, sans saut ou brisure entre le passé et le présent.

  24. Qu'est-ce qui, en moi, me dit ce que je dois faire

    Philosophie. Qu'est-ce qui, en moi, me dit ce que je dois faire ? Résumé du cours: La Liberté (philosophie) Le moi, l'identité, la conscience et l'inconscient (6) Philosophie: L'homme a-t-il tous les droits sur la nature ? (dissertation) QUIZ de philosophie sur l'histoire - 38 QCM - Difficulté : ★★.

  25. Moi et 1nilieu

    Moi et milieu Jean-Jacques Rousseau: Les confessions 2 u libelle annoti par Rousseau 1 Le Sentiment des Citoyens [2) On a pitie d'un fou; mais quand la demence devient fureur, on le lie. La tolerance qui est une vertu seroit alors un vice. [14) Est-il permis a un homme ne clans n6tre Ville d'offenser a ce point nos Pasteurs, dont la plupart sont nos parents & nos amis,

  26. Sujets corrigés philosophie bac général , Amérique du nord 2024

    Les annales de philosophie bac 2023, sujets corrigés le jour J. bac général, bac technologique, métropole, DOM-TOM, à l'étranger. Date de dernière mise à jour : 23/05/2024. Sujets corrigés philosophie bac général , Amérique du nord 2024 - Consultez les corrections du site et entrainez-vous avec les corrigés proposés du bac 2023.

  27. Dissertations, commentaires composés, notes de recherche et mémoires

    Parcourez nos nouvelles dissertations, commentaires, mémoires, rapports de stage et autres écrits académiques téléchargées par des étudiants et profitez-en ! Sonnet XVIII: Te comparerai-je à un jour d'été? Une analyse critique sur des personnages de romans de Jane Austen. Le rôle des labels touristiques en France.

  28. Les conseils de dernière minute d'un professeur agrégé pour le bac de

    ENTRETIEN- Expressions à bannir, gestion du temps... Jean-Baptiste Wephre alerte sur les écueils à éviter pour le bac de français 2024.

  29. Le commentaire de texte du bac général 2024

    Le narrateur, Édouard, tombe amoureux d'une jeune veuve, la duchesse de Nevers. Fils d'un avocat, il ne peut lui avouer son amour parce qu'il n'est pas noble.

  30. ChatGPT vous a sûrement battu au bac de philo… et il n ...

    Ce mercredi 14 juin, des centaines de milliers de lycéens se sont mesurés à l'épreuve de philosophie du baccalauréat. Mais ils n'étaient pas les seuls : une compétition entre le philosophe ...